Nous publions ici les paroles prononcées par Antonio Carvallo (et traduites simultanément en anglais par Tony Robinson) lors de la célébration du cinquantième anniversaire du Siloisme dans le cadre de l’événement le plus marquant qui a eu lieu ce 4 mai 2019 dans les Parcs d’Etude et de Réflexion de Punta de Vacas, situé au pied du Mont Aconcagua, dans la Cordillère des Andes. Ces paroles, et les cérémonies qui ont suivi, ont été suivies par une diffusion en continu depuis de nombreux et différents endroits sur les cinq continents.
« Chers amies et amis, Siloistes, Pèlerins, voyageurs et Maîtres, ici présents et dans d’autres Parcs sur tous les continents ! Bienvenus à la célébration de notre cinquantième anniversaire :
Anniversaire de la harangue prononcée par Silo en ce même lieu le 4 mai 1969.
C’est un jour de fête, de remerciement, de réflexion et d’évaluation, et pourquoi pas, aussi, de réflexion sur l’avenir !
Vous écoutez un participant à telle occasion, qui n’a jamais regardé en arrière.
Notre histoire commune est abondamment documentée, et cette brève présentation n’est pas l’occasion de l’approfondir.
Je veux simplement partager quelques-uns des souvenirs et des réflexions qui m’accompagnent en cette période et dans ce même lieu du Parc historique de Punta de Vacas où tant de moments cruciaux de notre processus ont eu lieu.
Silo s’est de nouveau exprimé publiquement ici en 1999, 2004 et 2007.
Voici un bref compte-rendu de ces cinquante années :
J’ai commencé à participer à Santiago dans la seconde moitié de 1968. J’avais 22 ans. Dès le début, j’ai été impressionné par les matériels circulant dans des copies dactylographiées : la méthode, les travaux attentionnels, la théorie de la fuite, le déterminisme et le hasard, l’accident et le destin, la théorie de l’action, des matériels d’une profondeur remarquable pour des groupes d’activistes spontanés. On disait qu’il était possible de rompre avec le déterminisme et de progresser vers la liberté. On parlait du surhomme, de l’éveil de la conscience, de l’apparition de l’École. Il y a eu une activité intense à Santiago, des campagnes annonçant la venue de Silo, de nombreuses réunions et des groupes d’étude et de pratique, l’invitation de nouveaux membres et la préparation de la mobilisation du 4 mai. Plus de 70 d’entre nous venaient du Chili.
C’est ainsi que je me souviens de ce jour-là. Il y avait une grande attente et un sentiment d’incertitude, contrastant avec la magnificence du paysage, des gardes à cheval avec des mitraillettes entouraient le terrain. Nous savions que Silo commençait sa vie publique et lancerait son message. Mais rien de plus. Je ne le connaissais pas encore…
L’ambiance était électrique, spectaculaire, impossible de ne pas se sentir très ému d’être là. Silo, s’approchant des micros avec des mouvements lents et harmonieux, projetait une force intense et très spéciale. Quand il a commencé, au milieu du silence, par son message « Si tu es venu écouter un homme… », ça a été quelque chose de bouleversant pour moi. A partir de ce moment, mon attention n’avait plus qu’un seul objet, non seulement la présence de Silo délivrant son message, mais aussi la clarté de ce qu’il expliquait, la séquence des idées. Cela s’est si profondément gravé dans mon cœur que cette expérience a perduré et a déterminé le cours de ma vie.
La harangue (1) m’a fortement impressionné par la variété des thèmes qu’elle touchait et par sa signification profonde… mais franchement, ce n’est qu’au fil des années et de l’expérience de nombreux avatars que j’ai compris la harangue comme une graine contenant tous les principes de cette source du savoir multiple et divers qui constitue la doctrine aujourd’hui.
Jetons un rapide coup d’œil sur ces années.
Le livre « Le Regard Intérieur », commencé là-bas dans la vallée, dans l’ermitage de pierre et achevé quelques mois plus tard, pose désormais définitivement les fondements de l’enseignement, avec les thèmes du non-sens, la contradiction, l’abîme et la voie pour le surmonter. L’action unitive. La force et son contrôle. En affirmant comme source l’expérience de la révélation intérieure, à laquelle parvient celui qui, soigneusement, médite en une humble recherche.
Dès le 4 mai, les groupes de supporteurs au Chili et en Argentine s’organisent et se multiplient, la qualification progresse et les premières dispersions vers l’Amérique latine, les Etats-Unis, l’Europe et l’Asie sont planifiées.
En 1972, Silo a donné la Conférence sur la Méditation Transcendantale à Santiago, qui a été interrompue et suspendue le deuxième jour à cause d’une intervention de la police. Cette fois-ci, c’était le régiment de l’Unité Populaire.
