« La police vient de me réveiller pour me dire qu’ils ont reçu l’ordre d’en haut de m’arrêter et que je dois les suivre au commissariat. » Voilà le dernier message envoyé par Biram Dah Abeid, Président de l’IRA Mauritanie, à ses proches ce mardi 7 août à midi. Depuis lors, il est détenu au commissariat 1 de Riyadh et ses avocats se sont vus interdire l’accès à leur client. NB : Une lettre écrite depuis sa cellule est publiée en fin d’article .
Le 10 août, A l’initiative de l’association Mauritanienne IRA Mauritanie Belgique, une manifestation s’est rapidement mise en place pour dénoncer cette arrestation.
Contexte politique en Mauritanie, à la veille des élections
Depuis l’alliance signée entre le RAG (Parti Radical pour une Action Globale), l’aile politique du mouvement abolitionniste IRA, et le Parti al Sawab pour les élections législatives du 1er septembre et les présidentielles de 2019, le Président Abdel Aziz cherche par tous les moyens à saborder l’émergence d’une force politique de plus en plus importante qui rassemble les Mauritaniens au lieu de les diviser.
A première vue, les prétextes de cette arrestation sont doubles.
D’abord, en tant que tête de liste RAG/Sawab aux élections de septembre, Biram Dah Abeid a tenu trois réunions publiques dans les quartiers de Nouakchott les 3, 4 et 5août où il a reçu un support important de militants, hommes, femmes et jeunes.
Biram Dah Abeid a réitéré l’engagement de la coalition contre le racisme, contre l’esclavagisme et pour l’édification d’un État de droit dans le pays.
Il a lancé un appel à la jeunesse Haratin libérée, aux Maures en quête d’émancipation, de bien-être et de paix civile durable, et aux groupes d’afro-descendants mauritaniens aspirants à recouvrir une citoyenneté pleine, à concourir d’une seule voix, à la démolitiondes chaînes d’esclavage qui maintiennent encore plus de 20% de Mauritaniens au banc de l’humanité.
Mais plus grave, c’était ce 7 août que la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) devait remettre les actes de validation nominale des candidats inscrits sur la liste nationale des députés, candidats aux élections.
Du côté du pouvoir on allègue, sans craindre d’être la risée de l’opinion internationale, que l’arrestation de Biram Dah Abeid serait due à une plainte déposée par un journaliste pour « injures » lors d’une interview. L’équipe de campagne de Biram Dah Abeid a pu entrer en contact avec ce journaliste qui dément catégoriquement ces allégations.
D’ores et déjà les avocats européens du leader abolitionniste ont alerté la communauté internationale. William Bourdon (France) et Georges Henri Beauthier (Belgique) déclarent que « le pouvoir mauritanien ne cesse de poursuivre une politique obstinée de prédation des ressources publiques et de son corolaire, la maltraitance de toute voix dissidente ».
Ils soulignent que « plus personne ne peut être dupe du cynisme avec lequel le Président Aziz a instrumentalisé la lutte contre le terrorisme pour obtenir une forme de complaisance qui est devenue aujourd’hui un silence coupable. »
De son côté, la coalition RAG/Sawab a lors d’une conférence de presse ce 7 août dénoncé une tentative d’intimidation du candidat Biram Dah Abeid et une manœuvre visant à déstabiliser ses soutiens. Cette coalition a présenté des listes de candidats dans 87 circonscriptions communales, 9 listes pour les conseils régionaux et des dizaines de listes pour les législatives parmi lesquelles la liste nationale emmenée par Biram Dah Abeid.
Ce 8 août, lors d’une conférence de presse à Nouakchott, le vice président du Parti Sawab, Oumar Yally, et le responsable des relations extérieures de l’IRA, Balla Touré, ont déploré une arrestation relevant de l’intimidation d’un candidat qui dérange le pouvoir sans éléments de justice consistants.
Arrêté à de nombreuses reprises, Biram Dah Abeid, est de nouveau aux mains d’un pouvoir dictatorial qui nie l’évidence d’une société qui souhaite l’avènement d’un vivre ensemble et qui fabrique de fallacieux prétextes qui ne convaincront personne pour maintenir en détention un militant des droits civiques, partisan de la non violence, prix des Droits de l’Homme de l’ONU et champion de la lutte contre le racisme et l’extrémisme religieux en Mauritanie.
