Pressenza présente en 8 parties la publication « L’Assemblée générale de l’ONU ouvre la porte à un traité d’interdiction des armes nucléaires ». Voici la sixième partie : Les votes des membres de l’OTAN et des États bénéficiant d’une dissuasion nucléaire élargie.
Le but est de comprendre :
- Pourquoi 123 Etats sont arrivés à obtenir la tenue en 2017, d’une conférence ayant pour objectif la négociation d’un instrument juridiquement contraignant visant à interdire les armes nucléaires en vue de leur élimination complète.
- Comment la majorité des Etats, réunit derrière « l’initiative humanitaire », est arrivée à faire voter la résolution L41.
- Les objectifs de ce futur traité : redynamiser le processus multilatéral sur le désarmement nucléaire ; combler le vide juridique qui entoure les armes nucléaires ; renforcer les normes de non prolifération.
- Les conséquences sont nombreuses – outre l’interdiction de l’arme nucléaire – les industriels et les banques seront impactés par cette norme, tout comme les Etats non signataires.
Par Jean-Marie Collin, Chercheur associé GRIP – Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité.
Cette publication a été réalisé avec le GRIP (*).
Liens aux parties déjà publiées :
1. L’initiative humanitaire, une approche « étape par étape »
3. Les objectifs d’un futur traité
5. Les votes des puissances nucléaires
6. Les votes des membres de l’OTAN et des États bénéficiant d’une dissuasion nucléaire élargie
8. Les pressions diplomatiques
6. Les votes des membres de l’OTAN et des États bénéficiant d’une dissuasion nucléaire élargie
Sur les 38 États ayant voté « Non », nous trouvons, 27 des 28 membres de l’OTAN, plus l’Australie, la Corée du Sud et le Japon, qui bénéficie d’une dissuasion nucléaire dans le cadre d’une alliance militaire avec les États-Unis. Ces 30 sur 38 États représentent donc l’écrasante majorité des opposants à ce traité.
Pour les membres de l’OTAN, adhérer à cette résolution remettrait en cause la politique de dissuasion, qui est la garantie principale de sécurité de l’Alliance. Les Pays-Bas sont le seul État à ne pas avoir suivi cette ligne politique, en se prononçant par une abstention. Ce vote est certes ultra minoritaire (1 sur 28), mais il vient déconstruire la solidité politique de l’OTAN, car il montre qu’un de ses membres (sur le territoire duquel sont stationnées des armes nucléaires) peut avoir une position différente : « Les Pays-Bas continueront de faire de leur mieux pour jeter un pont entre ceux qui soutiennent le concept de négociations précoces sur une interdiction des armes nucléaires et ceux qui s’y opposent ». Ce vote est le résultat d’une forte pression des ONG de ce pays, ainsi que d’une volonté du Parlement de soutenir ce futur instrument juridique. En effet, ce Parlement a adopté en avril 201647 une motion à la majorité qui demandait au gouvernement de soutenir les négociations sur un traité international interdisant les armes nucléaires.
Relevons une nouvelle fois cette attitude schizophrénique adoptée par les Pays-Bas et la Norvège dans une intervention commune : « un monde exempt d’armes nucléaires exigera l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant » mais il « existe des désaccords sur le calendrier, le séquençage et les modalités nécessaires pour que ce cadre juridiquement contraignant48» puisse se mettre en place. Ces 2 États de l’OTAN sont donc d’accord pour un traité, mais plus tard…
La Belgique a une position claire sur cet instrument juridique : « Nous engager dans des négociations sur un traité interdisant les armes nucléaires ne peut venir que comme un élément constitutif final permettant de garantir un monde libre d’armes nucléaires » soit à un moment ou « nous aurons atteint le point de minimisation où le nombre d’armes sera réduit à un nombre très faible »49. Bruxelles qui veut que tout soit établi sur la base du consensus et d’une sécurité commune (mais ne semble pas vouloir entendre l’insécurité ressentie par les États de « l’Initiative humanitaire ») accepte donc un traité, futur, quand les arsenaux seront au plus bas. Encore faut-il savoir ce que signifie ce « point de minimisation » ? Il est sans doute différent pour la France (qui dit être à un niveau de stricte suffisance avec un arsenal de 300 ogives), de celui des États-Unis ou de la Chine. Enfin, vouloir attendre, ne signifie rien d’autre que de repousser une mesure, à laquelle cet État semble souscrire…
Autre enseignement de ce vote : un « Non » ne signifie pas forcément une absence de participation aux négociations de 2017. C’est ce que l’on peut observer avec le Japon. Son ministre des Affaires étrangères, F. Kishida, a indiqué que ce vote était dû à l’absence de consensus sur cette résolution. Pour autant, il mentionna par la suite : « à l’heure actuelle, j’espère participer activement aux négociations et présenter fermement notre position »50. Cette posture laisse donc entendre que certains États, même sous le régime de la dissuasion élargie, pourraient donc bien être présents et participer à ces négociations en 2017.
- Lettre du PNND/OBSARM n° 18, « Le Parlement fait trembler la posture nucléaire du gouvernement ! », avril 2016.
- Première commission, ONU, Intervention commune, 17 octobre 2016.
- Intervention à l’OEWG, 24 février 2016.
- « U.S, Japan oppose and China abstains as U.N. votes to launch talks on nuclear arms ban », Japan Times, 28 octobre 2016.
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(*) Le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) est un centre de recherche indépendant fondé à Bruxelles en 1979.
Composé de vingt membres permanents et d’un vaste réseau de chercheurs associés, en Belgique et à l’étranger, le GRIP dispose d’une expertise reconnue sur les questions d’armement et de désarmement (production, législation, contrôle des transferts, non-prolifération), la prévention et la gestion des conflits (en particulier sur le continent africain), l’intégration européenne en matière de défense et de sécurité, et les enjeux stratégiques asiatiques.
En tant qu’éditeur, ses nombreuses publications renforcent cette démarche de diffusion de l’information.
En 1990, le GRIP a été désigné « Messager de la Paix » par le Secrétaire général de l’ONU, Javier Pérez de Cuéllar, en reconnaissance de « Sa contribution précieuse à l’action menée en faveur de la paix ».