Sous la pression et la persécution des dictatures militaires dans les deux pays, qui poussent de nombreux supporteurs à l’exil, la présence des Siloistes dans divers pays européens se renforce.
En 1974, un centre de travail a été établi à Cordoba, en Argentine, où des groupes de supporteurs venus d’Europe, des États-Unis et d’Amérique du Sud ont participé pour les premiers travaux dans les métiers et disciplines. L’année suivante, un centre d’études est ouvert à Corfou, où se développent les premières études de notre psychologie, qui sont approfondies aux îles Canaries en 1976 et 1978, avec la participation d’amis du monde entier.
Citons ce que Silo a dit ici, le 4 mai 1999, résumant 30 ans d’histoire :
“Durant les années soixante-dix, l’organisation « La Communauté Pour Le Développement Humain » commence à se constituer… Il s’agit d’un groupe social et culturel qui au fil des années sera reconnu par les Nations Unies. C’est à ce moment-là que des paramètres doctrinaires plus précis sont fixés et que sont établies les caractéristiques de ce nouveau type de mouvement, qui ne peut déjà plus être confondu avec la spontanéité d’autres groupes ayant un goût de franche décadence et de désintégration. C’est à partir de « la Communauté pour le Développement Humain » que commence à se développer un grand nombre de clubs culturels, d’organisations sociales de quartier et de groupes de base. […] Ce Mouvement Humaniste, si diversifié dans ses activités sociales et culturelles, est aussi à l’origine de partis politiques qui commencent à se former dès les années 80. Dès les années 90, le Mouvement est à sa pleine maturité conceptuelle, se définissant comme Humanisme Universaliste, ou bien comme Nouvel Humanisme, et se différencie clairement des anciens humanismes avec lesquels il ne garde aucune relation, ni organique ni idéologique. Cette année (1999), il s’apprête à réaliser une évaluation complète de ce qui a été fait depuis les premiers pas et prétend définir sa stratégie pour le siècle à venir”.
Finalement, en ce siècle ci…
Le Message délivré par Silo en 2002 est lancé, avec son matériel, Le Livre, L’Expérience et Le Chemin. Tout cela avec leurs modèles respectifs de fonctionnement et de développement, et leur libre interprétation, permettant ainsi une façon de travailler basée sur l’expérience et capable d’atteindre tous les êtres humains sans distinction.
L’École est officialisée et le travail systématique des Disciplines est mis en œuvre en tant que condition d’accès. Les Parcs d’Étude et de Réflexion sont fondés comme lieu d’implantation. Des travaux de mise à niveau ouverts à tous sont réalisés, et le travail dans les Disciplines s’accomplit en procédure accélérée et en groupe.
Silo revoit toute son œuvre et crée la page Silo.net
C’est l’œuvre de la première décennie du siècle, quand Silo anticipe déjà son départ et oriente tout pour ce nouveau moment. Il a dit à plusieurs reprises : « Les gars ! J’ai fait ma part, maintenant c’est à votre tour. »
Au cours de la deuxième décennie, des progrès ont été réalisés dans la construction de parcs qui sont aujourd’hui plus de cinquante dans le monde, les communautés du Message de Silo s’étendent de tous côtés. Là où les conditions sont favorables, les organismes officiels du Mouvement humaniste se développent : La Communauté pour le développement humain, le Parti humaniste international, la Convergence des Cultures, Monde sans Guerres et sans Violence et le Centre Mondial des Études Humanistes. Le Mouvement a aussi d’autres organisations, des Forums, des marches et une agence de presse, qui se développent dans de nombreux endroits.
Nous y voici aujourd’hui !
Silo a vécu sa vie avec nous, il a tout partagé, son style, sa sagesse, son travail, son temps, son intention et son projet.
En cette époque complexe dans laquelle nous vivons, en fait, la plus complexe de l’histoire humaine à ce jour, sans précédent, il n’y avait rien à imiter. Toujours à la recherche de l’avenir, du processus du monde et de ses tendances, il formulait de nouvelles voies, les plus probables, toujours en adaptation croissante avec la destinée de l’œuvre commune. Avec au moins trente ans d’avance sur le processus historique, il a vu venir la déstructuration, la chute de l’empire, et l’avènement de la nation humaine universelle.
Il nous a instruits, inspirés et guidés selon un plan directeur de construction, dans un contexte de grande liberté, proposant toujours quelque chose d’intéressant, presque hors proportion avec le quotidien de nos vies…
Il a fait le lien entre les gens, ceux de la rue, du monde environnant, et leur a inspiré des dimensions insoupçonnées ; il nous a conduits à voir en chacun de nous des êtres exceptionnels, des êtres du futur, intemporels, des immortels.
