Le monde de l’après-guerre froide était censé ouvrir un avenir de paix et de prospérité pour l’humanité. Or, il n’en a rien été. Les tensions internationales augmentent et les conflits armés se multiplient ces dernières années. Le tout se déroule sur fond d’un déséquilibre économique et écologique croissant engendré et exacerbé par un système financier irrationnel. En dépit d’une profonde crise des valeurs, de la montée des pires irrationalismes, exacerbées par un système médiatique manipulé, les facteurs d’espoir existent.
Le monde depuis la fin de la Guerre Froide
Au cours de la décennie 80 du siècle dernier, l’échec de la gauche social-démocrate, le discrédit de l’idéologie marxiste, le repli des intellectuels et enfin l’écroulement postérieur de l’Union Soviétique ont produit une scène inédite dans l’histoire humaine : l’irruption d’un superpouvoir unique et universel. Il a imposé son hégémonie sur le monde à travers deux grandes voies : la géopolitique, gérée par le complexe militaire-industriel et l’économie, gérée par le capital financier international à travers la banque. Ainsi, ceux de la guerre et ceux de l’argent ont pu coexister jusqu’ici d’une façon conviviale parce que leurs intérêts particuliers coïncidaient, mais il est difficile de savoir s’ils ne s’affronteront pas dans le futur.
Les Etats-Unis ont semblé pouvoir imposer leur pouvoir à l’ensemble de la planète pendant les 15 ans qui ont suivi la chute de l’URSS. Puis la Chine a commencé à s’affirmer comme un contrepoids de plus en plus influent. La Russie elle-même a retrouvé une certaine force et capacité à contrer les Etats-Unis. Dans le monde musulman, les diverses formes d’islamismes contestent frontalement l’hégémonie occidentale (de façon violente pour les salafistes-jihadistes, de façon plus feutrée pour les islamistes de la tendance des Frères Musulmans).
Les relations internationales sont ainsi basées sur la compétition à outrance, les intérêts particuliers, la menace et la peur, ce qui engendre un système de tensions de plus en plus dangereux. Chacun défend son pré carré et les alliances se font et se défont, alimentées par une vision à court terme et des intérêts pragmatiques. Les conflits armés pour l’accès aux ressources minérales, le dérèglement climatique et la misère entrainent la crise mondiale des réfugiés.
Plus de conflits armés déclarés ou potentiels
Ces dernières années, le risque de conflit entre puissances nucléaires s’est amplifié à cause de l’augmentation des tensions dues aux rivalités géopolitiques entre puissances mondiales :
– Tensions entre États-Unis et Russie à propos de l’Ukraine et de la Syrie ;
– Escalade entre la superpuissance États-Unis et une nouvelle puissance nucléaire, la Corée du Nord ;
– Montée des tensions entre la Chine et les pays riverains de la Mer de Chine – Japon, Taïwan, Philippines, Vietnam – plus ou moins alliés ou soutenus par les États-Unis ;
– Guerre froide entre puissances régionales du Proche-Orient avec l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe alliés tacitement à Israël contre l’Iran.
Ces tensions fluctuent sur fond de conflits armés limités mais récurrents. En effet, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, la « guerre globale contre le terrorisme » djihadiste s’est étendue : Afghanistan-Pakistan, Irak-Syrie, Yémen, Sinaï égyptien, Sahel, Somalie. En fonction de chaque situation locale, les organisations djihadistes se greffent sur des conflits locaux préexistant entre les autorités et des populations. Cela est clair en Somalie, dans le Sinaï, au Mali, mais aussi dans les pays déstabilisés par les conséquences des répressions des « printemps arabes » comme au Yémen, en Syrie, ou des interventions étatsuniennes comme en Afghanistan/ Pakistan ou en Irak. La guerre contre le terrorisme sert de prétexte à la répression de nombreux régimes qui frappent indistinctement tous leurs opposants (ex. Erdogan contre les Kurdes, Al-Sissi contre les acteurs de la révolution contre Moubarak, Assad contre tous ses opposants). Elle sert bien sûr de prétexte à l’interventionnisme des puissances régionales (Arabie Saoudite, Iran, Turquie, Israël) chez leurs voisins (Syrie, Yémen, Liban, Territoires Palestiniens) ou à celui des puissances extérieures à la région (États-Unis et Russie).