Toutes les sections de l’IRA dans le monde et les organisations internationales de défense des droits de l’homme sont mobilisées pour exiger la libération immédiate de Biram Dah Abeid, leader abolitionniste et candidat à la présidentielle de 2019.
Bruxelles, 9 août 2018
Contact : IRA Mauritanie Belgique 0478/503 727 et 0492/504
Lettre écrite de la main de Biram Dah Abeid le 9 août depuis sa cellule.
« Chers frères et sœurs de la coalition de Sawab et parti Rag /IRA, Militants et militantes d’IRA à l’intérieur et à l’extérieur, chers compatriotes,
Je vous informe que la couardise de Mohamed Ould Abdel Aziz et de son pouvoir ne lui a pas permis de me laisser me présenter librement aux futures élections municipales, législatives et régionales. C’est pourquoi il a procédé à mon arrestation sur la base de l’échafaudage d’un plan fondé sur la malveillance, le mensonge et la mauvaise foi supervisé par la police politique depuis la salle où a été organisé le partenariat entre les ailes politiques de Sawab et IRA . Etant sûr que je ne serai pas présent avec vous au cours de cette importante bataille électorale de l’histoire de nos combats et de tous ceux des libres de Mauritanie, je n’ai aucun doute que vous allez gérer ce choc comme d’habitude et que vous allez administrer à ce régime qui torture, qui divise et qui appauvrit le peuple une défaite électorale sans précédent. Pour cela, je vous exhorte à vous concentrer sur la bataille électorale et ses exigences sans vous consacrer à rien d’autre comme les manifestations réclamant ma libération qui ne constitue pas pour le moment une priorité.
Sachez que ce régime et son président psychopathe s’est affolé à cause des données suivantes :
- L’intégration entre le parti Sawab et le Rag issu d’IRA dans une coalition qui soutient Biram Dah Abeid à la présidentielle et qui constitue un rapprochement et une concrétisation d’unité entre des communautés et ethnies nationales représente un danger sur la stratégie de Mohamed Ould Abdel Aziz et son pouvoir fondé sur la division et l’exacerbation des tensions communautaires.
- L’accès d’une ancienne esclave et d’une veuve qui a perdu son mari dans les assassinats de 90/91 et le risque d’entrée au parlement de grands leaders d’IRA et de Sawab pour défendre une nouvelle vision basée sur la lutte contre les injustices historiques et imposer le changement voire la fin du pouvoir autocratique afin d’arrêter le saccage des ressources nationales par les voleurs et les prédateurs du régime.
- Le chef du régime Mohamed Ould Abdel Aziz ne supporte pas l’élection de Biram Ould Dah Abeid au parlement pour que celui-ci ne bénéficie pas de l’immunité parlementaire. Mais je lui rappelle que mon immunité est d’Allah le Tout Puissant et Miséricordieux.
Enfin, j’appelle toutes les forces vives politiques, civiles, démocratiques et des droits de l’homme à être vigilantes et de dresser des jonctions et des passerelles qui permettent de raffermir leur unité et leur alliance dans ce combat face à ce régime destructeur et injuste. Tout comme j’adresse un appel solennel aux partenaires de la Mauritanie (ONGs non gouvernementales et gouvernementales, gouvernements, Etats et autres) de mobiliser des mécanismes de supervision pour assurer que ces élections soient justes et transparentes pour qu’elles constituent le début de la libération des Mauritaniens, de leur démocratie prise en otage et de leur justice inféodée et apprivoisée.
J’ai parlé du dossier fabriqué qui est la première réaction officielle sur le partenariat entre IRA et Sawab. Mais aussi une réaction officielle à la candidature de Biram Dah Abeid et certains de ses amis comme l’esclave Haby Mint Rabah et la veuve Adama Sy à des postes électifs qui leur permettent d’entrer au parlement. J’ai décidé de ne prononcer aucun mot ni aux juges ni aux instructeurs puisque l’expérience de cinq arrestations m’ont appris l’unitilité de cela pour des magistrats aux ordres du chef d’une autorité qu’ils suivent dans ses directives d’arrêter ou de libérer selon sa volonté. »
Nouakchott le 09/08/2018