L’Université du Bien Commun, le Monastère du Bien Commun et la Communauté des Stigmates de Sezano ont décerné à Domenico Lucano un doctorat honorifique en Utopie 2018.
[N.d.T. En juillet 1998, les habitants ouvrent leurs portes et celles du village de Riace à 200 Kurdes d’une embarcation échouée sur leur côte, Domenico Lucano, l’actuel maire, tente de faire revivre le village, fortement affecté par l’exode rural, en intégrant les demandeurs d’asile. Ce projet s’appelle Città futura. Plus de 200 réfugiés vivent désormais à Riace. L’école qui avait fermé en 2000 a maintenant rouvert. Wikipédia, CC]
Voici sa réponse.
Fuori di Riace, 25 octobre 2018
A l’Université du Bien Commun de Sezano,
Cher Professeur Petrella,
Je vous écris pour remercier l’Université du Bien Commun (UBC) dont vous avez été le fondateur avec beaucoup d’autres personnalités et dont vous êtes toujours l’un des principaux représentants, pour avoir pensé à m’attribuer, pour l’expérience de Riace, le degré honoris causa en Utopie.
Une reconnaissance qui m’honore, pour la particularité du diplôme et de l’établissement, d’une manière vraiment différente des nombreux prix qui m’ont été attribués ces dernières années de façon surprenante.
Je dis étonnamment, parce que je pense que je n’ai rien fait d’exceptionnel. Comme je l’ai toujours dit, je n’ai répondu, avec d’autres amis et concitoyens, que de manière tout à fait naturelle à une demande d’aide de tant de personnes désespérées, fuyant la persécution, la guerre, la faim et la misère. Des gens qui ont besoin de tout. Tout d’abord la chaleur humaine et le respect.
Ces dons se trouvent dans l’histoire d’une terre, la mienne, difficile, blessée et marquée par des phénomènes de violence criminelle, par l’émigration constante de ses forces les plus jeunes et les plus vitales, par le chômage, l’abandon et la perturbation, mais qui a ses racines dans la Grande-Grèce, dans son sens et dans sa culture d’hospitalité et d’accueil et qui sait faire de grandes utopies.
Ce n’est peut-être pas un hasard si Riace, dont le sens de l’hospitalité s’exprime bien dans la devise « Trasite, Favorite », [N.d.T. ‘Trasite’ signifie « bienvenu » en dialecte Calabraise] qui est devenue le titre du premier livre sur cette expérience, de Chiara Sasso et Giovani Maiolo, deux de ses protagonistes les plus engagés, se trouve à un peu plus de 15 kilomètres de Stilo, lieu de naissance du Tommaso, né Domenico, Campanelle. J’ai réagi à cette situation inattendue alors que moi et un groupe d’amis d’un petit village de la Jonica Reggina, à quelques kilomètres de Roccella, où, m’a-t-on dit, vous avez vécu une grande partie de votre adolescence et votre jeunesse précoce.
Cette réaction normale à une urgence est devenue le détonateur d’un rêve et d’un sentiment.
Elle a donné de l’élan et de la force au désir de donner une nouvelle chance à ceux qui ont fui des conditions inhumaines et à ceux qui ont résisté à la mort lente d’une communauté.
De là est parti le chemin qui a donné naissance au Riace d’aujourd’hui et qui en a fait une référence pour ceux qui ont pour orientation l’humanité vivante, la rencontre, la solidarité, le respect de la nature et de tout être vivant.
Aujourd’hui, cet édifice, beau mais fatigant, est lourdement attaqué, mais cette attaque, également empreinte de haine, qui le tient aujourd’hui en échec, le rendra plus fort et plus vivant grâce à la contribution de tous ceux, individus, associations, institutions, qui ont soutenu le chemin et de nombreux autres qui s’y ajoutent en ce moment de difficulté.
Même l’UBC, une université anormale, dont la naissance et le parcours ont également contribué à deux amis de Riace, Tonino Perna et Mimmo Rizzuti, avec cette reconnaissance nous aide à tenir et à avancer.
A vous et à cette université particulière avec ses facultés d’eau, de biens communs et de mondaineté, nous vous demandons de nous aider en organisant à Riace, dès que la situation le permettra, un cours sur la nouvelle aventure que vous allez entreprendre, au nom de l’humanité.
Un cours sur le thème de l’Agora des habitants de la Terre les 13-14-15-16 décembre à Sezano : « Oser au nom de l’humanité ». « L’humanité doit s’organiser et exister en tant que sujet principal d’autorégulation du vivre ensemble à l’échelle mondiale, responsable de la vie sur Terre. Dans la conviction utopique concrète qu’il est possible de penser et de donner naissance à un avenir plus heureux et plus juste, pour l’humanité et pour chaque homme, chaque femme et chaque être vivant ».
Si vous voulez, avec beaucoup de modestie, sans aucune élaboration théorique, c’est ce que nous avons essayé de faire à Riace.
Un sincère remerciement et un salut chaleureux
Domenico Lucano