Il y a quelques jours, nous avons publié deux articles apparemment sans rapport. Le premier : « Science de l’esprit: Comment une nouvelle perspective de la conscience pourrait nous aider à nous comprendre nous-mêmes ».
L’auteur utilise le mot conscience comme synonyme d’éveil, mais s’étonne de la faculté d’altruisme et trouve dans un schéma plus spirituel –(différent du religieux mais pas mutuellement exclusif) où le cerveau prend conscience de l’univers environnant– une conception peut-être plus satisfaisante.
Le deuxième article, « Vision is finally on the rise in U.S. politics » (La clairvoyance est enfin en hausse dans la politique des Etats-Unis » prévient que le rejet des visions alternatives (idéologies) si enracinées dans l’agenda néolibéral est en recul, et que de nouvelles « visions » ou images comme le Green New Deal, le socialisme démocratique, etc. ne provoquent plus les réactions des organes étrangers de ces dernières décennies, mais commencent, au contraire, à susciter l’engouement des nouveaux mouvements sociaux et politiques.
La convergence de ces deux concepts apparemment sans lien est, du point de vue de la Psychologie du Nouvel Humanisme (PNH), ce qui définit précisément la conception de l’être humain au cours de son existence dans le monde, et sa capacité à évoluer. Nous ne vivons ni dans « le monde extérieur » ni dans « la conscience intérieure ». En fait, nous existons dans une structure conscience – monde, au sein de laquelle ce que nous percevons comme espace extérieur à nous, est en fait une représentation de cet espace qui a été acquise par les sens extérieurs (avec ses limites telles que la capacité de fonctionner entre des seuils déterminés) et filtrée par les voies conduisant aux centres de perception du système nerveux central, en comparaison avec les expériences précédentes mémorisées, dans un certain ton affectif et déplacé dans un espace de représentation pour donner l’illusion d’exister dans l’espace extérieur. Cela, c’est ce que nous appelons la « réalité », et ça explique pourquoi différentes personnes perçoivent différentes réalités. La diversité n’est pas un choix, mais une occasion d’élargir notre compréhension de la réalité au-delà de nos limites individuelles.
La manière particulière dont chaque personne structure le monde, ce que les phénoménologues nomment l’intentionnalité, est la force de propulsion la plus puissante dans l’évolution de l’humanité, aidant le processus de passage du déterminisme à la liberté. Le déni d’intentionnalité chez autrui est à l’origine de toutes les formes de violence. Beaucoup perçoivent dans les profondeurs de leur propre conscience une impulsion, tantôt subtile, tantôt bouleversante, à grandir, à évoluer, à créer un meilleur moi et un monde meilleur. Voici une qualité ineffable d’intentionnalité. C’est un registre, une sensation, mais difficile à définir et par conséquent interprété en termes de paysages formatifs personnels et culturels. Est-ce accordé par Dieu, les dieux, les démons, une intention évolutive, l’inconscient, ou quoi ? Cela a le goût d’une expérience spirituelle, car nous ne savons sans doute pas d’où elle vient, mais il est difficile de se défaire de l’expérience et, bien que profondément personnelle, elle nous relie à un registre qui transcende le moi individuel.
Les sensations proprioceptives du monde interne, telles que la cénesthésie (perception générale du corps) et la kinesthésie (perception de position et de mouvement) suivent des modèles similaires aux sens externes, mais elles sont finalement représentées dans les limites du corps. La perception d’autres objets de la conscience, tels que les pensées et les images, ont tendance à être représentés dans la tête. L’énergie associée à certaines images est perçue en différents lieux en fonction de sa charge émotionnelle, de sa luminosité, et de son thème. Les images mystiques sont représentées dans la partie supérieure de l’espace de représentation et déplacent le corps pour construire des cathédrales. Tomber amoureux bouleverse notre cœur, ou nous donne des papillons dans l’estomac, et regarder le football nous donne aussi l’impression que nos jambes shootent dans le ballon avec les joueurs. Quant aux images à connotations sexuelles, elles mobilisent ce qu’elles doivent mobiliser, mais elles servent aussi à vendre des voitures, des parfums et de la puissance, parfois aussi des hamburgers.
Les « visions » ou images sont fondamentales pour bouger cette structure conscience-monde dans le monde social, politique, naturel et psychologique. En voici un exemple.
Une personne est assise à la maison et a faim. Alors lui vient à l’esprit l’image d’un sandwich dans le réfrigérateur. Mue par l’image, la personne va à la cuisine pour prendre le sandwich et la faim disparaît.
Ce n’est pas très différent de ce qui arrive lorsque les gens se sentent opprimés et déshumanisés. Alors se forme l’image d’un monde meilleur, qui est communiquée aux autres, pour que des mesures soient prises afin d’améliorer les choses. En fait, il n’y a pas d’action sans image (vision) qui mobilise le corps ; la souffrance ne suffit pas, il doit y avoir une image de quelque chose qui peut être réalisé pour donner une direction et une énergie à la recherche du dépassement de cette souffrance.
