Avec obéissance, le nouveau président français suit la feuille de route imposée par M. Juncker, président de la Commission européenne et représentant des puissances financières, réels gouvernants des pays européens. Pour mémoire, en janvier 2015 cette même commission envoyait des experts éplucher les comptes de l’état français considéré comme mauvais élève. M. Juncker affirmait : « Je voudrais que l’effort en matière de réformes structurelles aille plus loin » [1].
La France était déjà au garde à vous ; le 10 décembre 2014, Emmanuel Macron (actuel président) à ce moment-là ministre de l’économie et Manuel Valls, premier ministre du gouvernement Hollande, présentaient au conseil des ministres et à la presse le projet de loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » appelée aussi « Loi Macron ». Le titre est précis, « la croissance sous-entendue économique, l’activité économique et l’égalité des chances économiques », rien ne compte à part la finance, rien au-dessus de l’argent; c’est la priorité absolue. L’être humain devient « l’outil » au même titre que les machines du début de l’ère industrielle pour atteindre cet objectif que rien ne doit freiner ; il est déshumanisé par la loi pour ne devenir qu’un simple objet au service de l’économie. Trois mots sont également mis en exergue ; Libérer-Investir-Travailler que l’on pourrait résumer en un seul : LIBERALISME [2].
La première pierre de l’édifice était posée annonçant l’objectif principal: un coup d’état social. Deux ans et demi plus tard, la France a comme nouveau Président la finance par l’élection de Monsieur Emmanuel Macron avec en ligne de mire les salarié-e-s via le code du travail.
Comment s’articule cette réforme du code du travail ?
Le recours à l’ordonnance est imposé, «Nous voulons aller vite», dit Muriel Pénicaud, la ministre du travail. Ce texte, « Projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social » a été présenté le 28 juin 2017 en conseil des ministres et la procédure accélérée engagée le 29 juin 2017. Il comporte 9 articles et donnera carte blanche au gouvernement de M. Macron pour légiférer sur l’ensemble du code du travail. Il a été examiné à partir du 4 juillet 2017 en Commission des Affaires sociales à l’Assemblée Nationale lors d’une session extraordinaire et adopté le 6 juillet.
Intervention du député Adrien Quatennens de la France Insoumise le 4 juillet, vidéo de 3:50mn. Extrait : » […] Madame la Ministre, récemment le code du travail dont vous avez parlé en des termes peu commodes, vous avez dit qu’il procédait au fait d’embêter 95 % des entreprises, est le fruit d’une histoire de luttes et d’acquis très importants et je voudrais aussi vous rappeler que le ministère dont vous êtes la représentante a été créé pour protéger les salarié-e-s. Derrière des poncifs que votre majorité utilise, se cache une dureté sociale totale alors que les études de l’OCDE comme le bilan du quinquennat précédent prouve, Madame la Ministre, qu’il n’y a pas de corrélation entre la baisse des droits des travailleurs d’une part et la baisse du chômage, c’est une vue de l’esprit et vous vous apprêtez à l’appliquer avec force. […] »
Entre le 10 juillet et jusqu’au 17 juillet 2017, ce texte sera discuté en séance publique à l’Assemblée Nationale (chronologie de la procédure) pour aller au Sénat par la suite. Le gouvernement compte terminer cette réforme ou devrions-nous dire le démantèlement du code du travail le 20 septembre 2017. En parallèle de la procédure parlementaire et pour un semblant de « démocratie », il prévoit tout l’été des concertations avec les organisations syndicales des salarié-e-s et du patronat alors que tout est déjà joué d’avance.
Après cette marche forcée, il faudra attendre les ordonnances prises en Conseil des ministres pour connaître tous les détails de la réforme du code du travail. Le gouvernement aura trois mois pour soumettre au Parlement une loi de ratification qui validera a posteriori les ordonnances. En votant ce projet de loi d’habilitation de 9 articles, le gouvernement pourra modifier la quasi-totalité du code du travail sans rendre de compte.
Urgence absolue, mais pour qui ?
Certainement pas pour les 18 millions de salarié-e-s du secteur privé qui vont subir la violence de cette réforme en rentrant de vacances (pour ceux qui ont eu la possibilité de partir). La priorité de ce gouvernement n’est pas l’urgence sociale mais l’urgence de satisfaire le MEDEF (Mouvement des entreprises de France) et les pouvoirs financiers. Coup d’état social réussi, l’Etat devient une entreprise.
