Le traité d’interdiction des armes nucléaires adopté à New York le 7 juillet 2017 par 122 Etats membres de l’ONU pourrait signer l’arrêt de mort de la doctrine française dite « de dissuasion nucléaire ». Il ne sera désormais plus possible à la France, ou plus exactement à un seul individu, son président, de prétendre protéger les « intérêts vitaux » du pays en menaçant d’atomiser la population d’un autre pays, sans qu’il soit manifeste qu’il commettrait ainsi un crime contre l’humanité.
Ce traité interdit de mettre au point, mettre à l’essai, produire, fabriquer, acquérir de quelque manière que ce soit, posséder, stocker ou héberger des armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires. Il interdit de les transférer à qui que ce soit, et d’aider ou d’inciter quiconque à se les procurer. Il interdit de les employer ou de menacer de les employer.
Ces interdictions s’appliqueront sans réserve ni limitation de temps à tous les Etats parties au traité, lequel sera ouvert le 19 septembre 2017 à la signature des Etats, y compris ceux qui ne l’ont ni négocié ni voté. Il entrera en vigueur 90 jours après le dépôt du cinquantième instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion. Le secrétaire général de l’ONU en sera le dépositaire. La possession, l’emploi ou la menace d’emploi des armes nucléaires seront alors devenus illégaux pour les Etats parties, mais aussi immoraux pour les autres Etats, sinon à leurs propres yeux, du moins à ceux de la « communauté internationale ».
Cependant, parmi les neuf Etats nucléaires actuellement répertoriés (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine, Israël, Inde, Pakistan, Corée du Nord) possédant au total quelque 15 000 armes nucléaires (dont plus de 90 % détenues par les deux premiers), aucun n’a pris part aux négociations du traité ni ne semble, à ce jour, disposé à s’y rallier. La France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, qui avaient déjà tenu une conférence de presse commune à l’ouverture de la première session des négociations, le 27 mars dernier, ont fait savoir par un communiqué commun publié sitôt après l’adoption du nouveau traité qu’ils n’ont aucune intention de le rejoindre et n’en reconnaîtront aucun effet juridique.
La portée du traité est donc avant tout symbolique. En stigmatisant les armes nucléaires, au même titre que les armes biologiques et chimiques, comme instruments de crime contre l’humanité, il place au ban de l’humanité les Etats qui en possèdent, qui pourraient s’en servir et qui s’en servent déjà comme moyens de menace, de domination, de terreur politico-militaire. La France fait partie du lot. Sa « dissuasion nucléaire », condamnable in utero, est désormais, comme les autres, condamnée. Est-elle morte pour autant ? Dans le meilleur des cas, elle n’est que moribonde, et son agonie pourrait durer aussi longtemps que dureront les armes nucléaires des autres. Le calvaire de l’humanité n’est donc pas terminé. Pour abolir les armes nucléaires, c’est donc bien, au-delà de leur interdiction, leur élimination qu’il faut viser.