Nous nous sommes dispersés à travers le monde avec la puissance de cette vision et de la doctrine qui s’est développée dans tous les domaines en une symphonie de manifestations diverses mais étroitement liées entre elles. Telle est la vie humaine.
Son sens de l’humour, sa vitalité inépuisable, son changement et son renouveau constants, sa capacité à établir des relations et à structurer les choses, lui ont permis de construire de nouvelles réalités, de nouveaux regards et de nouveaux paysages. Les dialogues, comme nous le savons, pouvaient durer des heures sans interruption, promenant son regard et reliant entre eux des thèmes divers et séparés dans le temps et l’espace, les reliant avec ingéniosité et art autour de nos intérêts centraux. De cette façon, les thèmes du moment étaient élaborés de manière croissante, et les amis présents prenaient des notes qui après avoir été révisées étaient distribuées à tous.
C’était la manifestation vivante de la doctrine. C’était l’École en action.
Il se déplaçait continuellement dans tous les lieux d’activité du Mouvement, des réunions semestrielles se déroulant dans les deux hémisphères pour faciliter la participation, des plans détaillés, des statistiques continues de tout ce qui avait été réalisé. Le Mouvement fut informatisé dès l’apparition des premiers ordinateurs personnels sur le marché. Il n’a jamais laissé une lettre, un appel ou un courriel sans répondre rapidement. Il a souvent produit de nouveaux écrits doctrinaux, ou des révisions et des ajouts à ceux déjà existants. Entretiens, analyses et projections sur la situation sociale, politique, psychologique de la population toujours en prenant des échantillons-témoignages.
La réinvention constante de thèmes, de modalités et d’environnements de travail ont été une source d’inspiration permanente, par moments opérant sur le monde, à d’autres moments, sur la qualification et l’étude. La communication avec les autres, l’enseignement de ce qui avait été appris étaient néanmoins, le centre de toute action, de tout plan, de toute conception du travail.
Il préserve et souligne, toujours à partir de la doctrine, les affinités avec les courants de pensée d’autres moments historiques, le processus de pensée à partir des mythes qui sont les racines de l’humanité.
Dans son enseignement, j’ai toujours vu une grande humilité et une véritable reconnaissance de l’effort et du talent des générations qui nous ont précédés. Avec un formidable sens d’intégration, de structure.
Silo est le modèle de conduite, le guide et l’ami. Il reste toujours co-présent pour guider et inspirer l’action.
Aujourd’hui, cette expérience est vivante, elle se reconstruit, se restructure et se transforme. Elle m’inspire et me stimule, c’est le mythe qui agit sur ma conscience. Plus elle se transforme, plus ma compréhension de l’enseignement change. Et par conséquent celle de la réalité.
Quelle est puissante l’expérience vivante et agissante que nous portons en nous.
Pour avoir été partie prenante et témoin du processus de naissance et de développement de la doctrine dans le temps, et avoir expérimenté chaque jour l’impact de son extraordinaire vérité de son ampleur et de sa profondeur, je peux affirmer sans doute aucun que c’est la doctrine de transformation la plus complète, la plus sage, la plus profonde capable de connecter l’être humain avec le sacré dans la profondeur de sa conscience.
Mais cette célébration ne serait pas complète sans la reconnaissance mutuelle et la gratitude du fond du cœur pour le grand travail accompli côte à côte au cours de ces années, qui a donné un sens à notre vie et a permis aux autres de découvrir le plus grand des enseignements.
Le monde a changé. Une nouvelle sensibilité est en marche. Aujourd’hui, ce sont les enfants qui prennent l’initiative d’affronter le système de manière nonviolente en s’attaquant aux problèmes les plus graves qui affectent l’humanité. Aujourd’hui, c’est l’environnement et la survie sur la planète. Très bientôt, ce sera la question de la violence qui, comme nous le savons, est à l’origine de toute destruction et de la souffrance individuelle et sociale.
Une civilisation mondiale couvre la planète, la technologie connecte chaque personne en temps réel, tout s’accélère de plus en plus, ébranlant les fondations de la psyché de l’homme. Cependant, cette même technologie permet d’atteindre jusqu’au dernier recoin de la terre, avec notre message de changement, de foi en l’être humain, de dépassement de la souffrance. Avec joie, amour pour le corps, pour la nature, l’humanité et l’esprit.
Nous avons eu le privilège de participer à la naissance et au développement du plus grand des enseignements avec Silo comme Maître et Guide. C’est maintenant à nous de communiquer cet enseignement universel dont l’humanité a vraiment besoin.
Soutenons-nous tous les uns les autres dans cette grande tâche avec solidarité et une affection sincère.
Paix, Force et Joie ! »
(1) La Harangue sur la guérison de la souffrance :
Traduction de l’espagnol, Ginette Baudelet