Par Elodie Descamps pour Investig’action
« Guantanamo nous appartient »: le nouveau documentaire réalisé par Hernando Calvo Ospina. Ce journaliste et écrivain colombien, à qui l’on a refusé la nationalité française en 2011, a accepté de nous accorder un petit entretien en avant première ! S’il est vrai que l’on entend peu parler du cas Guantanamo dans nos médias, quand on l’évoque, c’est uniquement au sujet du camp des « présumés terroristes ». Ce documentaire vient nous rappeler que Guantanamo n’est pas qu’une base navale américaine à Cuba, mais une province, avec ses richesses, ses coutumes, et surtout son peuple à qui l’on a imposé ces installations militaires dans l’indifférence générale. Un peuple, à qui Guantanamo appartient.
Pouvez-vous nous expliquer comment l’imposition d’une base américaine à Cuba a-t-elle été rendue possible, et quelles en sont les conséquences pour les habitants ?
Quand Cuba était en train de mener la guerre d’indépendance contre l’Espagne, les Etats-Unis y ont participé. Après la défaite de la métropole, en 1898, ils ont exigé d’installer une base permanente à Guantanamo, sous le prétexte de sauvegarder l’indépendance de l’Ile.
En 1903, les Etats-Unis ont obtenu la location à perpétuité de cette portion de territoire, mais par un chantage : si Cuba n’acceptait pas, l’Ile entière continuerait d’être occupée par les troupes étatsuniennes. Les Etats-Unis firent inscrire cela dans la première Constitution cubaine. Et depuis, ils payent un loyer annuel, actuellement de 4 085 dollars, mais que le gouvernement révolutionnaire n’encaisse pas depuis 1960.
Outre l’usurpation de ce territoire, la principale conséquence pour les habitants de la région est économique, car ils ne peuvent pas récolter les bénéfices de la pêche ni profiter de la grande baie.
Le président Obama avait fait la promesse en 2008 de fermer le camp de Guantanamo. Il a récemment proposé un plan de fermeture au Congrès, évoquant la volonté de refermer « un chapitre de l’Histoire américaine ». Que pouvons-nous attendre de cette démarche ?
Pas grand-chose. Obama a déjà eu l’occasion de fermer ce camp de concentration et de torture, mais il est plus que certain qu’il partira sans le faire.
Vous êtes journaliste et réfugié politique en France depuis maintenant 30 ans. En 2011, le ministre de l’intérieur vous a refusé la nationalité française, sous prétexte que vous entretenez des « relations diplomatiques avec cuba », mais surtout que vous figurez sur « une liste américaine de personnes interdites de survol de l’espace aérien des Etats-Unis ». Comment interprétez-vous ce refus ?
L’année dernière, après qu’un tribunal m’ait donné raison pour la naturalisation, le Ministère de l’Intérieur français a contesté cette décision. En novembre, un autre tribunal a jugé en ma défaveur. L’argument principal est mon manque de « loyauté » envers la France, à cause de ma « proximité » avec la Révolution cubaine. Le cas va passer au Conseil d’Etat.
Maintenant, il n’est pas logique que le Ministère prenne en compte la décision des Etats-Unis (de me mettre sur leur liste de “terroristes”) car donner la nationalité est un acte de souveraineté. C’est peut-être pour cela que le Ministère a mis « officiellement » cet argument de côté.Et le fait que je sois sur cette liste est si ridicule que même des fonctionnaires de ce Ministère me l’ont dit directement. Je sais que si j’y suis, c’est à cause de la pression du gouvernement colombien, de la contre-révolution cubaine aux Etats-Unis, et de la CIA.
Source: Investig’Action ; http://www.investigaction.net/guantanamo-nous-appartient/