Avec la loi adoptée définitivement par le Sénat aujourd’hui, les autorités portent un coup très dur à la liberté de manifester pacifiquement en France.

Le droit français existant permet déjà largement de prévenir, interpeller, poursuivre et sanctionner lourdement des personnes commettant des actes de violences lors de manifestations.

« Contrairement à son intitulé, cette nouvelle loi n’apportera rien contre les “casseurs” et ne protégera surtout pas les  manifestants pacifiques. Au contraire, elle ouvre grand la porte à l’arbitraire des pouvoirs exécutifs d’aujourd’hui et de demain », a déclaré Nicolas Krameyer, responsable du programme Libertés pour AI France.

Ainsi, moins de dix-huit mois après la fin de l’état d’urgence, les interdictions administratives rentrent dans le droit commun. Les préfets, et à travers eux le pouvoir exécutif, pourront interdire à une personne de manifester, sur des bases extrêmement floues, loin du contrôle de la justice.

De même, les manifestants pacifiques qui souhaiteraient protéger leur visage des effets des gaz lacrymogènes, par exemple, risquent désormais d’être exposés à des arrestations et condamnations arbitraires.

La France doit respecter ses obligations internationales

En France, les risques de dérive ont été dénoncés par 53 associations et syndicats. Au niveau international, trois experts indépendants des Nations unies « ont exprimé leurs vives préoccupations [sur] certaines dispositions qui ne seraient, selon eux, pas conformes au le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auxquels la France est partie […] Ces dispositions pourraient être appliquées de manière arbitraire et conduire à des dérives extrêmement graves. ». La commissaire aux droits de l’homme au Conseil de l’Europe a elle aussi exprimé sensiblement les mêmes préoccupations.

Le Conseil constitutionnel, saisi par le président de la République et des groupes parlementaires opposés à la loi, sera amené à examiner la loi au regard de la constitution française. « Nous appelons à ce qu’il joue pleinement son rôle, non seulement au regard de la constitution, mais aussi des obligations et engagements internationaux de la France relatifs au droit de réunion pacifique », a déclaré Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty International France.

COMPLÉMENT D’INFORMATION

Lire le détail des préoccupations d’Amnesty International France (AIF) relatives à la proposition de loi « visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations », suite à son adoption en première lecture à l’assemblée nationale le 5 février 2019.