D’autres peuvent produire une contre-image qui s’oppose à l’action ; en fait, nous connaissons depuis de nombreuses années le programme néolibéral visant à supprimer toutes les images d’alternatives, comme le TINA (There Is No Alternative) de Margaret Thatcher : « il n’y a pas d’alternative ». Prétendant ne pas être une image, une « idéologie », un acteur pragmatique, laissant les marchés décider, l’ancien concept du laissez faire, cette vision d’une concentration débridée de la richesse régulée non par les êtres humains mais par les forces du marché a dominé le monde depuis que son principal idéologue, Friedrich Hayek, a reçu en 1974 le Prix Nobel de l’économie.
Les images sont utilisées pour partager, vendre, manipuler et libérer. La publicité exagère les qualités d’un produit. La propagande informe ou crée de fausses nouvelles à des fins politiques. Ce n’est pas nouveau. Shakespeare a été encouragé à diffamer l’image de Richard III afin de légitimer l’accession au trône par les Tudor. Dans son procès, Socrate a été dénoncé pour impiété et corruption de la jeunesse, principalement pour avoir utilisé sa méthode de recherche afin d’apprendre aux gens à trouver leurs propres réponses, leurs propres images, au lieu de se contenter du dogme. Les réseaux sociaux ont multiplié la propagation des fausses images des millions de fois. La propagande du Brexit était dominée par deux fausses images : des files massives d’immigrants (en particulier des musulmans de Turquie) venant envahir le Royaume-Uni, et des versements de £350 millions de livres par semaine à l’UE qui seraient détournés vers le Service de Santé si le Royaume-Uni quittait l’Europe. Boris Johnson, membre du Parlement et candidat au poste de Premier ministre, a été traduit en justice pour avoir soutenu ce mensonge, c’est-à-dire pour inconduite dans l’exercice de fonctions publiques, mais la Cour suprême a rejeté les accusations » en raison du bon sens des électeurs en mesure de l’évincer s’ils le souhaitaient » ( ?!!)…!
Nous disposons maintenant des outils pour faire le saut : la Révolution de la Conscience
Ce qu’il y a de merveilleux en ce moment, c’est que l’humanité est en train de développer une meilleure compréhension de la conscience, de sorte que nous savons maintenant comment neutraliser la propagande et partager des informations réelles. Il s’agit d’élever le niveau de conscience. Le grand réveil. Cette possibilité existe depuis des millénaires, mais elle n’était accessible qu’à de petits groupes « d’initiés », ou simplement à ceux qui avaient la chance d’être proches des philosophes, des guides et des penseurs qui ont trouvé le chemin et ont eu le désir de le partager.
Aujourd’hui, ce sont précisément les réseaux sociaux, les bibliothèques en ligne et les médias qui créent la possibilité d’un accès à tout pour tous. Mais comme en grande partie (la plus grande partie ?) ce sont des déchets, nous devons faire un effort pour communiquer les outils de conscientisation afin que les gens puissent les reconnaître et s’en débarrasser.
Élever le niveau de conscience signifie être capable d’observer intentionnellement non seulement ce qui se présente à nos yeux, mais aussi de percevoir l’effet que cette information a sur notre esprit, de former une image de ce que vise cette information, d’être en mesure de pouvoir la vérifier et la mettre en contexte, en comprenant le fonctionnement, les relations et la diversité de l’expérience humaine.
Nous n’ignorons pas que les agences de publicité savent bien comment réduire le niveau de conscience des consommateurs potentiels. Comme le sexe fonctionne mieux en demi-sommeil, où les images du type rêve éveillé sont les plus suggestives, les femmes peu vêtues sont souvent placées près de voitures et autres objets à vendre, de sorte que le sens critique est négligé de façon agréable. En état de veille la publicité commerciale et la propagande politique sont moins suggestives, mais c’est dans l’état de conscience de l’approbation que l’analyse critique maximale des objets – perçus comme observation des mécanismes de conscience associés à l’expérience et de ses effets sur eux – peut s’exercer, et toute la construction peut être dirigée intentionnellement. Les outils pour se former à agir ainsi sont largement disponibles. Nous incluons ici quelques liens pour clarifier les concepts présentés dans cet article (Voir fin article).
Le moment est critique, alors que le fascisme destructeur avance avec ses propres images populistes dramatiques qui encouragent la violence et se nourrissent des frustrations vécues par les gens à travers le monde, plongés dans l’échec du néolibéralisme. Il y a plusieurs urgences, et parmi elles le changement climatique, la résistance aux antibiotiques, la mort et les maladies dues à la pollution, la lutte contre la pauvreté et l’inégalité, tout ce qui indique la nécessité de changer le système dans son ensemble. La méthodologie de la nonviolence active est à la base d’un tel changement, mais elle ne peut se produire que dans le contexte de cette révolution de la conscience.
1 Contributions à la Pensée, Psychologie de l’image, de Silo
2 L’espace de représentation comme expérience psychosocial, de Silvia Swinden
3. Autolibération, de Luis Ammann
Traduction de l’espagnol, Ginette Baudelet