Depuis plus d’un mois, des milliers d’animaux marins s’échouent, morts, sur les plages de l’archipel de Chiloé, au sud du Chili. Plus de 300 km de côtes ont également été touchés par la prolifération d’algues toxiques. Ces événements font suite au rejet en mer de cinq mille tonnes de saumon en décomposition par des centres d’élevage situés à proximité de l’île. En soutien aux pêcheurs et communautés affectés, des chercheurs et militants de Greenpeace se mobilisent pour faire toute la lumière sur les causes de la catastrophe et demander au gouvernement chilien de prendre les mesures qui s’imposent.
Quelles sont les causes de la catastrophe ?
Les preuves dont nous disposons à l’heure actuelle indiquent que les élevages de saumons, nombreux dans la région, sont à l’origine des fortes concentrations en antibiotiques et en produits chimiques relevées dans les eaux de l’archipel, ainsi que du déversement de déchets en mer. Leur impact sur l’écosystème marin est indéniable. Pour autant, il est difficile de savoir avec certitude ce qui a provoqué la mort de ces milliers d’animaux.
Les facteurs à l’origine de cette crise sont certainement multiples, et l’ampleur de celle-ci n’est pas seulement due à la prolifération d’algues toxiques, encore appelée « marée rouge », et au déversement de saumon en décomposition. Dans cette région, la dégradation de l’écosystème marin est intimement liée, depuis des dizaines d’années, à l’expansion de l’industrie du saumon et aux lacunes de la politique publique de gestion des côtes.
Une mission transdisciplinaire aux côtés des communautés locales
Sans attendre l’action gouvernementale, Greenpeace Chili a mis sur pied une équipe d’experts composée de biologistes, d’océanographes et d’anthropologues, qui s’est rendue dans la région affectée.
L’équipe sillonne les côtes de Chiloé afin d’y prélever des échantillons d’eau et de sédiments, en collaboration avec les communautés de pêcheurs. Ces recherches ont pour objectif d’obtenir un instantané de la situation actuelle et un aperçu global des différents facteurs de cette crise. Le rapport d’analyse permettra d’informer la population, actuellement livrée à elle-même, et de faire pression sur le gouvernement chilien pour qu’il agisse.
Francisco Ther, anthropologue à l’université de Lagos et membre de l’équipe, insiste sur l’importance de travailler également avec les habitants de l’île : « Les gens qui vivent sur cette île en connaissent les limites environnementales mieux que quiconque. Les Chilotes possèdent une énorme capacité de résilience. Leur adaptation et leur connaissance historique de la mer sont essentielles pour comprendre ce qui est en train de se produire. » Le but de cette mission est aussi de témoigner notre solidarité avec les communautés touchées.
À la crise environnementale s’ajoute la crise sociale
En parallèle de cette mission, les activistes de Greenpeace ont déployé le 25 mai dernier une banderole devant un centre d’élevage de saumon. Le message : « La mer n’est pas une décharge ! »
Cette action vise à dénoncer l’expansion de l’industrie du saumon dans la région qui, depuis des années, affecte l’équilibre environnemental de Chiloé mais aussi son équilibre social : la catastrophe et la mauvaise qualité de l’eau en général mettent à mal l’économie locale, qui repose en grande partie sur la pêche.
Aujourd’hui, de nombreux habitants ne peuvent tout simplement plus travailler, au premier rang desquels les pêcheurs, et se trouvent sans ressources. Sur place, la tension est palpable et des nombreuses manifestations et barrages routiers et portuaires ont été organisés.
Ce n’est pas la première fois que l’archipel est touché par la pollution de l’eau. Plusieurs organisations environnementales ont déjà dénoncé le laxisme des normes environnementales encadrant l’élevage de saumon. Depuis des années, la pollution causée par cette industrie engendre une augmentation des sédiments dans les fonds marins, des modifications des caractéristiques chimiques de la colonne d’eau, une dégradation du milieu marin et l’introduction massive de produits chimiques et d’antibiotiques dans les écosystèmes.
Inaction gouvernementale
La réglementation encadrant l’industrie du saumon est très permissive. D’ailleurs, les rejets de saumon avaient été autorisés par le gouvernement. Les autorités avaient ainsi donné le feu vert au rejet de 9000 tonnes. Officiellement “seulement” 5000 tonnes auraient été déversées. Aucune information n’a été donnée quant au sort des 4000 tonnes restantes.
Pourquoi les industriels n’étaient-ils pas en mesure de traiter autrement ces tonnes de saumon en putréfaction qu’ils ont produits, au lieu de s’en débarrasser en mer ? Pourquoi ni l’industrie ni les autorités n’ont-elles pu anticiper un tel désastre ? Pourquoi n’existe-t-il aucun plan d’urgence visant à prévenir une telle catastrophe, à la contenir ou à y faire face ?
Autant de questions qui restent pour l’heure sans réponse, le gouvernement semblant désemparé par l’ampleur de la catastrophe et peu enclin à prendre des mesures qui règleraient le problème de fond, sur le long terme.
Aujourd’hui, d’autres milieux naturels sont menacés alors que l’industrie du saumon cherche à étendre ses opérations aux régions de Patagonie et de Bío Bío pour accroître ses capacités de production.
Greenpeace appelle le gouvernement chilien à interdire le déversement de déchets, quels qu’ils soient, dans la région de Chiloé et ses environs, à ouvrir une enquête indépendante, exhaustive et transparente pour identifier les causes de cette catastrophe, à communiquer aux citoyens toutes les informations dont il dispose et à leur proposer une indemnisation adéquate, ainsi qu’à prendre des mesures concrètes pour qu’une telle catastrophe ne se reproduise plus.
Si vous souhaitez agir, vous pouvez :
- comme plus de 75 000 personnes, signer la pétition adressée au gouvernement chilien (en espagnol) ;
- adresser un message de soutien aux habitants de Chiloé sur cette page mise en ligne par Greenpeace
- diffuser ces informations sur les réseaux sociaux avec le hastag #YoApoyoAChiloe (“je soutiens Chiloé”)
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