Par Daniela Brina
Comment autonomiser la société civile ? Comment trouver des solutions aux problèmes des communautés ? En commençant par les relations.
Partant de cette simple prémisse, le sociologue et activiste Saul Alinsky a entrepris dans les années 1940 d’améliorer les conditions dans un quartier populaire de Chicago. Depuis lors, sa méthode d’« organisation communautaire » a été expérimentée, testée et développée dans plusieurs pays à travers le monde, apportant des résultats concrets à de nombreuses communautés.
Le vendredi 17 mai, j’ai participé à une présentation de cette pratique intéressante de citoyenneté active visant à former des « organisateurs » pour un projet pilote dans un quartier de Turin, Barriera de Milan. C’est une zone suburbaine avec une forte concentration d’immigration (toujours, d’abord du sud de l’Italie et maintenant de l’étranger) qui présente des problèmes de petite délinquance, de pauvreté, d’urgence du logement, d’intégration, mais aussi de nombreuses opportunités, comme toujours dans des réalités complexes. J’essaie donc de résumer, par rapport aux éléments qui ont été présentés et à ce que j’ai compris, les principes sur lesquels il repose.
Tout d’abord, nous devons construire le pouvoir d’action (en fait, les personnes défavorisées n’ont pas de pouvoir parce qu’elles sont divisées), donc nous devons partir des relations et non des problèmes, en commençant par apprendre à connaître les gens qui composent la communauté, en les écoutant. Dans ce travail de connaissance et de cohésion, il est fondamental d’impliquer les communautés qui maintiennent la société ensemble (encore appelées organisations), c’est-à-dire les écoles, les églises, les centres de congrégation en général, qui sont stables dans le temps et sont composés de personnes très différentes. En même temps, il est nécessaire de créer un écosystème de leaders, c’est-à-dire de ne pas dépendre de leaders « naturels », mais d’appuyer les personnes à assumer des responsabilités et non faire à la place des autres ce que les autres peuvent faire seuls, c’est-à-dire faire évoluer les gens. De cette façon, on peut aborder les enjeux : transformer la protestation en proposition, analyser le pouvoir de comprendre qui a vraiment l’occasion de décider et de faire une différence sur une question particulière et, par conséquent, polariser et personnaliser l’objectif que demande une réponse (pas « tirer dans la pile » de façon générique, ce qui ne mène pas a des résultats). Toutes ces pratiques permettent de développer une culture de l’humilité et de la responsabilité. Les « organisateurs » qui guident ce processus sont les facilitateurs qui permettent le développement correct de la méthode et sont capables de guider les communautés pour atteindre des objectifs réalisables. Barack Obama, un célèbre organisateur communautaire, a occupé ce poste dans les années 1980 à Chicago, dans une zone défavorisée à forte majorité noire, avant de faire de la politique.
Points communs avec les expériences italiennes
Bien qu’il s’agisse d’une méthode née et développée aux Etats-Unis, donc dans une réalité sociale très différente de la nôtre, j’ai trouvé beaucoup d’aspects intéressants, trouvant des points communs avec certaines de mes expériences d’activiste humaniste et avec certains principes de communication nonviolente.
Depuis les années 1990, le Mouvement Humaniste, par le biais d’associations de volontaires, a organisé des « Centres de Communication Directe » dans les quartiers, avec l’objectif de reconstruire le tissu social. De nombreuses expériences ont été menées dans des villes du monde entier. L’un des instruments utilisés a été « l’expérience de la démocratie directe », qui invitait la population à s’exprimer sur les questions les plus problématiques du quartier (préalablement identifiées par la recherche dans la rue et le porte-à-porte). De l’une de ces expériences dans un quartier de banlieue de Turin où je travaillais, le problème s’est posé d’une place abandonnée, sans lumière, qui était devenue un cimetière de seringues usagées. Nous avons donc organisé une collecte de signatures pour demander une assemblée publique dans la municipalité, ce que nous avons réussi à faire avec beaucoup de difficulté. Lors de la réunion, à laquelle ont assisté les habitants et les commerçants locaux, il a été expliqué, de manière absurde, la question de savoir pourquoi cette place avait été abandonnée à son sort pendant tant d’années et la situation a été résolue grâce, avant tout, aux techniciens de la municipalité, qui se sont occupés de la question et ont immédiatement apporté de légères améliorations. Nous avons continué la pression, nous avons également impliqué de jeunes architectes dans la réalisation d’un projet de réaménagement et nous l’avons présenté. Jusqu’à ce que l’intervention a été incluse dans un programme extraordinaire financé et, après quelques années, la place (Piazza Nazario Sauro) a changé son visage. C’était une petite expérience, mais très gratifiante compte tenu de la difficulté de voir les résultats concrets du propre travail en tant que militant bénévole.
Notre but était, et est toujours, d’organiser la base sociale pour changer ce qui ne va pas, d’une manière nonviolente. Parmi les fondements de la communication, puis de l’action nonviolente, se trouvent les relations, en particulier la qualité des relations : nous avons besoin d’un travail d’auto connaissance, ne pas toujours nous plaindre et blâmer les autres, apprendre à trouver des solutions créatives qui ne blessent personne et qui nous permettent d’aller au-delà de l’évidence rendant possible ce qui semblait impossible. Tirant toujours profit des qualités et des expériences, qu’elles soient négatives ou positives. Tous ces éléments se retrouvent, également, dans l’organisation communautaire.
C’est pourquoi nous saluons toutes les pratiques qui vont dans cette direction, qui cherchent la convergence, qui cherchent à dépasser l’égoïsme individuel, qui créent des communautés cohésives et solidaires, qui ouvrent l’esprit et le cœur à « l’autre ». Cela ne peut être que bénéfique pour tout le monde.