Que contient la loi d’habilitation à réformer par ordonnances ?
- L’élargissement du pouvoir des accords d’entreprise: Ils primeront sur les accords de branche, sur la loi et sur le contrat de travail. Pourront être modifiés le début de l’horaire de nuit, le travail du dimanche, le contrat de travail etc. Tout pourra être à la carte, chaque entreprise construira ses propres règles en fonction de ses intérêts. Les salarié-e-s se retrouveront en compétition d’une entreprise à une autre, créant ainsi des inégalités. Il est facile d’imaginer les pressions que vivront les salarié-e-s et les instances représentatives du personnel. C’est une ouverture au chantage à l’emploi: se soumettre ou être licencié-e. Seuls trois domaines resteront définis nationalement : le SMIC, l’égalité professionnelle femmes–hommes et les seuils d’exposition aux risques. C’est l’article qui lamine le code du travail en faisant disparaître la notion de subordination dans l’entreprise comme si le salarié était à égalité avec le chef d’entreprise. Les vannes sont ouvertes à tous les abus. Vidéo 3:44mn « l’arme du droit », la chaîne du SAF (Syndicat des Avocats de France).
- La fusion des instances représentatives du personnel: Les trois instances de représentation du personnel, les délégués du personnel (réclamations individuelles des salarié-e-s), le comité d’entreprise (activités sociales de l’entreprise + interlocuteur de la direction sur toutes les questions économiques et de décision de gestion de l’employeur) et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (défense de la santé des salarié-e-s + prévention des risques) pourront être fusionnées en une seule réduisant drastiquement le nombre de représentants du personnel mais surtout occultant la spécificité et l’importance des missions de chacune de ces instances qui n’auront plus les moyens de travailler, affaiblissant grandement les possibilités d’action au sein de l’entreprise. Vouloir fusionner le CHSCT et le CE c’est faire passer les questions de santé au travail après les intérêts économiques. Vidéo 4:07mn « l’arme du droit », la chaîne du SAF (Syndicat des Avocats de France).
- Le plafonnement des dommages et intérêts, les barèmes: Cette réforme avait été proposée à l’été 2015 par Emmanuel Macron, alors à la tête de Bercy, mais refusée par le Conseil constitutionnel. Elle revient! Ces barèmes permettront aux entreprises de budgéter leurs licenciements et les juges seront obliger de respecter un plafond à ne pas dépasser même si la procédure de licenciement subie par le salarié-e est abusive et a eu des conséquence néfastes pour lui. Cela ne s’appliquera pas pour les cas de licenciement pour harcèlement ou discrimination. Il est faux de dire que les salarié-e-s abusent de procédures prud’homales, que les montants sont excessifs, tous les chiffres prouvent le contraire. Vidéo 5:55mn « l’arme du droit », la chaîne du SAF (Syndicat des Avocats de France).
- Les contrats temporaires; de l’exception vers la norme: Par simple accord d’entreprise, toutes les règles encadrant les contrats précaires pourraient être assouplies. Les contrats précaires deviendront la norme; plus de durée contractualisée, le renouvellement pourrait se faire à l’infini, la prime de précarité pourrait varier alors qu’elle est identique pour tous à l’heure actuelle. Vidéo 5:42mn
- Le recours au référendum des salarié-e-s pour contourner les syndicats: Avec la loi El Khomri la possibilité d’organiser des référendums d’entreprise à la demande des organisations minoritaires est déjà possible avec l’accord de l’employeur si les syndicats majoritaires n’ont pas signé l’accord d’entreprise en négociation. Ce dispositif pourrait être élargi en permettant aux dirigeant.e.s d’entreprise d’organiser eux-mêmes des référendums de façon unilatérale si l’accord en négociation n’a pas été signé par les syndicats majoritaires. Il est facile d’imaginer la pression que les salarié-e-s pourront subir, le chantage au chômage par exemple. Vidéo 5:02mn « l’arme du droit », la chaîne du SAF (Syndicat des Avocats de France).
