Nous avons interviewé Tomás Hirsch suite aux primaires de l’élection présidentielle chilienne, primaires qui se sont déroulées le 2 juillet et auxquelles ont participé les coalitions de Chile Vamos et de Frente Amplio.

[Note de l’éditeur : Tomás Hirsch vit à Santiago du Chili. Il est membre du Parti Humaniste international. Ancien porte-parole du Nouvel Humanisme en Amérique Latine, il fut en 2005 le candidat à l’élection présidentielle chilienne pour l’humanisme et les partis politiques de gauche.]

 

Pressenza : les élections primaires sont terminées : comment évaluez-vous le rapport de forces entre la droite et Frente Amplio ? Envisagez-vous la possibilité que la nouvelle force puisse rattraper le retard d’ici les élections de décembre et éventuellement réussir à passer au second tour ?

Tomás Hirsch : le résultat obtenu par Frente Amplio aux élections primaires est une grande réussite. Il ne faut pas oublier que Frente Amplio est une coalition toute nouvelle, qui en seulement six mois d’existence a réuni un important soutien citoyen, a éveillé une grande espérance et mobilisé des milliers de jeunes pour le vote, des jeunes qui ne participaient pas aux élections. Certains veulent comparer nos résultats avec ceux de Chile Vamos (la droite). Ils oublient que cette coalition de droite comporte près de 50 députés et 20 sénateurs, des centaines de maires et de conseillers et peut compter avec le soutien des grands médias et de toutes les grandes entreprises. Lorsqu’on compare ceci avec le travail volontaire de ceux qui ont impulsé Frente Amplio, le résultat de Frente Amplio révèle toute son importance.

En même temps, nous ne nous faisons pas d’illusions et nous ne nous complaisons pas dans ce résultat : il reste beaucoup à faire. Nous devons approfondir le travail au niveau local, nous devons incorporer les indépendants ; il est nécessaire de motiver de nouveau ceux qui sont désenchantés par la politique ; nous dévons présenter un programme de gouvernement solide et motivant. Nous devons renforcer Frente Amplio et son organisation interne. Nous devons nous déployer dans les régions.

P : Y a-t-il eu des insuffisances réelles dans le processus électoral qui ont empêché beaucoup de gens de voter ? Ces difficultés auraient pu éventuellement modifier les résultats ?

TH : Le processus est plein d’insuffisances, d’erreurs et de négligences. D’une part, le gouvernement de la nouvelle majorité, dont les candidats ne participaient pas à ces élections primaires, a agi de façon négligente et n’a pas rempli son devoir pour renforcer la démocratie en motivant les gens à voter. D’autre part, le service électoral chilien a cette fois complètement échoué dans la formation des membres des bureaux de vote, qui du coup n’avaient pas la moindre idée sur la procédure électorale, et encore moins sur les primaires parlementaires. Le système est lourd car il implique l’utilisation de différents types de bulletins de vote selon que l’électeur est affilié à un parti ou indépendant, et l’importance de donner des explications claires aux membres des bureaux et aux électeurs n’a pas été prise en compte.

Enfin, la fusion des bureaux a provoqué des engorgements, des heures de queue dans certains cas, ceci conjugué à la finale de la coupe des confédérations, ce qui a bloqué le système dans la matinée.

Toutes ces difficultés ont démotivé les électeurs et on court le risque que l’abstention continue d’augmenter.

P : Comment percevez-vous le leadership de Beatriz Sánchez et la tâche qui l’attend ?

TH : le leadership de Beatriz est en accord avec notre temps : horizontal, paritaire, avec une valorisation du collectif sur l’individuel, avec la capacité d’écouter, très éloigné de l’autoritarisme et de la verticalité que nous connaissons avec les autres leaders politiques. Beatriz Sánchez est capable de reconnaître ses erreurs, cherche à apprendre, s’intéresse vraiment aux demandes de ses interlocuteurs. D’autre part, elle a une impressionnante capacité de travail. Enfin, je crois que d’avoir une candidate qui se déclare féministe donne une valeur spéciale à sa campagne et ses propositions.

Il est fondamental que son leadership se traduise comme un apport pour le renforcement de Frente Amplio, avec l’incorporation de nouvelles forces politiques, sociales, culturelles, ethniques et de tous types.

P : De quelle façon à votre avis doivent travailler les Humanistes, dans l’objectif des prochaines élections parlementaires ? Quels sont les enseignements de cette campagne au niveau local ? Quelles sont les erreurs à corriger ? Quelles nouvelles stratégies devons-nous adopter ?

TH : Une grande occasion s’offre aux humanistes aux prochaines élections : retourner au parlement après 25 ans. Pour cela, nous avons besoin de travailler plus intensément puisqu’il s’agit d’une possibilité mais que rien n’est garanti. Nous avons besoin d’augmenter énormément nos votes et pour cela nous avons besoin que tous les humanistes se joignent à cette campagne, se positionnant dans les districts auxquels nous donnons la priorité.

Pour ce qui me concerne, je suis candidat député dans un district de plus d’un million d’habitants, qui comprend la ville la plus riche du Chili, avec un revenu par tête supérieur à celui de l’Allemagne, ainsi que des villes avec des carences énormes, avec des zones immenses où règne une pauvreté extrême, sans accès adéquat à la santé et à l’éducation. C’est un district énorme et complexe mais qui représente à la fois une formidable opportunité de produire un effet démonstratif à partir duquel il sera possible de construire un pays avec un meilleur traitement humain pour tous.

Nous avons appris l’importance de renforcer notre présence territoriale. Une campagne de cette envergure requiert beaucoup de présence et de permanence dans chaque commune. Nous devons croître, accueillir de nouveaux amis ; nous devons incorporer avec force les nouvelles formes de communication numériques, les réseaux et les nouvelles technologies.

Nous devons traduire notre proposition très générale en propositions concrètes et réalisables, qui soient proches des conditions de vie de nos électeurs.

Il y a beaucoup d’humanistes qui n’ont pas encore participé à la campagne. Je leur lance un appel : nous avons besoin de vous ! Nous avons besoin de tout le monde.

 

Article traduit de l’espagnol par Trommons.com. Révision de Jean-Marc Dunet.