Les résultats du premier tour de la présidentielle illustrent bien la crise politique et démocratique que connaît la France – comme d’autres pays – : les partis qui ont dominé la vie politique depuis 40 ans sont éliminés ; ils ouvrent une période de recomposition politique profonde. Ces résultats nous conduisent à voir s’affronter un tenant du libéralisme le plus décomplexé à la candidate d’une extrême droite qui met au cœur de son projet le racisme et la préférence nationale.
De « mon ennemi est la finance » à l’ami de la finance
Emmanuel Macron n’est en rien l’incarnation d’un renouveau de la politique. De François Bayrou à Manuel Valls, d’Alain Madelin à Laurence Parisot, sa candidature est le réceptacle de tous les promoteurs du libéralisme de ces dernières décennies. Or, ce sont ces politiques qui conduisent à l’augmentation de la pauvreté et des inégalités, à la désespérance sociale et in fine à la montée du Front national dans ce pays. Ce candidat zélé du libre-échange, ce défenseur de l’« ubérisation » de notre société et de la destruction définitive du code du travail, par les politiques qu’il veut mener, ne sera en rien un obstacle à la montée des idées de l’extrême droite dans les années à venir.
Il a décrété que la réglementation bancaire doit être allégée, que la taxe sur les transactions financières n’est pas une priorité, et que l’ISF ne doit pas être payé par les actionnaires car ceux-ci financent les entreprises. Son projet est de renforcer le contrôle des chômeurs, de défaire notre système de protection sociale et de renforcer les bases du système productiviste fondé sur la surexploitation du travail et de la nature.
Pas un Trump, un Orban ou un Erdogan en France !
Marine Le Pen, l’autre qualifiée pour le second tour est porteuse d’un autre héritage, celui de Vichy et de l’OAS, porteuse d’un racisme décomplexé à l’égard des étranger·e·s et des musulman·e·s, dont le projet est de s’attaquer à nos libertés publiques, à nos mouvements, associations, syndicats.
La victoire de Marine Le Pen aurait donc des effets désastreux pour toute perspective émancipatrice et toute dynamique progressiste. Tout d’abord, elle serait un stimulant très puissant pour les fractions les plus réactionnaires au sein de notre société. La Cinquième République est ensuite un régime qui permet à l’élu·e de bénéficier de pouvoirs incomparables à ceux du locataire de la Maison Blanche. Altermondialistes, nous savons combien l’accession au pouvoir d’un Trump ou d’un Orban a changé la donne pour les mouvements amis dans ces pays. La possible élection de Marine Le Pen serait un danger vital pour les libertés publiques et pour les mouvements sociaux. Elle ne serait en rien un coup d’arrêt au capitalisme financier et à sa violence. Elle créerait la pire des situations.
Le mouvement social dans sa diversité aura un rôle stratégique dans les mois à venir comme fer de lance des luttes contre les mesures anti-sociales et anti-écologiques du nouveau gouvernement.
Le résultat de ce 23 avril n’est malheureusement pas une surprise. Il n’y aura pas de changement majeur de politique sans bouleversement des rapports de force actuels et sans renversement des intérêts dominants, dont Macron est le représentant. La défaite de Manuel Valls aux primaires socialistes en janvier, le succès de la campagne de Jean-Luc Mélenchon qui atteint un score historique pour la gauche anti-libérale, sont les signes d’un rejet du néolibéralisme et porteurs d’espoir pour asseoir de nouveaux rapports de force. Mais surtout, ceci doit se construire dans les mouvements sociaux, dans lesquels Attac compte jouer un rôle important.
Les luttes sociales, démocratiques, féministes, antiracistes et écologiques seront porteuses de notre volonté de résister, et ce dès le 1er Mai. Des dynamiques positives existent dans notre société, nous devons avec d’autres, chercher à rendre visibles ces résistances et ces alternatives, par des actions citoyennes, la désobéissance civique et en favorisant les convergences. Dès aujourd’hui et dès le lendemain du second tour, nous participons et participerons aux mobilisations sociales face au nouvel ordre établi, aux multinationales et à la finance. Et l’Université d’été européenne des mouvements sociaux qui se déroulera à Toulouse du 23 au 27 août sera un temps fort pour faire entendre nos voix et travailler aux mobilisations nécessaires en France et en Europe.