Voici un communiqué de presse remis ce jour par l’IRA Belgique (INITIATIVE DE RESURGENCE DU MOUVEMENT ABOLITIONNISTE EN MAURITANIE).
Ces 9 et 10 mai, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a adopté ses observations finales suite à l’examen du rapport périodique soumis par la Mauritanie et aux rapports alternatifs sur la question soumis par IRA Mauritanie et des ONG de défense des droits humains. Si d’emblée le Comité constate le retard de 9 ans dans la présentation du rapport par l’Etat mauritanien, il se focalise sur une dizaine de problèmes cruciaux qui aboutissent à une constatation irréfutable : la Mauritanie ne respecte pas la Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale qu’elle a signée le 21/12/1966 et ratifiée le 13/12/1988.
1. La Mauritanie a adopté en janvier 2018 une loi relative à l’incrimination de la discrimination. Le CERD constate l’absence de clarté juridique et d’une définition de la discrimination conforme à la Convention, ce qui ouvre la porte à des interprétations pouvant conduire à des restrictions dans la jouissance de certains droits humains. Dans son Rapport alternatif, IRA Mauritanie a souligné que des dispositions imprécises et trop générales dans cette loi peuvent être retenues contre des militants qui dénoncent des groupes perpétuant la pratique de l’esclavage.
2. Non reconnaissance des ONG et associations des droits de l’homme Le CERD constate que ces associations rencontrent des obstacles administratifs pour être légalement enregistrées, qu’elles subissent intimidation, harcèlement et même détention de certains militants. Le mouvement IRA Mauritanie a effectué toutes les démarches nécessaires en vue de son enregistrement en juin 2010 mais reste à ce jour non reconnu par le pouvoir. Le CERD encourage la Mauritanie à adopter un régime déclaratif pour ces associations, y compris celles travaillant contre la discrimination raciale et les pratiques esclavagistes. INITIA INITIATIVE DE RESURGENCE DU MOUVEMENT ABOLITIONNISTE EN MAURITANIE
3. La situation des réfugiés mauritaniens rapatriés du Sénégal. En avril 89, plus de 60.000 Afro-Mauritaniens ont été expulsés vers le Sénégal. De retour en Mauritanie à partir des années 90, ces Mauritaniens sont considérés comme des citoyens de seconde zone : difficultés systématiques dans l’accès à l’éducation, aux soins de santé, à l’emploi, aux documents d’état civil, au recouvrement des terres dont ils réclament la propriété. Nombre d’entre eux risquent de devenir apatride dans leur propre pays. Le CERD demande à la Mauritanie de trouver des solutions durables pour la réinstallation des rapatriés mauritaniens du Sénégal dans la vie économique et sociale du pays.
Pour ces 3 points, le CERD demande à la Mauritanie de fournir, dans un délai d’un an, des renseignements précis sur la suite apportée aux recommandations formulées.
Trois autres situations – et non des moindres – ont été relevées par le CERD qui demande expressément à l’Etat mauritanien d’y apporter des mesures concrètes à figurer dans le prochain rapport périodique.
1. Esclavage et pratiques esclavagistes
Malgré des mesures prises par la Mauritanie pour lutter contre l’esclavage et les pratiques esclavagistes, mesures essentiellement destinées à rassurer la communauté internationale, le CERD reste préoccupé par la survivance de situations d’esclavage et la persistance de préjugés solidement ancrés dans certaines traditions. Il recommande à l’Etat de collecter des données précises sur des situations d’esclavage encore existantes, de veiller à une application effective de la loi de 2015 portant incrimination de l’esclavage, de sensibiliser les groupes à risque sur leurs droits ainsi que les juges, avocats, leaders religieux pour combattre les préjugés justifiant ces pratiques. Il recommande à l’Etat de s’assurer que les victimes d’esclavage puissent effectivement porter plainte sans aucune forme de pression, que ces plaintes soient enregistrées, des enquêtes diligentées, des poursuites engagées et les responsables condamnés à des peines proportionnelles à la gravité des faits.
2. Passif humanitaire des événements de 1989/1991
Sous cette appellation se dissimule une tentative de génocide sur les Afro-Mauritaniens tués ou portés disparus lors des événements de 1989/1991. L’Etat mauritanien n’a jamais établi les responsabilités, notamment sur le cas de 28 militaires Afro-Mauritaniens pendus « pour l’exemple » le 27 novembre 1990, veille de l’anniversaire de l’indépendance du pays. Au contraire, une loi d’amnistie adoptée en 1993, empêche d’établir toute responsabilité sur ces événements et en conséquence toute indemnisation adéquate aux victimes ou à leurs ayants-droits. Le CERD demande à l’Etat mauritanien d’abroger cette loi d‘amnistie afin d’établir la vérité et les responsabilités sur ces événements qui aujourd’hui encore affectent douloureusement nombre de familles.
3. Dimension sexiste de la discrimination raciale
Le CERD recommande à la Mauritanie de prendre les mesures adéquates pour mettre fin aux pratiques coutumières préjudiciables qui empêchent les femmes et les filles de jouir pleinement de leurs droits, en particulier le droit de posséder une terre ou même d’en hériter. Il demande que l’Etat intensifie ses mesures de promotion de l’enseignement pour les filles de groupes ethniques Haratine et Afro-Mauritanien afin de réduire le taux d’analphabétisme et d’abandon scolaire. Par ailleurs, les experts du CERD : – expriment leur préoccupation par le fait que dans le préambule de la Constitution mauritanienne, la Sharia constitue la seule source de droit et de ce fait pourrait conduire à des dispositions législatives incompatibles avec la Convention. – recommandent une meilleure représentation des Afro-Mauritaniens et des Haratines dans toutes les sphères de la vie politique, publique et sociale ainsi que dans les administrations, l’armée, la police et les media. – demandent à l’Etat mauritanien d’ ériger le Pular, le Soninke et le Wolof en langues officielles du pays au même titre que la langue arabe afin que les locuteurs de ces langues ethniques ne soient pas discriminés dans l’exercice des droits prévus par la Convention. Rappelons que tous ces thèmes ont été soulevés, documentés et argumentés dans le Rapport alternatif de IRA Mauritanie soumis au CERD. Les militants de l’IRA rendent hommage aux experts onusiens qui n’ont pas été leurrés par les réponses inconsistantes ou élusives des officiels mauritaniens et de leurs ONG satellites lors des auditions des 1er et 2 mai. Leurs recommandations mettent l’Etat mauritanien devant ses responsabilités s’il veut encore prétendre à figurer en tant qu’ Etat-partie de la Convention pour l’élimination de la discrimination raciale. C’est une victoire incontestée pour le mouvement IRA du Président Biram Dah Abeid, qui se pose résolument en défenseur des droits humains pour toutes les composantes de la société mauritanienne et en leader de plus en plus écouté et respecté par les instances internationales. C’est une victoire aussi pour les sections de l’IRA, partout dans le monde, qui n’ont de cesse d’interpeller la communauté internationale sur le racisme, la discrimination et le non respect des droits humains en Mauritanie.