Le « made in Europe » semble plus rassurant que le « made in China ». Mais qu’en est-il vraiment ? L’enquête réalisée par la DB , au sein d’une coalition internationale d’ONG, révèle que des dizaines de milliers de personnes sont exploitées dans les usines de chaussures en Europe de l’Est. Elles y travaillent dans des conditions déplorables pour un salaire dérisoire – souvent inférieur à celui d’une ouvrière en Chine.
En 2014, quelque 24,3 milliards de paires de chaussures ont été confectionnées à travers le monde – soit plus de trois paires par habitant. Et les chiffres ne cessent de grimper : sur les quatre dernières années, la production mondiale a augmenté de 16 %. Si la majorité des chaussures provient d’Asie, 729 millions de paires ont été produites en Europe en 2014. Sur l’ensemble de cette production, 90 % était destinée aux marchés européens.
La production du cuir brut requiert plusieurs étapes de travail harassantes : l’épilage, l’écharnage et le confitage de la peau. Le cuir brut est ensuite travaillé dans des tanneries. Pour le cuir utilisé en Europe, cette étape de la production a souvent lieu en Italie. Dans le seul district de Santa Croce, en Toscane, on trouve 240 tanneries qui emploient plus de 12 000 personnes. C’est un travail pénible et dangereux : les peaux sont lourdes et sales ; leur odeur est nauséabonde. L’essentiel du personnel vient de pays du Sud, du Sénégal pour la plupart. Les accidents sont fréquents – le poids des peaux occasionnant des lésions articulaires – et le contact avec des substances toxiques provoque allergies et tumeurs. La plus dangereuse est le chrome. Aujourd’hui, 80 % du cuir est tanné avec des sels de chrome III. Or, le tannage peut entraîner la formation indésirable de composés de chrome VI, cancérigènes et allergènes, et donc néfastes pour les tanneurs et l’environnement, mais aussi pour la personne qui portera les chaussures. Le cuir doit encore être teint, graissé et lissé – de nouveau à grand renfort de produits chimiques.
Dans quelles conditions travaille le personnel des tanneries italiennes ? Extrait de l’émission « mittags magazin » (ARD, 05.05.2016). Pour activer les sous-titres en français, cliquez sur la première icône en bas à droite.
Des salaires plus bas qu’en Chine
Les étapes les plus coûteuses de la confection des chaussures sont souvent externalisées en Europe de l’Est : les marques italiennes ou allemandes profitent ainsi de la main-d’œuvre bon marché et des délais de livraison courts. Dans son rapport Labour on a Shoestring (PDF, 1.7 MB), la DB dévoile les conditions de travail difficiles dans les usines de six pays de l’Est, où les salaires sont beaucoup trop bas : en Albanie, en Macédoine ou en Roumanie, le salaire minimum légal se situe entre 140 et 156 euros par mois, un niveau inférieur à celui qui prévaut en Chine. Les ouvrières devraient gagner quatre à cinq fois plus pour pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Parce qu’elles sont rémunérées à la pièce, elles renoncent souvent au matériel de protection comme les gants, censés les protéger des colles et des substances chimiques manipulées, afin d’être plus productives.
Conditions de travail déplorables en Roumanie : des ouvrières témoignent. Extrait de l’émission « Montags-Check » (ARD, 24.04.2016). Pour activer les sous-titres en français, cliquez sur la première icône en bas à droite.
Notre action
Dénoncer les abus et proposer des solutions
En Europe de l’Est, la quasi-totalité des employé∙e∙s des usines de chaussures souffre de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Afin d’exercer une pression sur l’industrie du cuir et de la chaussure ainsi que sur les milieux politiques, nous menons des enquêtes approfondies et œuvrons pour davantage de transparence en interrogeant les firmes. D’une seule voix avec notre réseau international de partenaires, nous appelons les milieux politiques et économiques à prendre des mesures. Nous nous engageons pour :
- le versement d’un salaire vital pour les ouvriers et ouvrières des tanneries et des usines ;
- des procédés de tannage qui ne soient pas néfastes pour la santé ni pour l’environnement ;
- des mesures de protection sanitaire adéquates dans les tanneries et les usines ;
- des consommateurs et des consommatrices conscients des conditions dans lesquelles leurs chaussures ont été produites et qui s’interrogent sur la nécessité d’acheter cinq nouvelles paires par an, au rythme de la mode éphémère.
Prenez le contre-pied de la mode éphémère
Achetez des chaussures en pleine conscience :
- N’achetez que des chaussures dont vous avez vraiment besoin. Assurez-vous qu’elles se marient bien avec la plupart de vos vêtements et privilégiez les modèles qui peuvent être réparés.
- Commencez à faire vos achats auprès d’entreprises engagées.
- Envisagez d’acheter des chaussures véganes.
- Sortez des sentiers battus : on trouve aussi des chaussures dans les magasins de seconde main.
- Et même si cela semble aller de soi : prenez bien soin de vos chaussures pour qu’elles durent plus longtemps !
Posez des questions aux entreprises :
- Quelle est la provenance du cuir ? Exigez la transparence !
- Quelles procédures de tannage ont été employées ? Exigez des méthodes sûres et respectueuses de l’environnement.
- Combien gagne le personnel des tanneries, des fabriques et des détaillants ? Exigez qu’un salaire vital soit versé tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
Partagez vos connaissances et vos expériences :
- Sensibilisez votre entourage à cette problématique en parlant de notre campagne et en la diffusant sur les réseaux sociaux. Plus nous serons nombreux à exiger la transparence, de bonnes conditions de production et un salaire vital, plus nous aurons de chance de faire avancer les choses.
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Source : Déclaration de Berne https://www.ladb.ch/