En mai fais ce qu’il te plaît
Nuit Debout. Deux mots qui ont fait couler beaucoup d’encre depuis le 31 mars 2016. Deux mots qui symbolisent la naissance d’un mouvement inédit, d’abord sur la place de la République, puis en France et dans le reste du monde. Nuit Debout est multiple et donc insaisissable. Nuit Debout ne revendique rien mais veut tout. Nuit Debout n’a pas de leader, elle est insoumise. Depuis le début du mois d’août, Gazette Debout, le journal indépendant de Nuit Debout, vous fait revivre l’histoire de ce mouvement grâce à une sélection des meilleurs de ses 700 articles. Voici l’épisode 2. Bonne lecture.
Qui sont les gens qui viennent à Nuit Debout ? Des étudiants ? Des déclassés ? Des anarchistes ? La réponse à cette question très régulièrement posée est bien plus nuancée que ces quelques clichés. Mi-mai, une équipe de sociologues a mené une enquête sur le terrain, dont les résultats en ont surpris plus d’un. Car il n’y a pas que des jeunes bobos parisiens qui viennent user leurs jeans sur la place de la République.
Les plus fidèles ont rapidement décidé de s’investir au sein d’une commission, dont certaines ont joué un rôle clé dans l’organisation quotidienne. Saluons notamment le travail de la logistique, qui transportait quotidiennement tout le matériel, trouvait des lieux de stockage et aidait les commissions à installer leurs stands. Sans eux, pas d’accueil pour guider les passants, pas de cantine, de TV ou de Radio Debout. Remercions également les membres de la sérénité, ces bénévoles qui quadrillent chaque soir la place pour désamorcer les conflits.
D’autres commissions font preuve de pédagogie, à l’instar de la commission économie politique, avec de nombreux débats sur le TAFTA ou encore le salaire à vie. Sans oublier les Avocats Debout qui nous ont notamment alertés sur les dangers de la loi Travail, de l’état d’urgence et ont organisé de nombreux ateliers.
Au-delà de la place de la République, dans un élan de convergence des luttes, nous avons tenté de soutenir les mouvements de protestations plus larges contre le pouvoir politique, en allant soutenir les migrants expulsés du Lycée Jaurès, du jardin d’Eole, les salariés des magasins de la Vallée Village ou ceux du Technocentre Renault. Gazette Debout a également fait une incursion malheureusement trop succincte dans les banlieues qui ont, elles aussi, organisé leurs Nuits Debout.
Cet éternel printemps n’a pas été exempt de violences d’autant plus traumatisantes pour certains manifestants qu’il s’agissait souvent de leur première expérience des violences policières. Une répression qui touchait même les étrangers de passage et a donné naissance à de nombreuses tribunes et témoignages recueillis dans Gazette Debout.
La question de la violence a longuement été débattue au sein du mouvement, notamment au sujet des « casseurs » comme les désignent les médias traditionnels. Certains revendiquent plutôt le statut « d’autonomes ». Nos relations avec les policiers ont également été décortiquées, surtout avant la manifestation du syndicat Alliance sur la place de la République.
Le mois de mai fut aussi l’occasion d’internationaliser la lutte avec la naissance de Global Debout, un mouvement qui a tenté de relier des Nuits Debout du monde entier. Un véritable moment d’espoir.
Gazette Debout n’est pas le seul média né place de la République. TV Debout et Radio Debout diffusaient quotidiennement les débats de l’assemblée générale, ainsi que des reportages et des interviews. Depuis le 4 avril, les équipes de TV Debout sont quotidiennement présentes sur la place. Près de 160 personnes sont passées à l’antenne en quatre mois, à l’instar des participants à Global Debout. Chacun est venu déclamer dans sa langue maternelle une phrase contre les luttes sociales et politiques du monde entier.
Quant à Radio Debout, son équipe a compilé une trentaine d’extraits de ses meilleurs moments, comme l’interview de Léna, gardienne de la Paix. Elle nous apprend que certains policiers rallieraient la place de la République après le service, à titre personnel, attirés par cette émulation d’un genre nouveau. La convergence des luttes mobilise donc jusque dans les rangs des forces de l’ordre. Léna sort ainsi de son devoir de réserve pour rappeler que les policiers sont avant tout « des travailleurs comme les autres », soumis à la pression du chiffre et à une logique comptable qui leur impose « une pression inhumaine dans les commissariats et à fortiori dans les centres de rétention administratifs ». Interrogée sur de possibles débordements causés par des policiers en civil, Léna appelle à circonstancier les faits pour identifier les coupables. Elle invite aussi les manifestants à humaniser les débats, en préférant les présentations aux insultes. « Quand la population est coupée de sa police, de la police qui lui appartient et qui est censée la protéger, c‘est vraiment terrible », souligne-t-elle. Un témoignage aussi rare que sincère, à écouter ici.
C’est la fin de notre second épisode. Retrouvez Gazette Debout sur Twitter et Facebook et sur notre site internet gazettedebout.fr. Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de l’histoire de Nuit Debout.
Retrouvez l’épisode 1 ici.