A Cuba, le peuple rédige sa constitution en choisissant, selon les indications de l’Assemblée nationale (le Parlement cubain), deux dates symboliques pour compléter cette « édition populaire participative ». Le procès a été inauguré le 13 août 2018, le jour où Fidel Castro, le leader historique de la Révolution, devait avoir 92 ans. En fin de compte, le peuple cubain aura le dernier mot sur la nouvelle constitution, avec un référendum contraignant, prévu pour le 24 février 2019 prochain : le jour qui a marqué le début, en 1895, de la guerre d’indépendance contre l’Espagne, étape fondamentale dans l’histoire de José Martì. L’unité du peuple cubain est donc représentée par ces symboles commémoratifs dans un passage crucial de l’histoire cubaine la plus récente, si seulement on pense que le processus actuel de « révision constitutionnelle » intervient pour mettre à jour un texte qui est encore celui de 1976, c’est-à-dire qui remonte à plus de quarante ans.
Pour soutenir ce gigantesque processus participatif, un million d’exemplaires de la proposition constitutionnelle ont déjà été distribués à la population. Il y aura plus de cent trente mille assemblées populaires, dans lesquelles le texte de la nouvelle constitution sera discuté, étudié, approfondi, intégré et modifié. Cuba se met donc à jour : et elle le fait avec le trait socialiste de sa dynamique, en déclenchant le rôle central du Parti communiste et en activant la plus large participation populaire. Le même projet constitutionnel le confirme, quand, à l’art. 5, le Parti communiste le déclare « en accord avec Jose Marti, Fidel Castro et marxiste-léniniste, avant-garde organisée de la nation cubaine… la force dirigeante suprême de la société et de l’État ».
L’approche proposée repose sur une base marxiste : établir un cadre juridique général (une configuration superstructurelle) au cadre économique et social renouvelé par le contexte d’interventions (le cadre structurel) que le socialisme à Cuba a connu au cours des vingt dernières années. Il y a, en général, un cadre global de droits : l’égalisation du mariage homosexuel avec le mariage hétérosexuel a fait la une des journaux, donc la pleine légalisation du mariage homosexuel, mais ce n’est que le plus frappant d’un cadre qui vise à consolider une perspective de « tous les droits humains pour tous », à savoir le caractère unitaire et indivisible des droits humains, à la fois civils et politiques, et des droits matériels et culturels.
La confirmation du principe est claire dans ce nouveau projet constitutionnel : la proposition de l’article 1, par exemple, définit Cuba comme « un État socialiste de droit, démocratique, indépendant et souverain, organisé avec tous et pour le bien de tous » ; l’article 3 qui suit confirme que « le socialisme et le système politique et social révolutionnaire, établi dans la présente constitution, sont irrévocables » ; tandis que l’article 27, rappelant la planification socialiste, rappelle que « l’État dirige, réglemente et contrôle l’activité économique nationale ». La même disposition finale (article 224) réaffirme qu' »il n’est pas possible de réviser les principes concernant l’irrévocabilité du socialisme et du système politique et social tels qu’ils sont énoncés à l’article 3″.
Ensuite, il y a la redéfinition de l’ordre politique et institutionnel : esquissant le profil d’un État socialiste comme modèle parlementaire basé sur le pouvoir populaire, le projet constitutionnel distingue la figure du Président de la République de celle du Premier ministre ; le Président de la République est élu par l’Assemblée nationale (art. 121) sur un mandat de cinq ans, renouvelable une fois ; le Président du Conseil est également nommé par l’Assemblée nationale sur proposition du Président de la République (art. 136) ; l’Assemblée nationale, à son tour, demeure « le seul organe doté du pouvoir constituant et législatif » à Cuba (art. 98), consolidant ainsi le rôle non seulement de l’Assemblée, mais aussi de tous les autres instruments de l’assemblée organisée, dans lesquels se forme et s’exprime la volonté populaire.
Enfin, il y a la redéfinition de l’ordre économique et social : Cuba confirme le caractère socialiste de son expérience, propose de développer, approfondir et actualiser le système socialiste, articule, en définitive, une mise à jour du socialisme face aux grands défis du monde multipolaire et à la contradiction inter-impérialiste pour le XXIe siècle. Il réitère (art. 20) « la propriété socialiste de tout le peuple sur les moyens fondamentaux de production comme principale forme de propriété ». Elle confirme le caractère public et étatique de tous les secteurs stratégiques ou fondamentaux de l’économie (sol et sous-sol, énergie et ressources naturelles, routes et infrastructures de communication) ; elle reconnaît le rôle du marché et limite la propriété privée aux petits secteurs, en interdisant expressément (article 22) « la concentration de la propriété dans les personnes physiques ou morales non étatiques, afin de garantir les principes socialistes d’égalité et de justice sociale ». Enfin, il stipule (article 26) que « l’entreprise d’Etat socialiste est le principal acteur de l’économie nationale ». Changer l’état et améliorer l’économie, avec le soutien et la participation populaire la plus large, et maintenir les principes marxistes et l’orientation socialiste. Encore une fois, donc, de Cuba, un message important et novateur.