Par John Perkins

J’écris ceci dans l’avion, de retour d’un voyage magique chez les Kogi de Colombie. J’écris ceci après avoir vu et entendu les reportages télévisés de l’aéroport sur le traumatisme qui continue de dominer la politique US, ainsi que celle de beaucoup d’autres pays.

L’année dernière, mon partenaire équatorien, Daniel Koupermann, et moi avons emmené un groupe dans les magnifiques terres des Kogi – des gens qui ont un message pour nous tous. Ils sont descendus de leurs refuges de montagne pour nous rencontrer et pour diffuser leur message sur la nécessité du changement. Ils ont été tellement impressionnés par la profonde spiritualité et l’engagement de ce groupe de 2015 qu’ils nous ont invités à amener un autre groupe similaire – et cette fois pour être les premiers à vivre parmi eux, à dormir dans leur communauté et à s’asseoir dans leurs huttes de cérémonies sacrées. Pour les 19 personnes de notre groupe, ce voyage a changé notre vie.

Nous nous sommes retrouvés  dans un décor à couper le souffle: les eaux émeraude de la mer des Caraïbes et les plages bordées de palmiers, les montagnes de la Sierra Nevada qui s’élèvent à 5500 mètres de l’océan jusqu’aux pics couverts de glaciers, les forêts tropicales et les rivières étincelantes qui descendent en cascades des glaciers à la mer des Caraïbes.

Mais plus que tout ce sont les Kogi qui nous ont impressionnés ! Je dois admettre que j’ai été choqué – de manière extatique – par la mesure dans laquelle les Kogi nous ont invités à partager leurs vies et cérémonies. Ces gens jusqu’ici irréels (pour les autres humains) nous ont totalement ouvert les portes de leurs maisons et de leurs cœurs. Ils nous ont invités à venir apprendre de leurs Mamos (aînés sages / professeurs / chamans / leaders spirituels), pour répondre à un appel qui remonte à une époque où leurs ancêtres se sont retirés face à l’assaut des conquistadors espagnols et au caractère destructeur des cultures européennes. Leurs Mamos nous ont raconté comment leurs ancêtres avaient fui les vallées des rivières glaciaires vers les montagnes. Choisissant de rester isolés pendant des siècles, ils ont développé un nouveau rêve de la Terre, une révélation qui équilibre le potentiel brillant de l’esprit humain, le cœur et l’esprit avec toutes les forces de la nature. À ce jour, ils restent fidèles à leurs anciennes lois et traditions – les diktats moraux, écologiques et spirituels d’une force qu’ils identifient comme «la Mère» – et sont toujours conduits par des rituels sacrés. À la fin siècle passé, leurs Mimos ont compris qu’ils étaient les Frères et Sœurs aînés et qu’ils devaient descendre et partager ce puissant message avec le monde moderne, les gens qu’ils appellent les Jeunes Frères et Sœurs.

Ils ont partagé leur histoire avec d’autres. Ce qui était unique cette fois était leur enthousiasme pour adopter ce groupe à des niveaux très personnels. J’écris ceci dans l’avion du retour et cela est trop proche de moi pour pouvoir être exprimé en détail en ce moment (un livre à venir, je pense!) Mais je dirai que le lien que nous avons tous ressenti est symbolisé par une cérémonie où un Mamo et son épouse, dans la communauté desquels nous avions passé la nuit, nous ont invités à assister à la formation de leur fils de 5 ans pour devenir un Mamo. Nous avons parcouru de nombreux kilomètres de leur communauté et nous sommes restés avec eux à l’embouchure d’une rivière glaciaire tandis que le  garçon a doucement offert à la rivière les engagements que nous avions tous fabriqués et soufflé en petits morceaux de coton d’une plante locale.

Le message Kogi, bien que semblable à celui que j’ai reçu il y a plus de 40 ans lorsque j’étais un volontaire du Corps de la Paix vivant avec les Shuar en Amazonie et puis 20 ans plus tard des Achuar, est plus pressant que jamais. C’est le message qui a donné naissance à des organismes sans but lucratif, dont Dream Change et l’Alliance Pachamama. C’est le message des peuples autochtones nord-américains et de tous ceux qui les rejoignent à Standing Rock. C’est un message qui émane des cultures et des organisations autochtones du monde entier. C’est un message d’espoir, qui dit que nous pouvons nous transformer de sociétés qui adhèrent à des systèmes qui menacent de nous détruire à en systèmes qui nous soutiendront, nous et les générations futures.

J’ai écrit beaucoup de fois sur la nécessité de passer d’une économie de mort, basée sur la guerre et sur le ravage des ressources mêmes dont elle dépend, à une économie de vie, basée sur l’élimination de la pollution, la régénération des environnements détruits et le développement de nouvelles technologies qui recyclent et des styles de vie qui rendent plus que ce qu’ils prennent à notre Terre vivante. Maintenant, en revenant de chez les Kogi, je me sens rajeuni et regonflé à diffuser le message qui est le principe sous-jacent derrière ce changement économique qui doit se produire.

Nous savons que nous sommes confrontés à de graves crises. Nous savons que le climat change et que nous, les humains, dévastons l’air, l’eau et la terre qui soutiennent toute la vie sur cette planète. Nous savons que notre gouvernement est incapable ou ne veut pas changer les choses. Il est facile de se décourager. SAUF, nous savons maintenant ce que nos Frères aînés ont compris il y a longtemps, que Nous, le peuple, devons nous transformer et transformer nos institutions.

Tel est le message des Kogi. C’est le message des Shuar, des Achuar, des gens de Standing Rock et de tous nos frères et sœurs du monde entier. C’est le message des océans qui montent, des rivières qui débordent, des glaciers qui fondent, des ouragans, des traumatismes politiques et toutes les autres crises. Nous sommes bénis d’entendre ce message, d’être des habitants de cet organisme incroyable qu’ est notre Terre Vivante et de pouvoir comprendre que les crises sont elles-mêmes le message qu’il est temps pour nous de sortir de notre isolement et de créer le changement que nous voulons. Et nous savons dans nos cœurs, nos esprits et nos âmes qu’il est nécessaire.

 

L’article original est accessible ici