Entretien avec la réalisatrice Kim O’Bomsawin, sur son documentaire-choc « Ce Silence qui tue », basé sur le rapport Canadien de la Gendarmerie royale du Canada GRC : « 1017 femmes et fillettes autochtones ont été tuées entre 1980 et 2012, un taux d’homicide au moins 4 fois supérieur à celui de toutes les autres femmes. »
Crédits vidéo : Xavier Foreau
Transcription
« Bonjour, je m’appelle Kim O’Bomsawin. Je suis Abénakise. Je suis de la nation Abénakise, qui est une nation située sur le territoire du Québec au Canada.
J’ai réalisé en 2015-2016, ce film qui s’appelle « Ce Silence qui tue », « Quiet killing » en anglais, sur le sort des femmes autochtones assassinées et disparues.
C’est un sujet extrêmement difficile, extrêmement d’actualité au Canada.
Je suis extrêmement fière des femmes qui ont participé au film parce que sans leur témoignage il n’y aurait pas eu de film bien sûr, mais c’est des histoires de vie tellement difficiles, qu’elles ont rendu avec tellement d’humanité et de fierté et de force, qu’on ne peut que les admirer, et non pas avoir pitié d’elles, malgré, comme je disais, des histoires de vie très difficiles.
Sinon, ce film avait pour but aussi d’éduquer la population générale qui n’y connaît rien malheureusement. Là, je ne blâme personne ici en disant ça parce que malheureusement nos cours d’histoire ont été montés, de manière à ce qu’on oublie les premières nations.
Et donc on se retrouve dans la situation où les gens ne savent même pas combien de nations nous sommes au Québec, alors que c’est la base, on partage le même territoire.
On est assez nombreux proportionnellement parlant et puis nos cultures sont pour la plupart encore très vivantes, et on a tellement à offrir, tellement à donner, on devrait tellement nous écouter parfois, notamment en contexte de crise climatique.
Donc ce film servait aussi à jeter les bases d’une compréhension collective, de manière plus large, sur les enjeux qui touchent des premières nations, d’où viennent ces problématiques qu’on pourrait dire systémiques.
Donc évidemment on parle de 200 ans de colonialisme, on parle de politique assimilationniste au rythme des mises sur pied à partir de 1876, qui nous ont fait mal, mais pas comme ils pensaient : ils s’étaient donné deux générations pour « régler le problème indien ». Donc pour que tous les Indiens soient assimilés à la population canadienne, et donc qu’il n’y ait plus de réserves, plus de pensée autochtone.
Malheureusement ça a duré 100 ans, ils ont fini par fermer les écoles, les réserves restent toujours, mais nous sommes de plus en plus nombreux : on est le groupe au Canada dont la démographie croît à une vitesse fulgurante. Je pense que c’est 4 fois de la statistique le taux de natalité par rapport au reste des Canadiens et Canadiennes.
Donc on est en train de rattraper et puis on est la force, je pense, du Canada pour l’avenir, et puis on se sent bien.
Je pense que c’est ce que le film raconte aussi : des gens qui sont parvenus à briser le cycle, à se guérir individuellement.
Et puis à regarder maintenant vers le futur, qu’est-ce qu’on va faire avec nos enfants maintenant. »
Extrait du film « Ce Silence qui tue » (Quiet Killing) de Kim O’Bomsawin (Abénakise), 2018, Canada, 76 min. Prix « Long métrage magistral » au Festival Reelworld de Toronto.
Remerciements à Kim O’Bomsawin pour sa disponibilité et son énergie après la conférence,
et à CSIA-Nitassinan qui a organisé les célébrations de la 39ème édition de la Journée internationale de solidarité avec les peuples autochtones des Amériques.