par The conversation
Les dernières semaines ont vu une escalade dans les violences contre les Rohingyas dans l’état de Rakhine, le plus pauvre du Myanmar. Une marée de déplacés cherche un refuge pour se protéger des atrocités – Ils s’enfuient à la fois à pied et par bateau au Bangladesh. C’est la plus récente vague de déplacés et elle est exacerbée par l’activité récente de l’Arakan Rohigya Salvation Army (ARSA).
Les différences religieuses et ethniques ont été largement considérées comme la principale cause de la persécution. Mais il devient de plus en plus difficile de croire que d’autres facteurs n’entrent pas en jeu. Surtout que le Myanmar est le foyer de 135 ethnies officiellement reconnues (les Roihingyas ont été retirés de cette liste en 1982).
En analysant la violence récente, beaucoup des médias occidentaux ont mis l’accent sur le rôle de l’armée et de la position du leader de fait Aung San Suu Kyi. Son statut de lauréate du Prix Nobel de la Paix a été largement remis en question depuis que les dernières preuves d’atrocités ont émergé.
Elle continue à éviter de condamner la violence systématique contre les Rohingyas. Les médias se sont au moins finalement quelque peu tournés vers leur situation critique.
Mais il reste des problèmes qui ne sont pas explorés. Il est aussi important de regarder au-delà des différences ethniques et religieuses vers d’autres causes profondes de persécution, de vulnérabilité et de déplacement forcé. Nous devons considérer des intérêts politiques et économiques cachés comme des facteurs qui contribuent aux déplacements forcés au Myanmar, pas seulement ceux des Rohingyas mais ceux d’autres minorités comme les Kachin, Les Shan, les Karens, Les Chin, et les Mon.
Accaparement des terres
L’accaparement et la confiscation des terres est largement répandu au Myanmar, ce n’est pas un phénomène nouveau.
Depuis les années 1990, les juntes militaires ont confisqué les terres de petits propriétaires à travers le pays, sans compensation et quelle que soit l’ethnie ou la religion.
Les terres ont souvent été acquises pour des « projets de développement », y compris des extensions de bases militaires, l’exploitation et l’extraction de ressources naturelles, de grands projets agricoles, des infrastructures et le tourisme. Par exemple, dans l’état Kachin, l’armée a confisqué plus de 500 acres de terres appartenant aux villageois pour soutenir l’exploitation extensive de mines d’or.
Le développement a conduit au déplacement forcé de milliers de personnes, à la fois à l’intérieur et à travers les frontières du Bangladesh, de l’Inde et de la Thaïlande, ou les a obligés à partir par la mer en Indonésie, en Malaisie ou en Australie.
En 2011, le Myanmar a mis en place des réformes économiques et politiques qui l’ont mené à être surnommé « La Frontière Finale de l’Asie », tant il s’est ouvert aux investissements étrangers. Peu de temps après, en 2012, de violentes attaques se sont produites contre les Rohingyas dans l’état de Rakhine et, à une moindre échelle, contre les Karens. Cependant, le gouvernement du Myanmar a promulgué plusieurs lois sur la gestion et la distribution des terres cultivables.
Ces changements ont été largement critiqués comme renfonçant la possibilité des grandes firmes de profiter des confiscations de terres. Par exemple, des multinationales agroalimentaires comme POSCO, Daewoo, sont entrées de façon effrénée sur le marché, contracté par le gouvernement.
Une région convoitée
Le Myanmar est positionné entre des pays qui ont longtemps guetté ses ressources, comme la Chine et l’Inde. Depuis les années 1990, des entreprises chinoises ont exploité le bois, les fleuves et les minerais dans l’état de Shan au Nord.
Ceci a conduit à un violent conflit armé entre le régime militaire et des groupes armés, y compris L’Organisation de l’Indépendance Kachin (OIK) et ses alliés ethniques dans l’est de l’état du Kachin et le Nord de l’état de Shan.
Dans l’état de Rakhine, les intérêts Chinois et Indiens font partie d’une relation plus large entre la Chine et l’Inde. Ces intérêts consistent principalement en la construction d’infrastructures et de pipelines dans la région. De tels projets prétendent garantir l’emploi ; les frais de transit et les revenus du pétrole et du gaz doivent normalement profiter à tout le Myanmar.
Parmi de nombreux projets de développement, la construction du pipeline transnational, construit par la China National Petroleum Company (CNPC) qui relie Sittwe, la capitale de Rakhine, à la ville de Kunming, en Chine, a commencé en septembre 2013. Les efforts plus larges pour prendre le pétrole et le gaz du Myanmar depuis le gisement de gaz de Shwe vers Guangzhou, en Chine, sont bien documentés.
Un pipeline parallèle est aussi attendu pour envoyer le pétrole du Moyen Orient du port de Kyaukphyu vers la Chine. Cependant, la Commission neutre de Conseil de l’état de Rakhine a pressé le gouvernement du Myanmar de mener une étude d’impact complète.
En fait, la Commission reconnaît que les pipelines mettent les communautés locales en danger. Il existe une tension locale significative relative aux saisies de terres, aux compensations insuffisantes pour les dégâts, la dégradation de l’environnement, et un afflux de travailleurs étrangers plutôt que l’augmentation des opportunités d’emploi locales.
Pendant ce temps, le port marin en eau profonde de Sittwe a été financé et construit par l’Inde comme une partie du Projet de Transport de Transit Multimodal de Kaladan. Son but est de relier l’état de Mizoram en Inde avec le Golfe du Bengale.
Les zones côtières de l’état de Rakhine sont clairement d’une importance stratégique à la fois pour l’Inde et la Chine. Le gouvernement de Myanmar a donc particulièrement intérêt à débarrasser les terres pour préparer un développement plus avancé et pour booster sa croissance économique déjà rapide.
Tout ceci se passe au sein du contexte plus large de manœuvres géopolitiques. Le rôle du Bangladesh dans l’alimentation des tensions ethniques est aussi vivement contesté. Dans de telles luttes de pouvoir, le coût humain est terriblement élevé.
Ce qui aggrave la vulnérabilité des minorités
Au Myanmar, les groupes qui sont victimes de confiscations de terres étaient déjà souvent dans un état extrêmement vulnérable et sont laissés dans un état encore pire. Le traitement des Rohingyas dans l’état de Rakhine est l’aspect le plus visible d’une expulsion plus large qui est infligée aux minorités. Quand un groupe est marginalisé et opprimé, il est difficile de réduire sa vulnérabilité et de protéger ses droits, y compris ses propriétés. Dans le cas des Rohingyas, leur pouvoir de protéger leurs foyers a été aggravé par la révocation de leur citoyenneté Birmane.
Depuis la fin des années 1970, environ un million de Rohingyas ont fui le Myanmar pour échapper à la persécution. Tragiquement, ils sont souvent marginalisés dans leurs pays hôtes.
Sans pays responsable d’eux, ils sont soit encouragés soit forcés à traverser continuellement des frontières. Les techniques utilisées pour encourager ces mouvements ont piégé les Rohingyas dans un état de vulnérabilité.
La tragédie des Rohingyas est une partie d’un spectacle plus vaste qui voit l’oppression et le déplacement forcé des minorités à travers le Myanmar et dans les pays limitrophes.
La pertinence et la complexité des problèmes religieux et ethniques au Myanmar sont indéniables. Mais nous ne pouvons pas ignorer le contexte politique et économique et les causes profondes qui, souvent, ne sont pas non détectées.