Pressenza a souhaité vous rencontrer car vous êtes le président et co-fondateur de HOP, une association qui lutte contre l’obsolescence programmée.
Est-ce que vous pourriez vous présenter ?
Je m’appelle Samuel Sauvage. Je suis Président et co-fondateur de l’association HOP, un acronyme, pour Halte à l’Obsolescence Programmée. Depuis le début de ma carrière, je m’intéresse à la façon dont on peut concilier l’économie, car je suis économiste, et une planète aux ressources finies. Comment peut-on avoir une économie qui préserve l’environnement, à travers l’économie sociale et solidaire, et d’autres modèles économiques qui ne génèrent pas de déchets. Je me suis intéressé à ces questions. Cela m’a poussé à approfondir le sujet de l’obsolescence programmée qui représente une partie du gaspillage insoutenable, contre lequel nous devons aujourd’hui lutter.
Comment vous est venue l’idée de vous engager pour cette cause ?
Je m’intéressais à toutes les alternatives qui gravitent autour de l’économie sociale et solidaire. Je suis également professeur d’économie sociale et solidaire à Sciences Po et à Lille. Avec une amie, Laetitia Vasseur, cofondatrice de l’association, qui a travaillé au Sénat et a eu l’occasion de participer à une proposition de loi, nous avons commencé à réfléchir à l’ampleur de ce phénomène. Nous avons constaté qu’il n’y avait pas grand-chose d’organisé sur le sujet et que la société civile n’était pas non plus très imprégnée du sujet pour changer les pratiques. C’est à partir de là que nous nous sommes dit qu’il y avait matière à créer un pouvoir citoyen contre l’obsolescence programmée et en faveur des alternatives pour des produits durables. Nous avions cela en tête, et la création de l’association est concomitante à l’adoption du délit d’obsolescence programmée, à laquelle Laetitia Vasseur en tant que collaboratrice au Sénat a participé. Il y a eu une proposition de loi qui n’a pas été acceptée mais un an plus tard le gouvernement a repris des éléments de la proposition de loi. En 2015, dans la loi de transition énergétique, un article mentionne l’obsolescence programmée et la définit comme une technique qui vise à raccourcir la durée de vie des produits pour augmenter le taux de remplacement, en d’autres termes pour vendre plus. La loi ajoute qu’il s’agit d’un délit qui est passible de prison et d’amendes allant jusqu’à 5% du chiffre d’affaires de l’entreprise. Ainsi, la France est le premier pays au monde à avoir ce délit d’obsolescence programmée inscrit dans la loi. A la suite de cette première réussite, les 5 co-fondateurs de l’association ont décidé de créer cette structure, pour peu à peu, faire prendre conscience aux gens de ce problème et montrer qu’il y a des solutions.
En profitant de cette discussion sur les lois, je souhaiterais avoir votre avis sur une loi qui vient de passer qui met des barrières aux personnes qui souhaitent donner des informations sur les mauvaises pratiques des entreprises. Comment réagissez-vous chez HOP à ce type de loi ?
C’est scandaleux, cette loi qui restreint les possibilités pour les lanceurs d’alerte de dénoncer des pratiques qu’ils constatent dans les entreprises. Nous nous sommes mobilisés contre cette loi, notamment parce qu’on pourrait s’attendre à avoir des informations de personnes qui de l’intérieur de l’entreprise, constatent des pratiques d’obsolescence programmée. Jusqu’à présent, nous n’avons pas eu recours à l’aide des lanceurs d’alerte pour les procès que nous avons engagés contre Apple et Epson. Toutefois, cette piste est clairement intéressante. Je pense qu’il y a beaucoup de salariés qui sont frustrés de leur travail, qui cherchent du sens. Ils ont des formations d’ingénieur, de designer. Ils ont des métiers dont le but est de rendre service aux gens. Ils se rendent compte que des techniques sont utilisées, non pas pour servir les gens, mais pour les arnaquer, en les obligeant à acheter de nouveaux produits. La plupart de ces personnes sont mal à l’aise, et peut-être qu’une petite partie souhaiterait prendre des risques pour dénoncer leur entreprise. Cette loi ne va pas dans le sens de faciliter la tâche de ces lanceurs d’alerte. Nous faisons beaucoup de lobbying en tant qu’association, mais en ce moment nous sommes plus occupés par la feuille de route sur l’économie solidaire, qui est en train d’être élaborée par le gouvernement, et qui sera publiée dans les prochains jours. Elle met en place de nouvelles propositions pour allonger la durée de vie des produits. Nous nous réjouissons parce que nous sommes très entendus en tant qu’association, et une des mesures phares prévue par le gouvernement, est l’affichage de la durabilité des produits. C’est une des mesures que nous défendons depuis 3 ans, et qui est censée être obligatoire à partir de 2020. On attend du gouvernement qu’il précise ses intentions. Ce n’est pas gagné mais nous avançons. Si les consommateurs pouvaient déjà savoir si une machine à laver est prévue pour durer 50, 500, ou 1000 cycles par rapport à son prix d’achat, cela pourrait les aider à faire le choix le plus rationnel.
Vidéo de 4’30’ ‘
Mise en forme finale de la version écrite, Sévérine Aouizerate