En Afrique, on assiste à l’effondrement-implosion de certaines sociétés. Des régions entières ont été déstabilisées par les politiques néolibérales depuis les années 80. La zone sahélienne, y compris le nord Nigéria, mais aussi le Centrafrique et le Sud-Soudan sont déchirés par des conflits ou se mêlent djihadisme (là où sont présentes des populations musulmanes), tensions interethniques, contrôles des flux économiques illégaux et jeux de pouvoirs des forces économiques extérieures. La guerre est endémique en Afrique dans la région des Grands Lacs, plus précisément au Nord-Kivu qui est un « cas d’école »: République Démocratique du Congo, Ouganda, Rwanda sont impliqués. Les états de la région s’y disputent l’accès aux ressources minérales (Coltan) via des milices sur le terrain. Le pillage des ressources alimente au final un marché noir où se fournissent les multinationales occidentales ou asiatiques.
En Amérique Latine, certaines régions sont frappées de plein fouet par la guerre autour du narcotrafic : Mexique, Amérique centrale, Venezuela, Colombie. Les cartels se disputent les marchés et les états sont parties prenantes du conflit, tantôt adversaires, tantôt complices de tel ou tel cartel. Il faut souligner qu’ici aussi les régions concernées ont été victimes à la fois des affrontements liés à la guerre froide (affrontement entre guérillas d’extrême-gauche et gouvernement d’extrême-droite) et des effets des politiques néolibérales ce qui a entraîné appauvrissement des populations, prolifération des armes et donc explosion de l’économie illégale puis criminelle. Mais il faut souligner que l’emprise des mafias et cartels sur l’économie légale ne se limite pas à l’Amérique Latine. Des régions entières d’Afrique, d’Europe et d’Asie sont également touchées et échappent au contrôle des états. Les grandes mafias sont en effet interconnectées. Les trafics de drogues, d’armes, d’êtres humains, de matières premières, explosent et sont blanchis dans les grandes banques et les paradis fiscaux, ces piliers de l’économie légale. La frontière entre économie « légale » et économie « criminelle » tend à s’effacer.
Les grandes contradictions du système à l’origine de ces conflits
Sur fond de réchauffement climatique, de dégradation rapide de l’environnement (air, eau, terre, biodiversité), d’épuisement des ressources naturelles (matières premières, alimentaires), le système économique capitaliste est devenu complètement irrationnel. L’idéologie de la croissance économique infinie se heurte aux réalités écologiques dans une planète aux ressources finies.
La poursuite de l’accumulation-concentration du capital entre des mains toujours moins nombreuses génère un déséquilibre monstrueux jamais vu auparavant dans l’histoire humaine. Les politiques amorcées avec le grand tournant néo-libéral des années 70/80 se sont accélérées après la crise financière de 2007/2008. L’accumulation-concentration du pouvoir économique n’a jamais été aussi grande (ex : les 30 banques systémiques dites « too big to fail » = trop grosses pour faire faillite). Il en va de même par conséquent pour l’accroissement des inégalités (les 8 hommes les plus riches du monde possèdent autant que la moitié de l’l’Humanité). La diminution de la pauvreté en pourcentage à l’échelle globale est réelle, mais pourtant, en valeur absolue, la pauvreté ne diminue pas. De plus, il y a augmentation des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres (partout les riches s’enrichissent plus rapidement et plus fortement que les autres) au sein de chaque pays (ex. la Chine aussi inégalitaire que les États-Unis). Enfin, lointaine séquelle de l’époque coloniale, la contradiction demeure entre les pays riches, les pays émergents et les pays pudiquement appelés « les moins avancés ».
La compétition pour l’accès aux matières premières entre grandes puissances et/ou firmes multinationales est féroce. Les fusions entre grands groupes se multiplient dans tous les secteurs et s’accélèrent. L’énergie, les transports, l’industrie, les services, et bien entendu la finance, tous connaissent une concentration inédite. En conséquence, tous les aspects de la vie humaine tendent à être marchandisés. Il en va ainsi de la santé, de l’éducation, de la culture, des médias, etc. L’Etat abandonne son pouvoir au secteur privé. Les grandes banques et multinationales sont plus puissantes que la plupart des états de la planète.
Le pouvoir politique est entre les mains des lobbies (ex : le gouvernement du Royaume-Uni face à la banque HSBC) ce qui entraîne un affaiblissement progressif des démocraties. Les institutions sont vidées de leur sens démocratique (ex : la constitution de la République Française qui se définit comme « Indivisible, laïque, démocratique et … sociale » dans Préambule, article 1). Au cours des années 80 et 90, on a assisté à une extension des formes institutionnelles de la démocratie formelle, d’abord en Amérique Latine puis en Europe de l’Est et en Afrique. Mais l’emprise des lobbies économico-financiers entraîne l’irréalité croissante du pouvoir des élus face à celui de l’argent, la corruption, la diminution de la possibilité de choix pour les citoyens-électeurs.
