Notre esprit n’est capable de séquencer que des fragments de la séquence totale de l’immense génome du chaos, c’est pourquoi nous utilisons inévitablement le terme « effet papillon » pour tenter d’expliquer la conjonction vertigineuse des forces centripète et centrifuge qui finira par former le casse-tête non connecté du chaos ordonné qui se prépare. Ainsi, l’« effet papillon » appliqué à des systèmes complexes tels que la Bourse aurait pour effet collatéral de rendre impossible la détection anticipée d’un avenir intermédiaire, puisque les modèles quantiques qu’ils utilisent ne seraient que des simulations basées sur des modèles précédents (théorie de l’instabilité financière de Minsky). Ainsi, l’inclusion d’une seule variable incorrecte ou l’apparition soudaine d’une variable inattendue amplifie la marge d’erreur de ces modèles dans chaque unité de temps simulée jusqu’à dépasser même la limite stratosphérique du cent pour cent, donnant lieu à un nouvel éclatement ou krach boursier.

La bulle actuelle serait le produit de l’euphorie de Wall Street et, par extrapolation, du reste des marchés boursiers mondiaux par suite des politiques monétaires des grandes banques centrales mondiales, qui ont inondé les marchés de centaines de milliards de dollars et d’euros dans l’espoir de relancer l’économie après la crise de 2008, combinée au fait que les placements sans risque des investisseurs dans la dette américaine ou allemande ne rapportent rien.

La déconnexion de la réalité de la part des investisseurs les aurait conduit à justifier l’exubérance irrationnelle des marchés, créant un monde virtuel de spéculation financière qui n’aurait rien à voir avec l’économie réelle (commerce éolien) et qui les porte à extrapoler les rendements actuels comme un droit à la vie. Cela, combiné à la perte de crédibilité des agences de notation telles que Moody’s, qui n’avait pas prévu la crise de 2002, et à l’absence de contrôle par les régulateurs, aurait fait en sorte que le marché reste insensible à la dégradation de la notation des sociétés cotées en bourse et aux avertissements de la Fed qui, par l’intermédiaire de son ancienne présidente, Janet Ellen, aurait averti que « les marchés boursiers et obligataires sont très valorisés et qu’il existe des risques potentiels sur les deux marchés ».

L’exubérance irrationnelle des marchés

Le processus spéculatif conduit à acheter dans l’espoir d’obtenir des gains futurs substantiels, ce qui provoque une spirale ascendante éloignée de toute base factuelle, et le prix de l’actif atteint des niveaux stratosphériques jusqu’à ce que la bulle finisse par éclater (éclatement) en raison de la vente massive d’actifs et de l’absence d’acheteurs, ce qui entraîne une chute soudaine et brutale des prix en dessous de leur niveau naturel (krach) ; pour citer Keynes : « Le marché peut rester irrationnel plus longtemps que vous ne pourrez rester solvable ». Ainsi, un investisseur est prêt à payer un prix pour une action si celle-ci lui rapporte de l’argent à l’avenir, de sorte que la valeur de cette action est le total des flux attendus, mais que le niveau de base des marchés boursiers mondiaux (où les profits et les multiplicateurs minimums convergent) serait situé à des années-lumière des niveaux actuels en raison du risque de protectionnisme économique. Cependant, la possibilité réelle d’un nouveau krach boursier passerait inaperçue par la plupart des agences de notation en raison de la déconnexion de la réalité qui les porterait à justifier l’exubérance irrationnelle des marchés et à rejeter les fonds alternatifs (hedge funds) ; pour citer l’iconoclaste John Kenneth Galbraith : « Il y a deux types de prévisionnistes en finances : ceux qui ne savent pas et ceux qui ne savent pas qu’ils ne savent pas ».

Y aura-t-il un nouveau krach boursier ?

En raison de l’« effet Trump », les investisseurs américains étaient dans l’euphorie après le pic ionosphérique de 26 000 points du Dow Jones (rappelant le boom boursier des années 20, prélude au krach boursier de 1929). Ils n’ont donc pas pu percevoir le vertige de l’altitude, mais les niveaux élevés de déficit aux États-Unis (1,5 billions de dollars en 2019) et le risque d’un retour au protectionnisme conduira pour la première fois les grands investisseurs à réduire leur exposition au risque. Cela entraînera une baisse du cours des actions et une réévaluation de la dette souveraine (bon américain avec un rendement supérieur à 3 %). Enfin, l’inflation aux États-Unis accélérera la prochaine hausse des taux d’intérêt en dollars américains en 2018, ce qui incitera les investisseurs à s’éloigner des actifs en actions et les investisseurs baissiers à prendre la barre de la bourse mondiale, ce qui se traduira par une psychose de vente qui finira par déclencher l’éclatement de la bulle boursière actuelle; comme le fait remarquer l’iconoclaste Galbraith : « un jour viendra où le marché boursier tombera apparemment sans limites ». Cet éclatement aura comme effets collatéraux la famine financière des entreprises, la dévaluation subséquente des devises d’innombrables pays pour augmenter leurs exportations ; comme effets bénéfiques le fait que les entreprises se verront forcées de redéfinir leurs stratégies, d’ajuster leurs structures, de restaurer leurs finances et de rétablir leur crédit sur le marché (comme ce fut le cas lors de la crise boursière de 2000-2002) ; et comme dommages collatéraux la ruine de millions de petits investisseurs encore éblouis par les lumières de la stratosphère, la famine financière des entreprises et l’effet domino qui s’ensuit sur la déclaration de faillites.

 

Traduit de l’espagnol par Silvia Benitez