Pour permettre aux citoyen·ne·s de comprendre les enjeux et de se mobiliser face au projet de loi Travail, Attac et les Économistes atterrés ont rédigé un Petit guide de résistance à la loi Travail XXL.
Les réformes qui depuis plus de 30 ans ont flexibilisé l’emploi en France n’ont pas permis de lutter efficacement contre le chômage. Au contraire, elles ont précarisé l’emploi, aliéné le travail et fragilisé l’économie. Avec son projet d’ordonnances, Emmanuel Macron veut aller encore plus loin en soumettant le travail aux exigences du patronat et de la finance.
[6/9] Les accords d’entreprise, ça répond mieux aux nécessités du terrain !
Dans la foulée de la loi El Khomri, Emmanuel Macron veut étendre encore plus la prééminence des accords d’entreprise sur les accords de branche. Pour le temps de travail, les accords d’entreprise peuvent déjà imposer des règles inférieures aux accords de branche (travail sur 39 heures au lieu de 35, par exemple). Les ordonnances Macron prévoient d’étendre la possibilité de faire « moins bien » que l’accord de branche à quasiment tous les domaines [1]. Soi-disant pour tenir compte des particularités des métiers.
« L’agriculture et l’industrie, le luxe et la coiffure ont peu en commun »
En réalité dans une même branche professionnelle, les contraintes et les modes d’organisation du travail se ressemblent beaucoup : il n’y a guère de différence entre une chaîne de production de telle entreprise de l’automobile par rapport à telle autre. Les accords de branche répondent donc aux spécificités des professions, tant en matière de droits et de protection des salarié·e·s que de processus de production. Pourquoi, alors, vouloir favoriser l’accord d’entreprise ? La réponse est simple : favoriser la course vers le bas.
Penault et Reugeot dans le même bateau
Prenons deux entreprises concurrentes imaginaires, Penault et Reugeot. Supposons que chez Penault, des syndicats aient réussi à maintenir les 35 heures payées 39 et obtenu la suppression du travail de nuit, délétère pour la santé. Supposons aussi, que chez Reugeot, l’on travaille 39 heures payées 39 et que l’on travaille de plus en plus la nuit, ce qui permet de mieux rentabiliser les machines. Inévitablement, les syndicats de Penault seront soumis à une pression forte de leur direction pour abandonner leurs avantages. Si l’on renonce à une régulation de la concurrence par les branches professionnelles, tout le monde sera tiré vers le bas.
En réalité, la faculté « d’adaptation » des entreprises n’est qu’un prétexte pour faire régresser les droits des salarié·e·s, jugés préjudiciables à la compétitivité des entreprises. Sinon, comment comprendre que la loi crée aussi des « accords de groupe » qui peuvent parfois couvrir des dizaines d’entreprises de secteurs complètement différents et que ces accords s’imposent aux accords d’entreprise ? Il s’agit, en fait, de permettre aux employeurs de négocier les régressions au niveau qui leur convient le mieux, là où le rapport de forces est le plus faible.
Plutôt que de faire primer les accords d’entreprise, il faut au contraire conforter les droits sociaux et libertés individuelles et collectives dans la loi (ordre public social) et renforcer le rôle des branches dans la régulation des normes, pour éviter le dumping social.
Sommaire et liens aux articles publiés :
[1/9] Il faut libérer le travail !
[2/9] Les ordonnances, c’est légal, légitime et démocratique !
[3/9] Le travail coûte trop cher !
[4/9] Le code du travail tue l’emploi !
[5/9] Licencier : une course d’obstacles pour les employeurs !
[6/9] Les accords d’entreprise, ça répond mieux aux nécessités du terrain !
[7/9] La fusion des IRP renforcera le dialogue social !
[8/9] Le pouvoir des syndicats sera renforcé !
[9/9] Tous micro-entrepreneurs, c’est l’avenir du travail !
Rédactrices/rédacteurs : Thomas Coutrot, Evelyne Dourille, Anne Eydoux, Karl Ghazi, Jean-Marie Harribey, Sabina Issehnane, Julien Lusson
Maquette et illustration : Stéphane Dupont, Jean Jullien, Mélanie Poulain