Le Forum sur la violence urbaine qui a lieu à Madrid du 5 au 8 novembre a une telle ampleur qu’il a été impossible de suivre tous les travaux des divers séminaires auxquels ont participé des centaines de femmes et d’hommes, principalement d’Espagne, mais aussi d’Amérique du Sud et d’autres pays du monde.
La présentation de Luís Bodoque Gómez de « Un monde sans guerres » a semblé innovante et, à l’aide d’exemples et d’expériences, il a clairement montré comment la « concurrence » est la base des conflits, avec l’ignorance de l’autre, les stéréotypes (« on dit que… ») et les différentes perspectives d’observation des faits. Enfin, il a fait valoir que « une opinion différente ne devrait pas nécessairement créer un conflit ».
La discrimination anti-islamique, c’est aussi la violence
Intéressant, aussi, la reconnaissance du travail de l’«Observatoire de l’islamophobie». Une importante étude réalisée en 2017, dans laquelle plus de 1600 articles publiés dans six revues nationales espagnoles ont été analysés, a montré que 90% des informations publiées sur l’Islam ou les musulmans présentaient des « aspects négatifs », et que 72% des articles d’opinion présentaient clairement des aspects islamophobes. Le journal « La Razón » était à la tête de l’islamophobie, tandis que « El Diario » était le plus correct [N.d.T. Journaux boliviens].
Les informations d' »inaugurations de musées, construction de cathédrales » sont occultées derrière les informations de violence, ont dit les participants. Les nouvelles de manifestations de femmes et d’hommes musulmans contre le terrorisme n’ont pas leur place, ont-ils ajouté.
Les titres sont souvent sensationnalistes, écrits sur la base de préjugés, sur des informations non vérifiées, dé-contextualisant des événements, sans donner la parole aux musulmans, utilisant une terminologie incorrecte qui confond des termes tels que Islam, arabe ou musulman qui ne sont pas absolument pas synonymes.
Les orateurs ont expliqué qu’il s’agit souvent d’une « ignorance manifeste, d’un manque d’éducation sur le monde arabe » mais aussi, ont-ils dénoncé, d’une véritable « industrie islamophobe » créée par les partis politiques d’extrême droite pour empoisonner les informations et recueillir des votes.
A cela s’ajoute « l’industrie des leaders d’opinion« , des polémiques sans contenu, de ceux qui disent que « tous les musulmans ne sont pas des terroristes, mais tous les terroristes sont musulmans » (récemment Vittorio Feltri sur Libero).
L’Observatoire de l’islamophobie, émanation de l’Institut européen de la Méditerranée, organisme public catalan, en dénonçant cette forme de « discrimination islamophobe« , recommande l’utilisation d’une plus grande « déontologie » de la part des journalistes, mais aussi leur formation préventive efficace par rapport aux sujets sur lesquels ils souhaitent écrire.
L’étude peut être téléchargée sur le site web de l’Institut IEMEd.
Indifférence à la traite des femmes pour le commerce du sexe
Le séminaire « Infirmières pour le monde » a été très participatif et a voulu aborder la délicate question de la « prévention de la traite à des fins de violence sexuelle ». Un thème qui produit une profonde indifférence si l’on observe que 39% des Espagnols avouent avoir eu des rapports sexuels avec une prostituée. Mais un thème où est masquée – mais pas tant que ça – d’abord le mensonge et ensuite la violence, psychologique si ce n’est physique, que les filles rencontrent dans leur territoire rural ou dans leur pays (fréquemment en Amérique du sud, 3000 cas de traite uniquement en provenance de Bolivie entre 2012 et 2017) pour être mises en route vers la prostitution.
Les filles, les garçons, les adolescents – a expliqué le rapporteur – sont trompés par de fausses annonces des agences de recrutement de mode ou d’emploi, mais aussi par de fausses relations romantiques, voire par de véritables enlèvements. Le piège se referme en isolant le sujet, empêchant tout contact avec sa famille et son lieu d’origine.
Le séminaire a clarifié le concept de « traite » – tel que défini par le « Protocole de Palerme » adopté par les Nations Unies en 2000 – et a organisé un atelier pour vérifier et comparer les connaissances des participants sur les différents aspects du phénomène, souvent liés à « l’industrie du sexe » et affectant la vie, la dignité, l’intégrité et la liberté des personnes.
La radicalisation ne se combat pas, elle se prévient
Ma journée s’est terminée par une séance plénière sur « La violence par la radicalisation, l’extrémisme et le terrorisme international ». Il est difficile de résumer deux heures de débat.
La Belge Marta Lomana de l’Institut Européen de la Paix a présenté un ouvrage de juin 2017 sur la commune de Molenbeek, lieu au centre de nombreux phénomènes de radicalisation, résultat de nombreux entretiens avec ses habitants. Le document complet [ING] peut être téléchargé sur le site Internet de l’organisme.
L’italienne Patrizia Fiocchetti a présenté son expérience, entre autres en Afghanistan, et a dénoncé comment les résultats promis par l’intervention américaine – sécurité, lutte contre la radicalisation et pour les droits des femmes – après 17 ans d’occupation et de guerre, ont échoué, comme en témoignent les femmes du burga au centre de Kaboul, les obstacles aux initiatives des femmes de l’association RAWA, ou les attaques il y a quelques semaines dans la capitale afghane.
Fiochetti, qui agit dans le domaine de l’accueil des migrants, a expliqué que pour comprendre le phénomène migratoire il faut s’y rendre. Dans son discours, il a dénoncé la situation grave de Bihac, en tant que citoyen, à la frontière avec la Croatie et souffrant de la pression des migrants rejetés, même violemment, par leur voisin. Il a aussi présenté la situation du mur et les actions militaires de Turquie qui isolent et détruisent la ville kurde-syrienne de Kobane.
Madrid et Barcelone ont fait valoir, contre la radicalisation, que « ce n’est pas une question prioritaire de la police, nous avons besoin d’une prévention qui soit en charge de l’appareil municipal. »
Le maire libanais Jdeideh-Bauchrieh-Sed Antoine Gebara, enfin, a voulu être présent avec un message dans lequel il a déclaré que « l’espace méditerranéen est un lieu de tension, mais aussi d’espoir » et a rappelé certaines des initiatives qui sont menées contre le phénomène de radicalisation : de la « Déclaration de Nice » de 2017 au Forum sur la prévention au Liban et au prochain événement qui est organisé en Tunisie au début 2019.