Au mois d’avril 2019, Pressenza a organisé des événements à Paris et à Bordeaux pour célébrer les 10 années d’existence de l’agence.
L’évènement à Paris avait pour titre “Quel est ton engagement pour la planète ?” et a donné lieu à plusieurs interviews, nous présentons ici celle réalisée avec Claudine Buriez, de l’association Splash Mouv’n Swing.
Crédits Vidéo : Brigitte Cano. Interview par Mauricio Alvarez.
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Transcription de l’entretien :
Pressenza : Est-ce que tu peux te présenter ?
Claudine Buriez : Alors en deux mots, je suis quelqu’un passionnée par la peinture et en même temps par les autres, par les humains, donc simplement j’ai eu envie, au fil du temps, d’expérimenter qu’est-ce que cela pouvait donner de créer à plusieurs. On a donc commencé dans les espaces publics, en impliquant les gens, les passants, et du coup cela fonctionnait, et cela fonctionnait tellement que l’on a choisi avec les gens que j’ai rencontrés à l’époque d’aller comme ça, vers les gens, qui pouvaient être extrêmement en difficulté, toutes sortes de personnes.
On a un projet qui s’appelle Finding Home, que l’on mène depuis quelques temps, où l’on va créer, ensemble, avec des personnes qui sont demandeurs d’asile, ou qui sont réfugiées, ou qui sont, au sens, ‘sans aucun statut’. L’idée c’est, avec ces médias communs et universels, qui sont la musique, la culture et la peinture, de se rapprocher, de partager ensemble, et en même temps de montrer aux autres que toutes ces personnes-là et nous, on est tous les mêmes. Bien sûr, on peut avoir passé par des histoires différentes, mais l’on est fondamentalement des humains qui avons des choses à dire.
La création collective est aussi une façon de créer une alternative face au consumérisme, parce que l’on a envie aussi de participer, de dire, de montrer cette idée que créer c’est quand même tellement plus intéressant qu’être dans une posture de consommation ; et puis aussi l’idée de la culture, ce qui nous entoure, cette culture-là quelquefois peut nous paraître éloignée, mais l’on rappelle aux gens que quelque part, ils sont tous créateurs de leur propre culture, ils sont tout en eux-mêmes, et en se rassemblant, en créant ensemble, ils génèrent aussi cette culture, c’est aussi un message fort. Cela est aussi la culture, c’est quelque chose qui est issu des gens : par eux, pour eux ; cela n’est pas forcément une ligne esthétique qui est prônée par telle ou telle institution, telle ou telle personne, et qui correspond à des choses qui peuvent paraître loin des gens.
Pr. : Comment est née l’idée de créer cette organisation, est-ce qu’il y a eu un déclencheur, quelque chose qui t’a dit : voilà c’est cela qu’il faut créer ?
C.B. : Oui bien sûr. C’est une histoire un petit peu intime. Effectivement, l’on est dans la rue en train de créer avec des étudiants en beaux-arts, ils étaient complètement immergés dans la création, puis l’on était quelques-uns à dire : Tiens ! il se passe quelque chose dans l’espace public, les gens sont là, ils nous regardent et nous prennent en photo, on n’a qu’à les impliquer pour partager avec eux, au lieu de se le garder pour nous, on va l’ouvrir… Et l’espace public permettez tout à fait cela : la rencontre. Donc, on a invité les gens à participer, et comme ça tout était naturel, et cela a tellement fonctionné, l’on a tellement été encouragé par des gens en plein d’endroits, et on a vraiment passé comme ça plusieurs mois, même quelques années à l’expérimenter partout où l’on allait avec nos pinceaux. Et une fois que l’on a bien expérimenté l’on s’est dit : maintenant on a envie d’aller plus loin et de le porter à des gens que l’on ne va pas croiser facilement, qui sont peut-être dans d’autres configurations, peut-être qu’ils sont à la Porte de la Chapelle [N.d.E. au nord de Paris, endroit de rassemblement des migrants venant d’Afrique ou du Moyen-Orient et Asie] et ils sont malmenés, parce que de fois il n’y a même pas un poste d’eau. C’était une bataille pour qu’ils aient accès à tout, donc nous avons eu envie de peindre avec eux, déjà, pour que ce soit un moment chaleureux pour eux et recréer un peu quelque chose de coloré et de chaleureux, et en même temps pour montrer aussi à d’autres personnes, ‑ à travers ce que l’on a tous en commun : la capacité de créer qui est propre à chacun, ‑ que ces gens-là sont comme tous les autres.
Pr. : Quel est le retour des gens qui participent à cette pique d’actualité [N.d.E. les migrants] avec toi ? Comment réagissent ces personnes qui sont en difficulté lorsqu’ils s’expriment par la peinture, ce n’est pas évident pour tout le monde de peindre, mais c’est en même temps un langage universel. Quel est le retour une fois qu’ils ont participé à ces activités avec l’association ?
C.B. : Il y a souvent beaucoup de besoins, ils se rendent compte. Il y a souvent un moment de calme, de concentration et après, souvent il y a un moment de joie, parce qu’ils se rendent compte que ce qu’ils ont fait les dépasse, ce qu’ils ont fait à plusieurs les valorise, individuellement et collectivement. Ils se rendent compte que oui, c’est nous qui avons fait cela, et c’est assez fort.
