Le terme « post-vérité » a été largement utilisé pour décrire l’installation de fausses images dans le scénario collectif, pour manipuler l’information afin d’obtenir des résultats favorables pour certains groupes de pouvoir.
Cette falsification intentionnelle des données, cette manière flagrante d’essayer d’orienter une certaine manière de représenter la réalité, ce mensonge grossier que l’on tente d’installer à travers les médias, étayant prétendument l’information avec des sondages d’opinion et des études sociologiques, voilà ce qui s’est passé – une fois encore– lors des élections au Chili. [NDT. Le premier tour a eu lieu ce dimanche 19/11/2017.]
Nous avions déjà vu fonctionner ladite falsification pendant les élections aux États-Unis ainsi que dans de nombreux autres endroits où les subjectivités sont manipulées. Dans le cas du Chili, cette manipulation s’est appuyée sur des sociétés réalisant des sondages et sur la caisse de résonance de tous les médias. Une image triomphaliste d’un des candidats de droite pratiquement sans concurrent a été diffusée, déclenchant le phénomène du « vote utile » dans de larges secteurs de la population. En même temps, s’est créée l’illusion que le nouveau conglomérat, le Frente Amplio, allait tomber dans des erreurs propres à son « inexpérience politique » et qu’il perdrait jour après jour des points dans les sondages, réussissant à installer l’idée trompeuse qu’il était impossible pour cette force de se mesurer aux autres. On a donc cherché à « dégonfler » la candidate Beatriz Sánchez, à décourager les activistes de sa campagne, à faire douter de ses chances d’atteindre le deuxième tour, à installer l’incertitude et à freiner l’action.
Cela a été dénoncé hier par la candidate à la présidence du Frente Amplio, lorsque le résultat du vote a été connu, résultat qui a été extrêmement favorable à son mouvement.
Elle a dit : « Je veux envoyer un message très clair à toutes les sociétés de sondages qui ont dit que nous allions être en bas : où est cet oracle qu’est le CEP [NDT. Centre d’Études Publics, organisme de sondage], qui nous efface de la carte ? Où sont les autres sondages ? Par exemple, la Cadem [NDT. Une autre société de sondage], en disant « ils sont en dehors », « ils peuvent arriver en quatrième ou cinquième position ». Je me dis que si ces sondages avaient dit la vérité, nous serions peut-être au deuxième tour. Nous avons eu une petite différence avec celui qui aujourd’hui fait partie de ce gouvernement. Ils ont monté un scénario en disant qu’on était hors course. Et c’était faux, on était dans la course.
Je veux une explication de ceux qui se sentent les propriétaires du Chili, en disant que nous étions hors course [NDT. Du second tour de vote]. Expliquez-moi, à quel moment nous allions obtenir les 8% ?, si nous avons obtenu 20% des voix ? À quel moment avons-nous été hors compétition, si nous étions compétitifs jusqu’à la dernière minute ? Demain, je veux une explication dans tous les journaux. » Beatriz Sánchez était très émue, après avoir obtenu 20,27% des voix des citoyens, plaçant ainsi le Frente Amplio au troisième rang des forces politiques du pays.
Elle a ajouté : « Les choses ne sont pas comme vous les planifiez, Sebastian Piñera [NDT. Candidat de droite qui était donné gagnant dès le premier tour: il a obtenu 36,6%] n’était-il pas sur le point de gagner au premier tour ? Vous vous souvenez ou pas ? La course était déjà finie avant le vote pour les propriétaires du Chili, elle était déjà finie pour les puissants de toujours. Nous leur disons « non ». Ce n’est pas de l’argent, ce sont des convictions, c’est la vérité et l’honnêteté. Les gens – et écoutez bien les puissants du Chili – les Chiliens et Chiliennes qui soutiennent ce projet et qui continueront à le soutenir, ne votent pas parce que l’on met de l’argent sur la table, ils votent pour des idées, ils votent pour l’honnêteté, ils votent avec conviction, ils votent quand ils voient le travail accompli sérieusement. J’espère qu’ils vont apprendre et vite, parce que nous avons appris vite et mieux ».
En tout cas, les dégâts sont déjà faits. Incontestablement Beatriz aurait pu participer au second tour de l’élection présidentielle le 17 décembre prochain, et même remporter le siège présidentiel. Si ce n’était du fait qu’elle a défié le pouvoir et que celui‑ci s’est défendu avec tout ce qu’il avait sous la main, avec les pires formes de manipulation, en installant dans chacune des têtes de fausses images d’une vérité qui n’a jamais existé. Espérons – comme elle-même nous l’a dit – que nous apprendrons à ne pas croire aux médias et aux sondages. Espérons que nous allons apprendre rapidement.