Avec son nouveau tir de missile, d’une portée présumée de 13000 km capable d’atteindre New York ou Washington, la Corée du Nord semble entrée pour de bon dans la « cour des grands ». Celle des « grands méchants loups », fréquentée de longue date par la France. Parfait adepte de la stratégie française dite de « dissuasion du faible au fort », Kim Jung-un nargue le monde et défie allègrement la toute-puissance nucléaire de l’Amérique. Malgré ses centaines de missiles et ses milliers de bombes atomiques, ses porte-avions, ses sous-marins, ses bombardiers furtifs, ses satellites-tueurs et ses marines, Donald Trump s’avère incapable d’amener à la raison le dictateur de Pyongyang, à supposer que lui-même ait quelque once de raison à partager.
Nous voici peut-être à la veille d’une nouvelle de guerre de Corée. Déjà la lutte contre la prolifération a provoqué la « guerre du Golfe ». La folie atomique, une fois de plus, nous mène au bord du gouffre, dans lequel elle assure dissuader nos dirigeants de nous précipiter, au vu de la catastrophe que serait une guerre nucléaire. 55 ans après la crise des missiles de Cuba d’octobre 1962, l’humanité n’en a rien retenu. Elle en est au même point, ou pire encore, Kim Jung-un n’étant pas Khrouchtchev, ni Donald Trump, Kennedy. Aussi peu prévisibles l’un que l’autre, aussi peu humanistes, le plus rationnel des deux n’étant pas forcément celui qu’on croit, rien ne nous assure que la sagesse finira par l’emporter, comme à l’issue des terrifiants « Thirteen Days ».
Les chefs des autres Etats dotés d’armes nucléaires, dont le nôtre, ne valent pas mieux en termes de raison. Car est-il logique de défendre les valeurs républicaines, dont la fraternité, en menaçant de commettre des crimes contre l’humanité ? De lier les « intérêts vitaux » du pays à l’emploi d’armes fatalement suicidaires contre un pays qui en aurait aussi ? De prétendre garantir sa sécurité par ces armes, tout en les interdisant aux autres ? D’encourager ainsi leur prolifération, tout en prétendant la combattre ? De vouloir faire des économies, et de gaspiller des milliards dans des engins de mort inutilisables contre d’autres Etats nucléaires, incapables de dissuader des terroristes, et redoutables entre leurs mains pour peu qu’ils s’en procurent ? De se dire démocrates et de confier à un seul homme le pouvoir d’en trucider des millions d’autres ? Sans chef d’accusation, sans procès, sans jugement, sans appel ? D’éliminer la peine de mort individuelle et d’accepter les massacres de masse ? De se proclamer humaniste et de s’afficher résolu à devenir le pire des assassins ?
Assez d’incohérences, assez de toutes ces infamies !
La crise nord-coréenne ne prouve qu’une chose : il est urgentissime que les dirigeants des 9 Etats nucléaires se mettent tous à table, nord-coréen et français compris, pour négocier l’élimination complète de leurs arsenaux criminels. Rappelons à toutes fins utiles que, lors du vote de l’ONU qui conduisit à l’ouverture de négociations pour l’avancement du désarmement multilatéral et aboutit finalement au traité d’interdiction adopté par 122 Etats non-nucléaires mais par aucun Etat doté d’armes nucléaires, la Chine, l’Inde et le Pakistan s’abstinrent de voter contre, et la Corée du Nord vota même pour ! Que ne l’a-t-on prise au mot ! Avant qu’il ne soit définitivement trop tard, peut-être est-il encore temps de le faire. Négociez donc, Messieurs, votre désarmement atomique, intégral, universel et contrôlé.