Par Lilianne Ploumen, Ministre du Commerce extérieur et de la Coopération au développement des Pays-Bas
Dans les sociétés Sud Asiatiques ainsi que dans d’autres sociétés, les femmes sont trop fréquemment empêchées de progresser. Le potentiel féminin est ainsi trop peu exploité, ceci ne signifie pas seulement une injustice morale mais également une perte économique regrettable. Selon des estimations récentes, l’exploitation du potentiel féminin dans l’Asie du Sud signifierait une croissance du GNP de plus de la moitié en 2025. Les femmes pourraient faire gagner les pays de l’Asie du Sud pas moins de 400 milliards de dollars supplémentaires dans les dix années à venir. Il est clair que les femmes retiennent la clé pour la réussite économique de l’Asie du Sud ; leur autonomisation peut faire progresser les développements. Les Pays-Bas ont investi considérablement dans l’autonomisation des femmes dans cette région. Les succès que nous avons réalisés en collaboration avec de nombreuses parties prenantes nous montrent ce qu’on peut réaliser si nous continuons nos efforts.
Tout d’abord il est important de savoir quelles sont les barrières qui retiennent les femmes. Il y en a plusieurs mais toutes se résument au rôle subordonné de la femme dans la société. Le potentiel féminin ne peut être exploité à fond tant que nous n’abolissons pas ces obstacles qui les entravent dans les différents domaines de la vie. Il faut qu’elles aient accès à un emploi équitable et sûr et à une éducation et un entraînement. Elles doivent également avoir accès à et le contrôle des ressources et opportunités économiques. Leurs voix doivent être entendues et leur influence doit se traduire en politique. Elles doivent être libérées de la violence, avoir la liberté de se déplacer, avoir accès à et le contrôle de leur santé de la reproduction et du planning familial et recevoir la protection sociale et le soin des enfants.
Tout ceci peut paraître une tâche énorme mais la bonne nouvelle est que beaucoup des investissements nécessaires, fournis par des acteurs publics ou privés, rendront des résultats positifs.
Je peux illustrer ceci avec notre expérience dans l’industrie vestimentaire. La croissance de l’industrie vestimentaire en Asie du Sud a fortement influencé l’accès des femmes à l’emploi. Ces emplois sont une opportunité énorme pour l’autonomisation économique des femmes et des adolescentes, qui viennent souvent de communautés rurales pauvres où elles sont limitées à l’environnement domestique. Les avantages d’un travail dépassent largement les avantages économiques. Ces jeunes femmes gagnent plus d’autorité dans leur ménage, plus d’autonomie dans leurs décisions et plus d’amour-propre.
Tout est bien qui finit bien ? Nous ne devons pas nous détourner des violations des droits fondamentaux des femmes, surtout présents dans l’industrie du textile. En général les femmes gagnent moins que les hommes et souvent elles sont victimes de violence et harcèlement liés à leur sexe. L’amélioration de leurs conditions de travail est le signal correct qu’il faut donner. Une recherche indépendante confirme que c’est également un atout économique.
Les Pays-Bas aident à renforcer la position des ouvrières dans l’industrie du textile à travers différents programmes. Le Ministère Hollandais des Affaires Etrangères finance un partenariat stratégique fondé pour le Fair Wear Foundation (La Fondation de Vêtements Equitables), CNV International et Mondial FNV, afin de réduire la violence basée sur le sexe et pour promouvoir l’égalité des sexes dans l’industrie des vêtements. Il dirige des projets en Inde, au Bangladesh et dans d’autre pays producteurs. Par exemple, au Bangladesh le partenariat s’efforce à augmenter la participation des femmes dans le dialogue entre les travailleurs et la direction de l’usine. Des Conseils de travaux dans les usines et dans les syndicats reçoivent du support afin de pouvoir effectivement traiter la violence basée sur le sexe.
Les Pays-Bas offrent également un financement substanciel au (Better Work Programme) Programme pour un Meilleur Emploi, une initiative commune de l’Organisation Internationale de Travail (ILO) et de la Corporation Internationale de Finance (IFC).
Meilleur Emploi a pour but d’améliorer les circonstances de travail et de promouvoir la compétitivité dans les chaînes globales de vêtements et se concentre spécifiquement sur le renforcement de la position de la femme dans ces chaînes d’approvisionnement. L’influence de ces interventions est basée sur des recherches solides. Une évaluation indépendante faite par l’université Tufts a trouvé que l’entraînement des chefs avec le programme du Meilleur Emploi a fait augmenter la productivité jusqu’à 22% et a attribué ce résultat explicitement à l’entraînement de chefs féminins. Ces résultats sont très importants parce qu’ils démontrent que la promotion de femmes au poste de chef n’a pas seulement un effet positif sur leur autonomisation mais forme aussi un atout commercial.
Dans un projet au Bangladesh on a suivi la même approche qui a pour but de promouvoir la santé sexuelle et reproductive et ses droits (SRHR) par des pratiques de commerce inclusif pour des ouvrières dans le secteur du prêt à porter. Le projet qui est financé par notre ambassade au Dhaka et réalisé par SNV, donne son support aux ouvrières pour avoir accès à des services SRHR et à des produits qui sont axés sur les femmes et qui sont opportuns, abordables et de bonne qualité. Ce projet fonctionne dans 19 usines et se sert de 10 fournisseurs de services (SRHR) sélectés ainsi que des associés du secteur privé pour essayer des activités qui peuvent fournir des solutions gagnant-gagnant aussi bien pour les entreprises que pour les ouvriers. Garantir que les femmes ont le contrôle absolu du planning familial est partie intégrante de notre approche pour augmenter l’autonomisation économique des femmes. En réponse à la remise en vigueur de la politique de Mexico City – la décision de la nouvelle administration des Etats-Unis de couper le financement des organisations qui facilitent des pratiques d’avortement en sûreté ou qui fournissent de l’information sur l’avortement.- j’ai fondé She Decides, Elle Décide, une initiative qui a pour but d’exploiter aussi bien le support financier que le soutien politique pour la santé sexuelle et le planning familial dans le monde entier, en soulageant ainsi l’impact de l’interruption du financement par les Etats-Unis.
Pour conclure, il est clair que les femmes tiennent la clé du succès économique en Asie du Sud. Grâce à l’autonomisation des femmes, nous améliorons leur bien-être ainsi que leur contribution économique. Nous avons fait du progrès dans l’amélioration de la condition féminine dans l’industrie vestimentaire et même au-delà. Si l’Asie du Sud récolte tout le potentiel de la moitié féminine de sa population, il est important de maintenir les bénéfices gagnés jusqu’à présent et même de les dépasser vite. De leur côté, les Pays-Bas continueront- avec une force renouvelée – à travailler avec des gouvernements, des marques, des usines et avec des sociétés civiles afin de donner aux femmes les chances qu’elles méritent.