J’ai rencontré Hélène à l’usine autogérée de BIOME et elle m’a parlé de la décision de sa famille de quitter son village d’Olympiade après y avoir vécu 17 ans.

Durant les 17 dernières années, HélèneKypreou a vécu avec son mari et son fils de deux ans et demi, au village d’Olympiade dans la région de Chalkidiki, en Grèce, très près de l’usine d’extraction d’or d’Eldorado, jusqu’au changement des circonstances existantes dans la région. Hélène et sa famille sont devenues, avec la signature d’Eldorado, des migrants environnementaux.

Dans son message sur Facebook du 20 novembre 2018, elle déclare :

Μία όμορφη ζωή κοντά στην φύση εδω και 17 χρόνια στους πρόποδες της ολυμπιάδας χαλκιδικής έλαβε τέλος…Με μεγάλη λύπη…

Posted by Eleni Kipraiou on Monday, 19 November 2018

Traduction du message : Une belle vie près de la nature pendant 17 années aux contreforts de l’Olympiade de Chalkidiki s’est terminée… Avec une grande douleur, on va abandonner ce rêve d’autonomie à cause de l’usine Eldorado, parce qu’elle pollue notre lieu… La poussière et les eaux usées abîment notre santé. Publiez s’il vous plaît ce message pour que le monde sache ce qui se passe dans notre région.

Environ un mois après, je l’ai rencontrée dans une de ses présentations concernant les déchets d’Eldorado à l’Olympiade, dans le cadre de la fête Écologique qui a été organisée par l’usine autogérée de BIOME. Après sa présentation, elle m’a raconté l’aventure de sa famille.

Hélène Kypreou : J’ai grandi à l’Olympiade. Je suis mariée et j’ai un fils âgé de deux ans et demi. Pendant les 17 dernières années j’ai eu une ferme, héritage par mon grand-père et j’habite là. A vrai dire, j’habitais là. A cause de la poussière et des déchets, on a déménagé à Asprovalta. J’ai filmé les eaux usées de l’usine d’Eldorado. Après la publication de ces vidéos, ils ont mis des balustrades et ont clôturé la rue publique pour nous empêcher de passer par là. Beaucoup de choses sont arrivées. On est allé partout. On a informé la police, les gardes forestiers, la Municipalité, le Maire de l’Olympiade et de Varvara, qui travaillent aussi à l’usine, mais rien ne s’est passé. Personne n’a réagi, personne ne s’est intéressé. En ce qui concerne les vidéos, ils insistent pour dire qu’elles ne sont pas réelles, qu’elles sont des montages, artistiques. La rivière peut être librement observée, elle est à la vue de tous. Ceux qui veulent aller la voir peuvent s’y rendre et vérifier d’eux-mêmes la présence des eaux usées.

Μαυρόλακκας Ολυμπιάδα δήμος Αριστοτέλη-Eldorado Gold

Mήνυμα απ το Βάτραχο!!!(προς το τέλος του βιντεο)και απ τις αλγες.. ακούει και βλέπει κανείς?

Posted by Propontida againstgoldmining on Friday, 12 October 2018

On a été obligé d’abandonner la région parce que l’on piétine dans un bourbier, les routes sont pleines de poussière et il y a beaucoup de mauvaises odeurs, en réalité c’est le résultat du passage de camions lorsqu’ils vont décharger à l’usine, c’est pour cela que l’on a été obligés de partir.

Pour ta famille et toi, qu’est-ce que ça veut dire au niveau pratique et au niveau psychologique, le fait de vous dire « Nous sommes obligés de quitter notre maison après 17 ans ? »

C’est tragique, parce que maintenant je suis obligée de louer un logement. Tous mes rêves sont détruits. Étant plus jeune, je suis partie d’Olympiade et suis allée à la ville où j’ai fait mes études, puis, je suis revenue dans mon village, je me suis occupée de ma ferme, j’ai pris soin des cultures, des animaux, comme d’habitude.

J’ai commencé avec mes savons, j’ai voulu les certifier et commencer une industrie. J’ai une ferme et on a décidé d’y faire l’installation. Mais le service archéologique l’a interdit, parce que cette région est classée en première zone d’un point de vue archéologique. Aujourd’hui, ce sont les fers arsenicaux d’Eldorado qui se répandent. Pourquoi pour la région l’usine d’Eldorado n’est-elle pas considérée comme une zone archéologique et pour moi oui ?

Cette histoire est tragique. Tous mes rêves sont détruits. Je ne veux pas avoir une voiture chère et une villa. Je vivais dans une cabane, j’ai rêvé de quelque chose de simple, mais vous voyez, on ne nous permet même pas d’obtenir ces choses simples, modestes.

Et maintenant, à Asprovalta ?

Mon époux est électricien et travaille dans les environs de cette région. Mais malheureusement, aujourd’hui il habite dans un logement provisoire, il ne sait pas s’il pourra y loger demain. Vraiment, je ne sais pas où je serai demain. Ce n’est pas facile de trouver un logement dans cette région parce que ce sont les employés de l’entreprise qui résident là et les loyers sont chers. Même la maison que l’on a trouvée est à vendre. Le locataire nous a dit que si le propriétaire trouve un acheteur, on sera obligé d’en partir. Alors, où est-ce que je peux aller ? Retourner à Olympiade ? Ou serait-ce mieux de partir ?

