Rencontre avec Catherine Vallée, co-créatrice de l’École Plénitude de Bordeaux et responsable du cycle formation d’Art Thérapie Évolutive, à l’occasion de la journée internationale des luttes pour les droits des femmes.
Ce 8 mars 2019, au cinéma Jean-Eustache de Pessac, le film « Primas » de la réalisatrice Laura Bari, est projeté. Il aborde le sujet des violences sexuelles subies par deux cousines et leur travail de résilience.
Pressenza : Qu’est-ce que l’Art Thérapie ?
Catherine Vallée : L’Art Thérapie c’est, de manière générale, prendre un support artistique – ou dit artistique – pour s’exprimer.
Toutes les personnes ne sont pas aptes à verbaliser, en particulier les enfants, concernant l’état de faiblesse, et des personnes qui n’ont pas ces facilités de langage.
Donc on va proposer aux personnes de dessiner, de dessiner leurs émotions, leurs traumatismes.
Par exemple dans le film ( Primas ), on voit la jeune fille qui a cette image mentale des yeux de son violeur. Donc pour accompagner la personne à se libérer de cette obsession, on pourrait lui proposer de dessiner les yeux du violeur et ensuite de passer à un acte symbolique où l’on va brûler ou déchirer ce dessin pour pouvoir libérer ce traumatisme, cette mémoire traumatique.
Donc l’art thérapie c’est vraiment un support qui permet par le biais du dessin, de la peinture, de l’écriture mais aussi de la danse, du modelage, permet de pouvoir exprimer, c’est à dire sortir de son inconscient, sortir de sa psyché, les éléments traumatiques, pour pouvoir peu à peu les déposer et s’en libérer.
C’est comme cela que nous pratiquons en art thérapie évolutive.
C’est une démarche bien spécifique que nous développons dans l’école de la Plénitude.
Nous accompagnons les personnes à déposer progressivement leurs souffrances, ou des aspects limitants de leur ego, qui les empêchent d’avancer dans la vie (les complexes, …), ensuite on aide la personne à installer des nouvelles qualités qu’elle rencontre au travers des épreuves qu’elle est en train de traverser.
C’est en cela que c’est évolutif : c’est à dire qu’il y a un processus qui est de déposer, d’exprimer, de clarifier par une analyse, une approche verbalisée des choses, et puis ensuite l’installation de qualités de la personne qui va lui permettre de se développer et de croître.
C’est en cela que l’art thérapie évolutive a cette démarche bien particulière.
Nous abordons souvent les questions sur le plan du collectif, c’est à dire que les grosses problématiques qui nous arrivent, très souvent, ce genre de traumatismes épouvantables, émanent beaucoup des inconscients collectifs.
Quand on travaille par exemple aussi avec des enfants, comme on le fait en art thérapie évolutive humanitaire avec les enfants des rues, par exemple au Cambodge parce que j’en reviens, les enfants déposent par des dessins des traumatismes. On voit des choses relatives aux incestes, aux maltraitances sexuelles, etc. Bien sûr, on ne met pas le mot inceste dessus, mais on leur parle de violences, qui sont dans l’inconscient de l’humanité, et qui sont en train de se libérer. Et eux, participent à cette libération.
Ce qui est intéressant, c’est qu’avec ces grands thèmes, on s’englobe tous dans cette problématique, et que tout cela s’enracine dans des inconscients collectifs forts.
Pressenza : A qui s’adresse l’art thérapie ?
Catherine Vallée : L’art thérapie s’adresse à toute personne en souffrance, à un moment dans sa vie, que ce soit à la suite de graves traumatismes, ou que ce soit à la suite d’un désir de croissance, d’un désir de développement, des occasions de crises dans la vie, de crise de couple, de crise familiale, de crise d’adolescence, etc.
L’art thérapie évolutive peut être un support tout à fait intéressant pour pouvoir comprendre l’origine des blocages et des conflits, et puis ensuite installer une nouvelle personnalité en faisant appel aux ressources.
Pour une large partie, les problématiques graves que l’on peut rencontrer sont dues à l’influence des inconscients collectifs. Et puis trans-personnels aussi parce que le pré-supposé de l’art thérapie évolutive est que nous sommes le SOI, nous sommes une conscience qui prend de plus en plus sa place dans la vie de l’être humain à travers ses potentiels et ses qualités.
Et c’est en ça que l’on peut parler de développement personnel ou aussi de développement trans-personnel.
Pressenza : Que nous révèle le dessin ?
Catherine Vallée : Le dessin nous révèle justement des refoulements, des interdits, des conditionnements, des événements traumatiques qui ont été oubliés, etc. et qui se révèlent à l’analyse du dessin.
Pour cela il faut analyser le dessin, interpréter la symbolique du dessin pour pouvoir répondre à tous les éléments de l’inconscient qui s’expriment là.
De dessin en dessin, la psyché va se révéler, et aussi ses qualités, et comment la personne va rebondir.
Je me souviens par exemple d’un dessin d’une danseuse, qui avait de manière totalement inconsciente dessiné une danseuse qui avait les pieds entravés. C’était totalement involontaire. C’est ce que l’on appel un lapsus. C’est un lapsus qui est matérialisé dans le dessin par le fait que les pieds sont entravés.
Donc à partir de cet élément, libéré par l’inconscient à travers ce dessin, on va pouvoir parler de ses conditionnements, de ses interdits, de ses peurs par rapport au développement de la danse, de cette aspiration à devenir pleinement une danseuse.
Et puis nous allons intervenir sur le dessin en découpant par exemple les entraves des pieds de la danseuse et ensuite expanser ce dessin, et placer la danseuse dans une situation d’épanouissement et de réalisation.
Voila donc le genre de détail qui est délivré par l’inconscient à l’occasion d’une séance d’art thérapie évolutive dans un dessin.
Et c’est pourquoi on va rechercher à travers ça à contacter les qualités de la personne.
Pressenza : Notez vous une évolution dans la conscience collective ?
Catherine Vallée : On assiste depuis une dizaine d’année à une remontée des inconscients, des miasmes de l’inconscient collectif. Donc il y a beaucoup de choses autour des incestes, des violences qui émergent. Et que les femmes, je parle des femmes car ce sont essentiellement le public que l’on rencontre en art thérapie évolutive, commencent à mettre de la conscience sur toutes ces questions là.
Je trouve que d’année en année, avec le public que nous avons en art thérapie évolutive, dans la formation que j’anime aussi, nous constatons beaucoup plus de conscience, beaucoup plus d’envie, d’énergie pour avancer et intégrer des notions pas seulement personnelles, mais justement trans-personnelles.
Donc je pense que nous sommes dans une grande ère de changement et d’évolution.
Nous remercions madame Catherine Vallée pour sa disponibilité et sa bienveillance.