Les fausses solutions engendrent frustration et colère mais aussi perte de référence et confusion chez les populations
Les populations voient leurs colères détournées vers des boucs émissaires (thème du secondaire). Les conséquences politiques sont les mêmes sous toutes les latitudes. On assiste ainsi à la montée des populismes (qui pourrait être le nouveau nom de l’extrême-droite), de la xénophobie, du racisme, mais aussi des fondamentalismes religieux.
Il faut noter aussi, signe de la perte de repère dans de nombreuses franges de la population, la montée des théories complotistes de toutes sortes attribuant à des entités plus ou moins imaginaires la volonté de contrôler le monde. Ces théories recyclent souvent de vieilles constructions idéologiques issues de l’extrême-droite du siècle dernier, telle que le complot judéo-maçonnique, aujourd’hui rebaptisé « antisionisme » (à ne pas confondre avec l’antisionisme d’extrême-gauche). En retour, la dénonciation à tout-va du complotisme permet à certains d’amalgamer sous ce vocable les vrais théoriciens du complot avec les vrais « lanceurs d’alerte » dans le but de délégitimer ces derniers.
Les théories plus ou moins complotistes sont d’ailleurs fréquemment utilisées par les leaders démagogues et autoritaires qui se multiplient sous toutes les latitudes. Les médias dominants ont pris l’habitude de qualifier ces leaders de « populistes ». Le terme de « populisme » est très commode pour confondre sous ce vocable tous ceux qui sont supposés antisystème. Antisystème veut dire dans les médias dominants : opposé à l’ « économie de marché » et à la « démocratie ». Bien sûr dans le sens où ces termes sont compris par les néolibéraux, « économie de marché » signifie règne des monopoles ou oligopoles économico-financier tandis que « démocratie » veut dire partage du pouvoir entre deux partis dit « de droite » et de « gauche » aux programmes quasi interchangeables. De la sorte, par un tour de passe-passe sémantique, on englobe sous le même vocable de « populiste » aussi bien l’extrême-droite que la gauche antilibérale (en France, on met sur le même plan Le Pen et Mélenchon).
Quand ces mouvements arrivent au pouvoir par les urnes ou qu’ils inspirent des états déjà autoritaires, cela contribue à faire encore reculer la démocratie à l’ «échelle internationale». On a ainsi une multiplication des pouvoirs plus ou moins autoritaires mais tous néanmoins élus comme dans les cas de Trump, Poutine, Narendra Modi, Erdogan, Duterte mais aussi en Pologne, en Hongrie, en France, en Espagne, en Israël, au Sri-Lanka, en Malaisie, au Japon, en Argentine, au Chili, au Brésil, etc.
Les personnes ou organisations qui militent avec le plus d’efficacité contre ce système, quand elles deviennent vraiment efficaces donc dangereuses pour le pouvoir, sont qualifiées de terroristes : ex : Assange, Snowden, les « lanceurs d’alerte », les « faucheurs »volontaires », les « zadistes » etc. Tout l’arsenal judiciaire est déployé contre eux.
Les facteurs d’espoir
Nombreux pourtant sont les mouvements et les personnes qui luttent pour améliorer le monde. Que ce soit dans les champs de l’humanitaire, de l’environnement, de l’aide aux réfugiés, mais aussi de l’éducation, de la santé, des alternatives économiques, des médias libres et même de la politique, les initiatives se multiplient depuis les années 90. Après la vague altermondialiste, puis l’essor des gauches latino-américaines, il y a eu les printemps arabes et les divers mouvements « indignés ». Chacune de ces dynamiques a fait avancer les valeurs humaines. Il est remarquable que la plupart de ces mouvements aient rejeté la violence et utilisé des méthodes de lutte pacifiques et non-violentes.
Mais le monde arrive aujourd’hui à une « croisée des chemins » pour paraphraser l’économiste et l’essayiste humaniste argentin Guillermo Sullings. Pour tous ceux qui luttent pour humaniser le monde, il est évident que le désarmement en général et le désarmement nucléaire en particulier sont une priorité urgente. Mais le pouvoir étant global, il est nécessaire d’avancer sur tous les fronts en même temps : politique, diplomatique, financier, économique, social, culturel, scientifique, religieux, etc. La réforme des Nations Unies, la lutte contre le pouvoir financier, la mise en place d’une économie mixte où les nécessités humaines vitales sont mises comme priorité, le développement de la démocratie réelle sont quelques-unes des propositions à même de changer l’ordre du monde. La nécessité de faire converger ces luttes multiples et multiformes est maintenant arrivée. L’image de la Nation Humaine Universelle peut donner une direction à cette convergence et la nonviolence active doit en être la méthodologie d’action.