Le site d’Olympiade est moins connu dans le contexte minier de l’extraction d’or dans le monde parce que c’est le site de Skouries dont on entend parler, car c’est le focus du mouvement contre l’extraction d’or. Malgré tout, le site d’Olympiade est un des sous-projets d’investissement d’extraction. Quels travaux vont-ils faire là ?

L’usine d’Olympiade existe depuis l’époque de Mpodosaki, dans les années 70. Après, pendant les années 90 est venue l’entreprise TVX. Tout le village était contre le projet. La Police a envahi le village, il y avait des protestations, divers événements ont eu lieu. De cette manière on les a obligés à partir. Aujourd’hui, à Olympiade les habitants disent qu’il n’y a « aucun chômeur » mais personne ne parle de la nature. L’entreprise Eldorado est venue à la même époque à l’Olympiade et à Stratoni, et bien sûr à Skouries, où se trouve la mine à ciel ouvert et le grand désastre.

Il y a eu surtout de l’intérêt pour le site de Skouries, c’était quelque chose de nouveau. Mon mari a dénoncé des situations, il a été persécuté et inculpé, mais il a pu repartir. Mais à Olympiade, ils travaillaient d’une manière infernale. La région est pleine des métaux lourds.

Que se passe-t-il à Olympiade, pourquoi personne n’en parle ? Pourquoi dès qu’on attire l’attention sur un lieu,  essaient-ils d’en faire sortir les déchets rapidement ? En ce qui concerne les eaux usées, elles contiennent des déchets toxiques, tout cela va aux rivières et les canaux qui arrivent à la rivière Mavrolakka. Enfin, tout ça se déverse dans le golfe de Strymonas.

Pourquoi personne ne vient voir les eaux usées et les déchets ? Que fait Stathakis, se prépare-t-il à accorder de nouvelles licences « temporaires » ?

Pollution provenant des eaux usées, la rivière longeant l’usine.

Pollution provenant des eaux usées, la rivière longeant l’usine.

Outre les eaux contaminées de la rivière, en sortant des installations du site on voit les camions qui sont nettoyés et dont on lave les roues pour enlever diverses substances nuisibles. D’où  viennent ces substances ?

Ils lavent les camions parce qu’ils emportent des déchets avec des substances qui ne doivent pas être transportées dans l’environnement. En même temps, ces camions jettent ces déchets nocifs dans la rivière. A l’usine, ils ont rénové les machines à laver le minéral dès le moment où Eldorado est arrivé. Ils prennent le minéral dans les galeries, le mettent dans la machine à laver et le nettoient. Ils rincent avec du cyanure, je suis sûre de cela parce que les employés nous l’ont dit. En particulier, un employé nous a dit que dans le passé, la citerne venait une fois par semaine, et maintenant elle vient deux fois par semaine: ils utilisent donc des quantités plus importantes de cyanure. Il y a des employés qui se plaignent car il sont préoccupés par leurs problèmes de santé, des personnes sont licenciées.

Route sur un pont qui rejoint l’usine à la maison d’Hélène.

Comment l’entreprise se comporte-elle vis-à-vis des habitants d’Olympiade ?

J’avais parlé avec un ingénieur de l’usine. Je l’ai conduit à un point près de la rivière et lui ai montré les fers arsenicaux. Il m’a répondu : « D’accord, ne dis rien, on va voir ce que l’on va faire, je vais tout arranger, ils ont commis beaucoup de fautes ». Cet ingénieur était également responsable de l’environnement au sein de l’entreprise. Maintenant la responsable c’est Emmy Gazeus. On a aussi parlé avec elle et elle a envoyé un autre ingénieur qui m’a conseillé de commencer moi aussi à travailler à l’usine, pour réunir tout le monde. Un autre ingénieur me disait que j’étais privilégiée d’habiter près de l’usine parce que de nouvelles rues seraient construites. Mais il se moquait de nous. Ils nous ont dit de nous taire, que tout se passerait normalement, que le lieu serait nettoyé et d’autres mensonges. « Ne dérangez pas les voisins », a déclaré un Canadien.

Ils essaient de nous asservir de différentes manières. On avait peur, mais surtout on avait peur pour notre santé. Ma famile affronte maintenant de graves problèmes de santé. La poussière, les déchets, cette odeur du bourbier au sol… Moi, je ne peux pas revenir à l’Eco-lander (fête écologique) dans ces conditions pour y amener mes savons fabriqués avec des cendres et des herbes comme je le faisais autrefois. Quelles herbes vais-je cueillir maintenant ? Quel chou, quelle tomate du jardin pourrais-je manger  ? Je ne vais pas prendre le risque parce que j’ai un bébé.

 

———————-

Interview d’Alexandros Litsaradakis le 17/12/2018 pour OmniaTV .

L’article original est accessible ici