Allocution prononcée au consulat d’Équateur dans le Queens, aux États-Unis, le vendredi 18 janvier 2019
Je tiens à remercier la Confédération des journalistes équatoriens de New York d’avoir organisé cette conférence sur le journalisme, et je remercie également le consulat de permettre la tenue de cet événement. C’est un honneur que d’y être invité et de pouvoir participer aux différentes discussions. Pour moi, le sujet central est celui de ces personnes courageuses, qui accomplissent un travail phénoménal afin de révéler l’information et de la rendre accessible au grand public.
Qu’est-ce que l’information ? Qu’entendons-nous par « les nouvelles » ? Les nouvelles les plus importantes concernent des questions que les gens puissants ne veulent pas rendre publiques. Et si nous parlons de quelque chose de déjà connu, personne ne sera intéressé.
Je ne peux pas être ici aujourd’hui, dans ce consulat équatorien du Queens, à vous parler, à mes amis et à mes collègues journalistes, sans parler de la situation grave dans laquelle se trouve Julian Assange, fondateur de Wikileaks et actuellement détenu à l’ambassade d’Équateur à Londres. Cela fait presque 7 ans que Assange a trouvé refuge à l’ambassade équatorienne pour échapper à l’extradition par les autorités britanniques. S’il met ne serait-ce qu’un pied hors de l’ambassade, il sera immédiatement arrêté et très probablement extradé vers les États-Unis, où il risque une longue peine de prison, ou pire encore.
Depuis des années, le lanceur d’alerte Assange attend dans la petite ambassade de Londres et, depuis l’élection de Lenín Moreno, sa situation s’est aggravée. Il n’a plus de contact avec le monde extérieur, sauf avec ses avocats, son état de santé se détériore rapidement, et on lui refuse les soins médicaux nécessaires. A cela s’ajoute le harcèlement quotidien, qui vise à faire vivre un enfer au fondateur de WikiLeaks.
Cette introduction terminée, j’aimerais vous faire part de plusieurs points aujourd’hui. Premièrement, un pays qui se réclame des droits de l’homme et de la liberté d’expression partout dans le monde n’a PAS le courage de les appliquer dans ses propres murs. Le Royaume-Uni a un gouvernement de lâches qui n’a pas le courage d’affronter les États-Unis et d’accorder l’asile politique à Assange. Il n’a pas non plus le courage de s’occuper de quelques centaines d’immigrés à Calais qui meurent dans leurs tentatives d’asile. La Grande-Bretagne se dit une démocratie et ne peut pourtant pas lâcher sa monarchie. Alors je vous en prie, arrêtons de croire à cette propagande, ce n’est qu’une mascarade.
En comparaison, l’Équateur a fait preuve de courage pendant de nombreuses années et a tenu tête aux États-Unis à de nombreuses reprises. Julian Assange est un de ces exemples. Peu de pays ont eu le courage de défendre la liberté d’expression et de protéger les journalistes. L’Équateur a également eu le courage de s’opposer au projet de base militaire américaine en Équateur, lorsque le président Correa a déclaré qu’il accepterait une base militaire américaine en Équateur lorsque l’Équateur pourrait construire une base militaire en Floride.
Voici un court extrait d’une déclaration du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire intitulée « Les experts de l’ONU exhortent le Royaume-Uni à respecter ses obligations en matière de droits et à laisser M. Julian Assange quitter librement l’ambassade d’Équateur à Londres ». La déclaration a été approuvée par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, M. Michel Forst. « Le 10 décembre, le monde a célébré la Journée Internationale des Droits de l’Homme. Il y a soixante-dix ans, ce même jour, les Nations Unies proclamaient la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, la mère de tous les droits. Il est temps que M. Assange, qui a déjà payé le prix fort pour avoir exercé pacifiquement ses droits à la liberté d’opinion, d’expression et d’information et pour promouvoir le droit à la vérité dans l’intérêt public, retrouve sa liberté. »
Je termine mon discours en reprenant une question posée lors de l’interview de Reto Thumiger de Pressenza avec Jorge Jurado, ex-ambassadeur de la République d’Équateur à Berlin :
R. Si j’ai bien compris, il n’y a pas de pression en Équateur sur Moreno pour qu’il traite mieux Assange ou qu’il trouve une solution humaine au problème, alors en réalité, seule la pression internationale peut aider. Que peut faire la société civile allemande pour appuyer Assange ?
J. Pas seulement en Allemagne, je pense qu’il est très important d’exercer une pression très forte, durable et quotidienne, une solidarité internationale avec cette personne, qui se trouve aujourd’hui dans une situation vraiment très difficile. En Allemagne, il y a la possibilité de faire beaucoup pour lui. Faire pression sur les politiciens allemands pour qu’ils fassent eux aussi pression en faveur d’un certain changement, afin que le gouvernement britannique prenne une direction différente. La pression internationale doit être beaucoup plus forte. D’ici, j’ai l’impression que la situation d’Assange n’est pas un problème quotidien, mais il en souffre chaque jour. Je ne vois pas d’autre moyen que d’accroître la pression de la solidarité internationale et de continuer à étendre les actions dans toute la mesure du possible.
Je voudrais personnellement remercier les Équatoriens pour leurs soutiens pendant toutes ces années et demander à toutes les personnes présentes dans cette assemblée de renouveler nos efforts pour condamner le Royaume-Uni face à cette situation d’échec immoral. En travaillant à la libération de Julian Assange, nous luttons pour la justice, nous dénonçons la corruption morale de nos gouvernements, la manipulation de la justice, et le lavage de cerveau orchestré par les médias mainstream et les réseaux sociaux.
Traduit de l’anglais par Xavier, rédaction francophone