Après plus de 20 années d’absence d’avancée concrète dans le processus de désarmement nucléaire multilatéral, la résolution L.41 de l’Assemblée générale de l’ONU, votée le 27 octobre 2016, vient de lancer une dynamique pour négocier en 2017 l’interdiction des armes nucléaires !
Depuis 2010, les Etats non dotés d’armes nucléaires manifestent une volonté de plus en plus forte de peser dans le jeu des négociations en vue de parvenir à un monde exempt de ce type d’armements. Cette volonté diplomatique (notamment du Mexique, de l’Autriche, du Costa-Rica, de l’Afrique du sud et de l’Irlande) s’est traduite par ce qui fut nommé l’« Initiative humanitaire ». Cela s’est traduit, d’une part, par des conférences ouvertes à tous les Etats et à la société civile pour que chacun prenne conscience des conséquences catastrophiques de ces armes en cas de détonation volontaire, accidentelle ou terroriste et, d’autre part, par le fameux « Engagement humanitaire » de mai 2015 adopté par 127 Etats.
Le 27 octobre 2016, nous sommes arrivés à la fin de cette « Initiative humanitaire », pour ouvrir désormais un nouveau chapitre, celui de l’interdiction totale et complète des armes nucléaires.
En effet, conformément aux conclusions et recommandations adoptées par le Groupe de travail à composition non limitée de l’ONU (crée par la Résolution A/RES/70/33) le 19 août 2016, après 3 sessions de travail (février, mai, août) : « Le Groupe de travail a recommandé, avec le soutien d’un grand nombre de pays, la convocation en 2017 par l’Assemblée générale d’une conférence ouverte à tous les États et à laquelle participeraient et contribueraient les organisations internationales et la société civile,
afin de négocier un instrument juridiquement contraignant interdisant les armes nucléaires de manière à aboutir à leur totale élimination ».
Au milieu du mois de septembre 2016, 6 Etats (Afrique du Sud, Autriche, Brésil, Chili, Costa Rica, Le Salvador, Équateur) ont déposé le projet de Résolution L.41, intitulé « Faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire ». Ce projet de résolution rappelle, au préalable, les conséquences humanitaires catastrophiques des armes nucléaires et les différents textes s’y rapportant, ainsi que les engagements et obligations pris ces dernières années en matière de désarmement nucléaire, tant par les Etats dotés que non dotés d’armes nucléaires.
Ce texte « recommande que des efforts supplémentaires soient faits en vue d’élaborer les mesures juridiques concrètes et efficaces et les dispositions et normes juridiques nécessaires à l’instauration d’un monde exempt à jamais d’armes nucléaires, réaffirme l’importance du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires » (point 6) et « décide d’organiser, en 2017, une conférence des Nations Unies ayant pour objectif la négociation d’un instrument juridiquement contraignant visant à interdire les armes nucléaires en vue de leur élimination complète » (point 8).
Malgré les pressions extrêmement fortes des puissances nucléaires – principalement de la France, des Etats-Unis et du Royaume-Uni – sur de nombreux Etats africains et du Pacifique, la Résolution L.41 a été adoptée par 123 Etats, soit plus des trois-quarts des Etats de l’ONU, y compris la Corée du Nord.
Les 38 Etats qui se sont opposés à la Résolution correspondent à l’ensemble des Etats membres de l’Alliance Atlantique, auxquels s’ajoutent les Etats sous protection nucléaire américaine (Japon, Corée du Sud, Australie). Notons tout de même la position des Pays-Bas qui, sous la pression de son Parlement, a été dans l’obligation de s’abstenir.
La France a refusé – à l’instar des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Russie – de voter en faveur de cette Résolution, prétextant que ce processus aurait « un effet déstabilisateur pour la sécurité régionale et internationale ». Cette attitude est un non-sens politique, comme l’a fait remarquer Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des Armements et membre de ICAN France. De même, l’ancien ministre de la Défense, Paul Quilès, président de l’organisation Initiatives pour le Désarmement Nucléaire (IDN) a proclamé : « Je considère le vote de la France comme contradictoire avec tous les beaux discours sur la recherche d’une plus grande sécurité dans le monde et de la lutte contre la prolifération nucléaire. Pour faire court, ce vote est honteux ! ».
Le choix de l’abstention de la part de 16 Etats – dont la Chine, l’Inde et le Pakistan – est d’une certaine manière assez logique. Ces Etats ont toujours soutenu l’idée de la création d’une convention sur les armes nucléaires. Pour autant, il faut ne pas exclure une volonté d’opportunisme face aux autres puissances nucléaires.
Le droit doit pouvoir se développer pour favoriser le changement et non pas pour confirmer qu’un problème a été résolu. Dans cette optique, la société civile – portée principalement par la Campagne Internationale pour l’Abolition des Armes nucléaires – et une majorité d’Etats ont décidé d’interdire ces armes, permettant ainsi de stigmatiser leurs possesseurs, dans le but d’engager un processus d’élimination définitif. Ce futur processus est en parfaite adéquation avec le Traité de non prolifération nucléaire (TNP) et viendra le renforcer.
Cette Résolution montre ainsi, à nouveau, à quel point la diplomatie et le droit international sont importants pour faire avancer vers un monde meilleur la communauté internationale, qui vit toujours sous la menace de plus de 15000 armes nucléaires…
Source : http://reseau-multipol.blogspot.fr/2016/10/actu-lonu-lance-des-negociations.html