Pr. : Comment mobiliser les personnes à travailler avec dans cette association, car elles sont des bénévoles, qu’est ce qui les motive de venir ?
C.B. : Ce qui les motive c’est le but même de l’association, c’est ce côté de créer ensemble et de découvrir les gens en ayant une activité commune. C’est-à-dire, l’on se rencontre et on échange avec eux, on a envie de se rapprocher des personnes comme ça, des migrants, parce que l’on a entendu parler dans les médias, et l’on a envie d’aller un peu plus loin, et c’est donc une façon aussi de pouvoir les rencontrer et d’avoir un échange d’humain à humain avec eux.
On travaille aussi en milieu hospitalier, là aussi, c’est une façon de d’avoir un rapport à l’autre qui peut être en difficulté, mais à travers une médiation qui fait que ça facilite la relation, et alors après on rencontre les gens partout, on les rencontre quand on fait des actions, de fois quand on travaille aussi dans l’espace public, lorsqu’on participe à des forums, cette année l’on va participer à la nuit du handicap par exemple, tous cela sont des moments où l’on peut rencontrer les personnes.
Pr. : Comment financer tout cela ?
C.B. : C’est un peu là encore la difficulté, pour l’instant on essaye d’avoir quelques projets qui sont financés, soit par la région, soit par la ville, soit par la mairie du 12e par exemple [N.d.E. arrondissement de Paris]. L’on essaie aussi de temps en temps de faire quelques prestations pour des personnes qui ont les moyens, ou en milieu hospitalier, pour un peu se défrayer.
Pr. : Si l’on fait un petit tour par le climat, que c’est le thème qui nous réunit aujourd’hui, ainsi que la situation de la planète, quelle est ta vision sur ce qui se passe aujourd’hui sur la planète ?
C.B. : Ma vision est quelque part pessimiste et en même temps pas, car il y a aussi beaucoup de gens qui enfin prennent conscience. C’est comme si l’on était à bord d’un train, et ce train fonce dans le mur et l’on est tous dans ce train, et donc on a envie d’arrêter ce train-là. C’est ce qui fait, pour moi, le mouvement des Gilets Jaunes, c’est d’arrêter ce train dans lequel on est tous dedans, mais en même temps il y a heureusement beaucoup de gens qui prennent conscience, mais est-ce que cela va suffire…
Pr. : D’après toi, est-ce que cela va suffire ?
C.B. : Je n’ai pas envie d’être négative… je ne sais pas, on est assez inquiet quand même…
Pr. : Quel est ton engagement personnel sur ce sujet, est-ce que tu fais quelque chose pour aller dans le sens où on l’on doit aller ?
C.B. : Dans ma consommation oui, bien sûr, je suis par exemple quelqu’un qui n’a jamais eu de voiture, on va continuer à s’en passer parce que ce n’est pas la peine. Aussi dans la façon de consommer, on essaie de consommer des choses qui sont dans des circuits courts de transport, qui ne viennent pas de trop loin. On participe à des Amap (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), on essaie aussi par la peinture, l’on essaye de prendre de produits qui sont écologiques et qui correspondent à ce qu’on peut utiliser. Aussi dans le fait, pour nous, de créer à plusieurs, il y a un message que l’ont fait passer, l’idée qu’à plusieurs on est plus fort, il y a un sens collectif que l’on essaie de faire passer à travers notre façon de travailler.
Pr. : Est-ce tu aurais autre chose à ajouter, une question que je n’ai pas posée ou par rapport à ton association.
C.B. : On travaille pour des personnes en difficulté, mais on travaille aussi pour le milieu hospitalier, c’est quelque chose qui est important, on s’est rendu compte que cela pouvait nous apporter et apporter beaucoup de choses aussi aux personnes. On se rend compte de plus en plus, maintenant, que l’on travaille aussi en forme de plusieurs ateliers pour pouvoir, ne serait-ce que pas venir qu’une seule fois, et en même temps transmettre aussi à une autre équipe, comme on vient de le faire par exemple récemment : on travaille comme cela, vous pouvez reprendre cette démarche-là, parce que cette démarche appartient à tout le monde. La création collective est un message que l’on a envie de transmettre. Quand on voit des gens se réapproprier cette idée-là, quelque part c’est aussi un message que l’on a envie de donner, c’est à dire que nous, on n’est pas propriétaire de quoi que ce soit, au contraire, si l’idée de créer ensemble peut se déployer, cela nous paraît intéressant.
Plus d’information sur les événements Pressenza 10 ans :
A Paris :
1/ [10 ans Pressenza – Paris] Évènement : “Quel est ton engagement pour la planète ?”
2/ [10 ans Pressenza] Interview de Thierry Chen, d’Extinction Rebellion
A Bordeaux :
1/ [10 ans Pressenza – Bordeaux] Expo photo et projection débat
2/ Interview : « Nous sommes dans une phase de rigidification, les ferments de changement cherchent à s’exprimer », François Pellegrini
3/ Accès du citoyen à l’information : interview de Patrick Maupin, de Greenpeace
4/ Interview : Korbak, d’Aquilenet : internet, un outil démocratique