Pour permettre aux citoyen·ne·s de comprendre les enjeux et de se mobiliser face au projet de loi Travail, Attac et les Économistes atterrés ont rédigé un Petit guide de résistance à la loi Travail XXL.
Les réformes qui depuis plus de 30 ans ont flexibilisé l’emploi en France n’ont pas permis de lutter efficacement contre le chômage. Au contraire, elles ont précarisé l’emploi, aliéné le travail et fragilisé l’économie. Avec son projet d’ordonnances, Emmanuel Macron veut aller encore plus loin en soumettant le travail aux exigences du patronat et de la finance.
[4/9] Le code du travail tue l’emploi !
« Libérer le marché du travail du carcan du code du travail en facilitant les licenciements, en boostant les contrats de projet et la négociation d’entreprise », voilà, pour Emmanuel Macron, le remède au chômage.
« Il faut faciliter les licenciements pour embaucher »
Ce bobard est vêtu des oripeaux de la science. Il s’inspire d’une étrange théorie américaine des années 1980 qui explique le chômage par la faute des salarié·e·s stables (insiders). Ceux-ci auraient acquis, via les syndicats, une surprotection de leur emploi constituant une « rigidité » qui empêche le marché du travail de revenir au plein-emploi.
Selon cette théorie, les salarié·e·s stables auraient rendu les licenciements si difficiles que les employeurs n’oseraient plus embaucher des chômeurs (outsiders), de crainte de ne pouvoir les licencier. Il faudrait donc affaiblir les protections des salarié·e·s pour favoriser l’embauche.
Mais cette théorie oublie l’asymétrie de la relation salariale, qui est la raison d’être du code du travail. Ce sont les employeurs et non les salarié·e·s qui sont en position de force dans les négociations. Ce sont du reste les employeurs qui réclament et obtiennent depuis 40 ans des assouplissements du code du travail et ne respectent même plus la législation sur les CDD et l’intérim, prévus pour des cas précis mais aujourd’hui banalisés.
« La flexibilité réduit le chômage »
Dans la vraie vie, si les employeurs renoncent à embaucher, ce n’est pas qu’ils ont peur d’avoir du mal à licencier (ils y arrivent très bien), mais en raison de l’incertitude qui pèse sur leurs carnets de commande ou des difficultés à trouver les compétences qu’ils recherchent – ce que l’INSEE vient à nouveau de rappeler [1].
L’OCDE, qui poussait vigoureusement à la flexibilisation des marchés du travail du monde entier dans les années 1990, a constaté dès 2003 qu’on ne pouvait démontrer que ces réformes réduisaient le chômage. Ce constat n’a pas été démenti. Pire, après la crise de 2008-2009, des pays comme la Grèce, l’Espagne et le Portugal, « bons élèves » des réformes libérales, ont facilité les licenciements, décentralisé la négociation au niveau des entreprises… et vu le chômage monter en flèche.
Pour en finir avec ce bobard
L’insécurité de l’emploi gâche la vie de millions de gens sans bénéficier à l’économie. Le CDI doit être la règle, le licenciement justifié par de réelles difficultés économiques, et le revenu garanti pendant les périodes de chômage et de formation grâce à une véritable sécurité sociale professionnelle.
Sommaire et liens aux articles publiés :
[1/9] Il faut libérer le travail !
[2/9] Les ordonnances, c’est légal, légitime et démocratique !
[3/9] Le travail coûte trop cher !
[4/9] Le code du travail tue l’emploi !
[5/9] Licencier : une course d’obstacles pour les employeurs !
[6/9] Les accords d’entreprise, ça répond mieux aux nécessités du terrain !
[7/9] La fusion des IRP renforcera le dialogue social !
[8/9] Le pouvoir des syndicats sera renforcé !
[9/9] Tous micro-entrepreneurs, c’est l’avenir du travail !
Rédactrices/rédacteurs : Thomas Coutrot, Evelyne Dourille, Anne Eydoux, Karl Ghazi, Jean-Marie Harribey, Sabina Issehnane, Julien Lusson
Maquette et illustration : Stéphane Dupont, Jean Jullien, Mélanie Poulain