- Le CDI Projet: Il ne sera plus vraiment indéterminé comme son nom l’indique. Il sera lié à la durée de la mission et donc toutes les règles encadrant le CDI classique pourront être modifiées. Ce contrat prend exemple sur les « contrats chantiers » dans le bâtiment. En 2015 le MEDEF avait tenté sans succès d’inclure ce type de contrat dans la première loi Macron pour d’autres secteurs d’activité. Les entreprises vont avoir toute liberté de jouer au yoyo avec les salarié-e-s.
- Faciliter les licenciements, rendre possible le licenciement économique là où il n’était pas possible: Augmenter les seuils d’effectifs dans l’entreprise pour rendre non obligatoires les plans sociaux. Aujourd’hui ce sont eux qui encadrent les licenciements par toutes les obligations qui incombent au chef d’entreprise mais aussi au groupe en cas de licenciements d’une filiale. En augmentant le seuil, les licenciements deviennent plus faciles et les entreprises éviteront les plans sociaux qui leur coûtent de l’argent. Le salarié-e-s devient « jetable », sans obligation d’accompagnement pour l’employeur. Pour les licenciements économiques, le gouvernement veut définir le « périmètre géographique et le secteur d’activité » pour estimer les difficultés d’une entreprise. Il pourra réintroduire la notion de périmètre national, retirée de la loi El Khomri, concernant les filiales de groupes étrangers. Aujourd’hui, si une filiale française déficitaire d’un groupe étranger, par ailleurs en pleine forme, décide de licencier, elle ne peut pas utiliser les dispositions d’un licenciement économique. Demain, tout sera possible puisque les moyens financiers de la maison mère ne seront plus pris en compte dans la décision du licenciement économique. Les multinationales pourront fermer les filiales qui ne les intéressent plus sans aucune difficulté. Le délai de recours devant le juge en cas de contestation d’un licenciement qui a déjà été réduit à 1 an pourrait l’être à 2 mois à partir de la notification de la lettre de licenciement et l’entreprise ne sera plus obliger d’exprimer le motif du licenciement dans sa lettre au salarié-e. Vidéo 7:39 mn , Vidéo 4:41 mn « l’arme du droit », la chaîne du SAF (Syndicat des Avocats de France).
- Travail du dimanche : Cette loi permettra de passer outre les arrêtés préfectoraux interdisant le travail du dimanche. L’entreprise fait la loi.
- Que va t-il se passer quand le salarié-e sera au chômage : Actuellement l’assurance chômage est gérée par les partenaires sociaux, ce sont les organisations syndicales et patronales qui se mettent d’accord sur les règles d’indemnisation. Demain il en sera autrement: le gouvernement veut reprendre en main l’assurance chômage et être le seul décideur. Aujourd’hui l’assurance chômage est un droit, chaque salarié-e et chaque employeur cotise pour cette assurance. Le droit va disparaître au profit d’une simple aide que le seigneur accorderait dans sa grande bonté, nous jetant quelque chose à grignoter en retour d’une obéissance totale. Cette réforme parle d’un emploi « décent » alors qu’aujourd’hui les textes citent une offre d’emploi « raisonnable ». Un emploi « décent » pour le gouvernement est un emploi avec une perte de salaire pouvant aller jusqu’à 25%. Les chômeurs seront dans l’obligation d’accepter le premier emploi proposé. Pour faire accepter cette réforme comme un progrès social, « l’assurance chômage » est ouverte aux indépendants et aux personnes qui démissionnent. Vidéo 4:21 mn « l’arme du droit », la chaîne du SAF (Syndicat des Avocats de France).
Les droits deviennent des aides que le gouvernement peut supprimer ou diminuer à sa convenance alors que nous continuons à cotiser. Tout sera concentré dans les mains d’une seule entité: l’Etat, lui-même administré par les puissances financières. Le coup d’état social s’accompagne d’une dictature économique.
[1] Le Monde Diplomatique. Article du 4 avril 2015 ; Pour amadouer Bruxelles. Loi Macron, le choix du « toujours moins ».
[2] Voir articles Pressenza : Loi Macron et facteur humain , Loi Macron ou l’inexistence d’une démocratie , Loi Macron : un cimetière pour le Code du travail !
Voir sites:
« l’arme du droit », la chaîne du SAF (Syndicat des Avocats de France)