Pressenza présente en 8 parties la publication « L’Assemblée générale de l’ONU ouvre la porte à un traité d’interdiction des armes nucléaires ». Voici la huitième partie : 8. Les pressions diplomatiques
Le but est de comprendre :
- Pourquoi 123 Etats sont arrivés à obtenir la tenue en 2017, d’une conférence ayant pour objectif la négociation d’un instrument juridiquement contraignant visant à interdire les armes nucléaires en vue de leur élimination complète.
- Comment la majorité des Etats, réunit derrière « l’initiative humanitaire », est arrivée à faire voter la résolution L41.
- Les objectifs de ce futur traité : redynamiser le processus multilatéral sur le désarmement nucléaire ; combler le vide juridique qui entoure les armes nucléaires ; renforcer les normes de non prolifération.
- Les conséquences sont nombreuses – outre l’interdiction de l’arme nucléaire – les industriels et les banques seront impactés par cette norme, tout comme les Etats non signataires.
Liens aux parties publiées :
1. L’initiative humanitaire, une approche « étape par étape »
3. Les objectifs d’un futur traité
3. Les objectifs d’un futur traité
5. Les votes des puissances nucléaires
6. Les votes des membres de l’OTAN et des États bénéficiant d’une dissuasion nucléaire élargie
8. Les pressions diplomatiques
8. Les pressions diplomatiques
Très clairement, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France (possiblement la Russie) ont exercé depuis début octobre une forte pression sur tous leurs alliés et États avec lesquels ils ont des relations pour que ceux-ci n’expriment pas un vote positif. La presse a largement rapporté que les diplomates américains ont mené « une campagne agressive pour empêcher les États non nucléaires d’interdire ces armes atomiques »58, le Japon, la Corée du Sud, la Norvège et les Pays-Bas étant particulièrement visés.
Il était assez logique de voir l’Amérique latine et les Caraïbes voter « Oui » (29 États sur 33) vu son histoire (première zone exempte d’arme nucléaire depuis 1967) et son soutien indéfectible à « l’Initiative humanitaire » depuis le début de celle-ci. Par conséquent, les abstentions de la Guyana et du Nicaragua apparaissent aller à contre-courant et à l’inverse du positionnement des organisations (CARICOM, CELAC, Opanal, UNASUR) dont ces États sont membres. Doit-on dès lors y voir un jeu de pression de la part des Britanniques (sur leur ancienne colonie de Guyana) et des États-Unis sur le Nicaragua ?
La France a, quant à elle, envoyé des « lettres de préoccupation » a différentes missions diplomatiques francophones d’Afrique. Mais cette pression a également visé les eurodéputés pour qu’ils votent « non » à une résolution du Parlement européen approuvant la L.41. Le ministère des Affaires étrangères français a en effet adressé une lettre d’instruction59 aux 74 eurodéputé(e)s français(es) pour leur demander de rejeter cette résolution. La notion de séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif semble avoir été largement oubliée…
Conclusion
La résolution L.41 soutenue par une large majorité d’État, sera sans aucun doute approuvée par un vote de confirmation en décembre 2016 à l’Assemblée générale de l’ONU. Quelques États peuvent faire varier leur position, mais, rien ne semble indiquer une remise en cause du vote effectué le 27 octobre 2016. Malgré les oppositions fortes et les postures d’abstentions (hormis de la Corée du Nord) des États dotés d’armes nucléaires, rien ne peut garantir pourtant une absence totale de leur participation aux futures négociations. La décision de Londres comme de Washington de participer à la 3e conférence humanitaire (Vienne, 2014) est une preuve que même face à une opposition dite solide et commune du P5, une sensibilité nationale peut prendre le dessus et rompre cette posture de groupe.
Concernant les États bénéficiant d’une dissuasion élargie, il semble que soit acquise une participation du Japon (qui a voté non) et des Pays-Bas qui se sont abstenus. D’autres États, reconnaissant l’importance de la dissuasion dans leur concept de sécurité, pourraient donc aussi suivre
Enfin, à l’image de l’explication de vote de la Suède, même des États qui doutent pourraient être présents : « ce processus sera-t-il le moyen le plus efficace pour atteindre l’objectif d’un désarmement nucléaire complet ? Le fait est que nous ne le savons pas aujourd’hui. Mais compte tenu des enjeux, nous croyons que nous avons l’obligation d’essayer, et nous sommes conscients des défis que cela implique. » L’année 2017 sera une année diplomatique dense, avec l’ouverture de la première session des négociations en mars. Elles se « poursuivront » sans aucun doute lors de la première commission préparatoire du TNP (mai), pour se terminer au mois de juillet, avec un possible instrument juridique qui devra faire ensuite l’objet d’un processus de ratification.
Notes
- Colum Lynch, « U.S. Seeks to Scupper Proposed Ban on Nuclear Arms », Foreign Policy, 21 octobre 2016.
- Collin Jean-Marie, « La France a fait pression sur ses eurodéputés », ICAN France.
(*) Le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) est un centre de recherche indépendant fondé à Bruxelles en 1979.
Composé de vingt membres permanents et d’un vaste réseau de chercheurs associés, en Belgique et à l’étranger, le GRIP dispose d’une expertise reconnue sur les questions d’armement et de désarmement (production, législation, contrôle des transferts, non-prolifération), la prévention et la gestion des conflits (en particulier sur le continent africain), l’intégration européenne en matière de défense et de sécurité, et les enjeux stratégiques asiatiques.
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