L’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu le 17 décembre 2015 le droit à l’assainissement (1) comme un droit humain fondamental et distinct du droit à l’eau, dans sa résolution 70/169. Une avancée majeure qui met en lumière et clarifie ce droit, dont une grande partie de l’humanité est encore privée.
Aujourd’hui, on estime que plus de 2,4 milliards de personnes n’ont pas accès à des toilettes, le premier maillon de la chaîne de l’assainissement. Près d’un milliard d’entre elles pratiquent toujours la défécation à l’air libre (2). Des chiffres effarants au regard des dangers pour la santé et des problèmes sociaux liés au manque d’accès à un assainissement décent.
L’absence d’assainissement : des conséquences dramatiques
Diarrhées, choléra, hépatites… le manque d’accès à l’assainissement est à l’origine de nombreuses maladies. Chaque jour, 1000 enfants de moins de 5ans décèdent de la diarrhée causée par une eau insalubre et un assainissement inadéquat (3). Les conséquences sont très lourdes sur l’éducation, les maladies entraînant un fort absentéisme scolaire. De nombreuses jeunes filles sont également contraintes d’arrêter leur scolarité à l’apparition de leurs premières menstruations. L’assainissement est au cœur du droit à un niveau de vie suffisant et est indispensable au plein exercice des autres droits humains, tels le droit à un logement adéquat, le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit à un environnement sain ou encore le droit à l’eau. Il touche notre capacité à vivre dignement.
Étonnamment, la non-jouissance du droit à l’assainissement de manière pleine et effective concerne également les pays dits développés, en particulier les personnes sans domicile fixe, vivant en habitat précaire ou n’ayant pas les moyens de payer le service. Autant de points que la Fondation Danielle Mitterrand et la Coalition Eau entendent faire évoluer en France à travers la proposition de loi n°2715 sur le droit à l’eau et à l’assainissement, qui sera prochainement débattue à l’Assemblée Nationale. L’Opération Transparence 2015-2016 de la Fondation Danielle Mitterrand vise en outre à mettre les projecteurs sur les inégalités des usagers dans le service public de l’assainissement non-collectif.
Le droit à l’assainissement reconnu comme droit humain à part entière
Cinq ans après la reconnaissance du droit de l’Homme à l’eau et à l’assainissement par les Nations Unies (résolution 64/292 du 28 juillet 2010), cette nouvelle résolution reconnait un droit à l’assainissement distinct du droit à l’eau. Souvent en retrait par rapport à la question de l’accès à l’eau, à laquelle il est fondamentalement lié, l’assainissement a été perçu comme un sujet secondaire qui intéresse peu la communauté internationale. Le tabou qui l’entoure n’a pas facilité non plus une véritable volonté politique d’agir. Un tabou que la Coalition Eau et le Secours Islamique France ont pointé du doigt via la campagne « Parlons Toilettes » l’année dernière.
Il faudra donc désormais parler DES droitS à l’eau et à l’assainissement. Espérons que cette résolution, adoptée par consensus et initialement coparrainée par 95 pays – un nombre record dans ce domaine -, permette d’aller vers une priorisation de l’assainissement dans les agendas politiques nationaux et une intensification des actions.
Le droit à l’assainissement : quelles obligations ?
Pour la première fois, une résolution de l’Assemblée générale clarifie les particularités du droit à l’assainissement : « 2. […] le droit de l’homme à l’assainissement doit permettre à chacun, sans discrimination, physiquement et à un coût abordable, d’avoir accès à des équipements sanitaires, dans tous les domaines de la vie, qui soient sans risque, hygiéniques, sûrs, socialement et culturellement acceptables, qui préservent l’intimité et garantissent la dignité […] ». Notons toutefois que cette définition se cantonne à l’accès aux installations sanitaires et ne prend pas en compte le reste de la chaîne de l’assainissement : évacuation des excréments, traitement, réutilisation.
Comme pour tout droit humain, il incombe en premier chef aux États de respecter, protéger et mettre en œuvre le droit à l’assainissement. Toutefois, l’Assemblée générale demande également « 6. […] aux acteurs non étatiques, dont les entreprises, notamment transnationales, de s’acquitter de leur responsabilité de respecter les droits de l’homme, y compris les droits fondamentaux à l’eau potable et à l’assainissement ».
Autre avancée : La résolution reconnait l’incidence négative du manque d’eau et d’assainissement sur l’égalité des genres, en détaillant largement les impacts spécifiques qui pèsent sur les femmes et les filles. Le texte promeut la participation des femmes dans les processus de décisions sur les questions d’eau et d’assainissement et la prise en compte de l’égalité des genres dans tous les programmes d’accès.
Il est désormais du ressort des États de mettre en œuvre le droit humain à l’assainissement pour tous, sur la base de la définition et des obligations posées dans ce texte. Un texte que les acteurs de la société civile et les citoyens pourront également utiliser afin d’invoquer ce droit et faire progresser son application.
(1) Catarina de Albuquerque, ancienne Rapporteuse spéciale de l’ONU sur le droit à l’eau et à l’assainissement, définit l’assainissement comme « un système de collecte, de transport, de traitement et d’évacuation ou de réutilisation des excréments humains, auxquels sont associés les dispositifs d’hygiène connexes ».
(2) Rapport du Joint Monitoring Program OMS/UNICEF 2015
(3) OMS, « Preventing diarrhoea through better water, sanitation and hygiene : exposures and impacts in low- and middle-income countries » (décembre 2014)