Vendredi 30/08 au matin, les groupes de whatsapp des membres des familles d’enfants handicapés ont commencé à se remplir de questions : « Tu as été payé ? », « Tu as eu l’allocation ? », « Tu ne l’as pas eue non plus ? », « Comment on va faire ? »… Au milieu du naufrage, le gouvernement argentin a, une fois de plus, laissé les plus faibles à leur sort.
La dévaluation qui a résulté de la fuite des capitaux marque la fin d’un cycle néfaste pour l’économie argentine. Les promesses électorales de Mauricio Macri se sont transformées en mensonges. Les faits ont montré qu’il n’a jamais voulu les tenir. Baisser l’inflation: ils l’ont triplé. Réduire le déficit: il a doublé. En finir avec la pauvreté: ils l’ont augmentée au point de lui faire atteindre des niveaux sans précédent et sans doute dévastateurs d’ici la fin de l’année. Si en milieu d’année on comptait déjà 51 % d’enfants argentins souffrant de la faim, la débâcle des dernières semaines va mener ces chiffres à un niveau scandaleux pour un pays capable de produire des aliments pour dix fois sa population.
La meilleure équipe de démolition des 50 dernières années a détruit les salaires, les faisant tomber à moins de la moitié de leur valeur de 2015. Le pourcentage de chômeurs se camoufle derrière un tiers des travailleurs inscrits comme monotributista [N.d.t. statut proche de celui d’auto-entrepreneur] que le gouvernement se targue d’appeller « entrepreneurs » alors qu’ils n’ont aucune possibilité de se défendre face à l’inflation et le coût de la vie très élevé, l’augmentation des factures de services publics qui a atteint 2500% en moins de quatre ans.
Le président Mauricio Macri est devenu un fantôme politique qui ne cherche qu’à se décharger de toute responsabilité dans ce qui s’est passé et désigne les siens et les inconnus, surtout les inconnus, comme coupables de tous les maux. Sa démission, loin de servir à quelque chose, provoquerait un chaos institutionel. Mais cela semble inévitable, en raison de l’incompétence de tous les principaux responsables gouvernementaux.
Le milieu des affaires se sent floué par le gouvernement. Ils ont parié sur lui et ont versé beaucoup d’argent à l’Alliance Cambiemos [N.d.T. le parti de Macri] pour qu’il les libère du péronisme, des impôts, des lois et des syndicats. La brutalité avec laquelle le gouvernement s’est comporté les a laissés sur la touche. Une fois que le club très fermé de copains s’est rempli les poches aux dépens de l’Etat, les autres se sont retrouvés ruinés non seulement économiquement, mais aussi en voyant leurs rêveries libérales s’effondrer pendant que les majorités demandent au populisme de leur venir en aide à nouveau.
Jeudi 29/08, une foule immense s’est mobilisée pour demander que l’état d’urgence alimentaire soit déclarée. Une mesure qui permettrait que des lignes budgétaires provenant d’autres fonds, soient consacrées à soutenir les réseaux d’aide sociale qui fournissent de la nourriture aux plus démunis. Des millions de personnes se nourrissent en allant dans des cantines communautaires, aux soupes populaires, aux tasses de lait [N.d.T. Distribution de la nourriture pour les enfants], des coopératives ou les gens survivent grâce à la charité et à la solidarité organisée, dernier rempart face à la misère organisée du gouvernement macriste.
L’opposition a présenté le projet de l’Urgence alimentaire en de mutlitples occasions, mais l’exécutif refuse que le parlement ne siège, à moins que les députés et sénateurs ne le fassent -extorsion pure et simple- pour avaliser l’endettement effectué sans l’accord législatif et qui a laissé l’Argentine avec des dettes pour un siècle. Le Fonds monétaire international a donné au pays la somme la plus importante jamais accordée à un gouvernement ; on estime que c’est beaucoup plus que ce qui avait été accordé dans le Plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe. Cependant, le gouvernement Macri n’a pas utilisé le prêt pour les travaux publics, mais pour financer les dépenses courantes et permettre la plus grande fuite de devises de l’histoire, ce qui est strictement interdit par les statuts du FMI. Il n’y aura donc pas que les fonctionnaires argentins qui finiront en prison.
Le vendredi 30/08, la Pastorale Sociale, 48 heures avant la rencontre de Macri avec la Conférence épiscopale, a demandé « d’urgence » l’application du programme d’Urgence alimentaire et nutritionnelle, en raison de « l’augmentation sévère de l’indigence, de la pauvreté, du chômage et de la hausse aveugle du prix des denrées de base ». Le communiqué ecclésiastique fait référence au besoin urgent d’un « panier de base pour la petite enfance », qui devrait inclure « des médicaments, des vitamines, du lait en poudre liquide et enrichi, des produits laitiers, des viandes, du poisson, des fruits, des légumes, des œufs, des légumes secs et des couches ».
L’hypnose des médias a permis à Macri de gagner les élections en 2015, et même maintenant, après la dévastation économique, 32% de l’électorat a encore voté pour lui lors des élections primaires du 11 août. Mais ces mauvais résultats ont fait qu’une bonne partie des principaux communicateurs ont retourné leur veste et ont commencé à pester, à signaler des actes de corruption et à « découvrir » que Macri et ses acolytes étaient en train de détruire l’Argentine.
Hernán Lacunza, le nouveau ministre des Finances, qui a été contraint de raccrocher ses skis et de se rendre d’urgence à Buenos Aires, a déclaré la cessation des paiements de l’État argentin, une mesure antérieure au défaut, à la faillite. La vitesse vertigineuse avec laquelle le plan économique néolibéral-oligarchique s’est effondré a catapulté Alberto Fernández comme le candidat le plus voté le 11 août, avec plus de 12 millions de votes (49%) et la demande populaire de renverser la vapeur avant que l’effondrement ne soit complet.
Fernandez a le soutien de l’ancienne présidente Cristina Fernandez comme candidate à la vice-présidence, ce qui lui a apporté un grand nombre de voix, mais aussi la certitude de la capacité de commandement et d’expertise pour faire face à la situation économique peut-être la plus grave que l’Argentine ait subie. Le soutien populaire, la capacité de réunir de larges majorités, la participation de vastes secteurs sociaux et idéologiques, permettent d’entrevoir un soleil d’espoir derrière l’iceberg contre lequel Macri s’est entêté à foncer encore et encore.