Calme et serein, la tête rasée, habillé dans sa robe safran typique des moines bouddhistes, Ashin Wirathu compare les musulmans aux poissons chats d’Afrique, car il dit qu’ils se reproduisent très vite, qu’ils sont violents et qu’ils détruisent leur environnement. Ces sont les premières images du documentaire « Le vénérable W ».
A travers le portrait du bonze birman Ashin Wirathu, le réalisateur suisse Barbet Schroeder nous introduit à la terrible réalité des musulmans qui vivent en Birmanie et spécialement celle de la minorité Rohingyas. Le bilan est catastrophique : des centaines de morts, des milliers de réfugiés, des pogroms et des viols collectifs infligés par une partie de la population bouddhiste du pays.
Le plus incroyable de ce documentaire est que nous assistons en direct à la mise en place d’un futur génocide. Parce que la haine et la violence ne naissent pas du jour au lendemain. Tout d’abord il y a un sentiment, un malaise que nous ne pouvons pas expliquer. Après surgit une idée, un concept, une idéologie qui vient expliquer le mal-être.
C’est à ce moment-là que le bonze Wirathu commence à gagner des fidèles en mettant la faute du désarroi des Birmans sur le dos des musulmans. Il répand le concept de « protéger la race et la religion » et que les musulmans finiraient par les convertir et dominer tout le pays.
Tout commence avec des mots, des qualificatifs, des prêches devant des bonzes, devant des fidèles. Après viennent les premières mesures d’exclusion économique: l’appel au boycott des magasins musulmans et l’affichage des autocollants en faveur du boycott dans toutes les enseignes et taxis des partisans de Wirathu.
Mais il fallait un fait divers pour que la violence se déchaîne. Le viol et le meurtre d’une jeune bouddhiste par trois musulmans, déclenche une série d’émeutes qui sera le point de départ d’une purge ethnique et religieuse que personne n’a voulu arrêter.
Le coup de maître de ce documentaire est la capacité de Schroeder pour mettre à l’aise Wirathu, pour qu’il se livre en toute confiance devant la caméra. D’une façon sereine il décrit toutes les étapes de son plan pour préserver la « race et la religion » en Birmanie. Son langage corporel exprime un calme et une paix intérieure- fictive bien sûr- pendant que sa bouche appelle à l’extermination d’un peuple.
Un problème qui fait tache dans la toute nouvelle démocratie birmane, qui a comme tête d’affiche la Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi, qui préfère détourner le regard et faire comme si de rien n’était.
Ce documentaire est le dernier volet de la « trilogie du mal » que le réalisateur a commencée en 1974 avec « Général Idi Amin Dada, autoportrait » sur le dictateur ougandais, et a poursuivie avec « L’avocat de la terreur» (2007) sur le controversé avocat français Jacques Vergès, défenseur entre autres, de Klaus Barbi ancien chef de la Gestapo de Lyon..