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LE FUTUR DU PROJET NATIONAL ET POPULAIRE LA RÉSISTANCE FACE À LA RESTAURATION DU MOUVEMENT NÉOLIBÉRAL
Lorsqu’une société, ou une partie de cette dernière, fait face à des gouvernements élus selon un principe libéral représentatif, et qu’elle découvre, comme elle le prévoyait, que non seulement ses décisions sont antinationales, impopulaires, antiétatiques et antimajoritaires et qu’elles font preuves d’une violence symbolique et matérielle, voire même physique et sont indiciles ; lorsque ses décisions émanent en outre de délinquants en col blanc, membres d’une bourgeoisie surpayée dépendante de groupes étrangers et locaux, protégés par des médias protofascistes et néo-mafieux, on peut faire appel à trois mécanismes de résistance, l’un d’eux étant très différent des deux autres.
L’un d’eux consiste à tenter d’influencer les parlementaires, à les pousser et les conditionner et à s’organiser pour gagner les prochaines élections. Bien que nécessaire, cette voie présente la difficulté évidente que la transaction parlementaire entre majorités et minorités, l’inégalité entre les méthodes des partis et des citoyens, l’asynchronisme entre le calendrier électoral et l’affectation des besoins et droits fondamentaux, la division verticale et horizontale des pouvoirs qui se mettent veto l’un l’autre et se paralysent, peuvent prolonger indéfiniment la résistance ou obtenir des résultats frustrants ou contre-productifs. Le deuxième mécanisme consiste à protester, via les grèves, les plaintes, les manifestations et regroupements dans les rues, les piquets et tout le répertoire de dispositifs connus. Cette mobilisation, à nos yeux, est également indispensable, mais fatigante. En outre, il existe des problèmes de coordination, de désinformation de la société, la persécution et les balles en caoutchouc ou d’autre type. Finalement, il existe une troisième instance, qu’il convient dès à présent de décrire avec une certaine précision ou profondeur, vu le contexte.
La désobéissance civile est une transgression de la loi et/ou de la Constitution. Une contestation à travers un acte qui ne se fonde sur rien d’autre que lui-même, un acte politique à l’état pur, duquel sont constitutives des règles de justice procédurale parfaite.
Cela signifie que, en marge de ses contenus ou demandes, la désobéissance civile trouve sa légitimité dans des règles de validité immanentes, et équivalentes en termes de hiérarchie, à l’exercice populaire du pouvoir constituant, et qui se trouve au-dessus de la Constitution nationale puisque ses règles sont exercées comme critère ultime de critique de toute disposition inaliénable. Au-delà de l’inégalité et des fondements substantifs permettant de les mettre en question, l’acte de transgression se fonde sur ces règles pour montrer que si l’on avait utilisé un procédé plus juste, la décision aurait pu être différente. Cela a été l’opinion, par exemple, de la fraction minoritaire du mouvement anti-nucléaire anglais conduit par Bertrand Russell. On peut voir, grâce à ces règles que le procédé est ou a été utilisé non comme tel, mais comme instrument d’intérêts ou de pouvoirs bénéficiant de l’inégalité attaquée.
Ceci étant dit, le problème avec la désobéissance civile, c’est que ces mêmes règles inhérentes imposent des exigences extrêmes à la volonté de résister. En premier lieu, elle est récursive, ce qui signifie qu’elle s’applique à elle-même les règles à partir desquelles elle met en question les règles en vigueur. C’est à partir de la cohérence démontrée qu’elle va extraire sa force, qui est une force politique. La désobéissance civile n’est pas une politique déterminée ; elle n’est pas non plus un pouvoir factuel ni fondé sur les droits. Elle est pacifique, elle ne s’adresse pas aux personnes accusées de commettre une injustice et elle n’affecte pas les tiers puisqu’elle porte avec elle les conséquences punitives et les responsabilités légales d’un acte illégal, et elle évite que les personnes non impliquées n’en souffrent. En exerçant la désobéissance civile, les personnes exposent leur vie, pas leurs organisations ou leurs identités de manière immédiate et ouverte. Troisièmement, elle est démocratique, mais d’une manière qui n’admet ni délégation ni médiation. Elle décide qui participe et y participe qui décide. Elle n’a ni interprètes ni représentants puisqu’elle exclut toute négociation ou concession. C’est pour cette raison que c’est une forme de démocratie directe, dont les résultats sont revendiqués par ceux qui au départ n’étaient pas ses protagonistes. En quatrième lieu elle est publique, dans une double perspective : elle peut démontrer à travers une argumentation, face à tout interlocuteur, les raisons de ses méthodes d’action, tout en élargissant l’espace et le temps publics, en intégrant des thèmes de discussions. Elle bouleverse l’agenda dominant, elle oblige ses ennemis à se définir et ses adversaires à prendre position, elle place les pouvoirs publics face à l’alternative d’exercer la pression étatique ou de résoudre le problème.
Mais ce sont des exigences difficiles à remplir toutes à la fois et pourtant seuls les actes de rébellion en tant qu’actes de justice possèdent le statut politique qui va au-delà de la compétence partisane et des réactions sociales. Il est même possible de trouver dans notre mémoire des cas exemplaires dans notre histoire de la deuxième moitié du XXe siècle qui les réunissaient presque toutes, ayant un impact à court et long terme qui ont changé de façon décisive les coordonnées politiques. Les luttes de l’entreprise Frigorifico Lisandro de la Torre, les grèves et mobilisation soutenues par le syndicat de Luz y Fuerza de Cordoba en Argentine sous la direction d’Agustín Tosco, le mouvement des Droits Humains avec les Madres et Abuelas à sa tête, ou encore le premier cutralcazo.
L’auteur :
Traduit de l’espagnol pour El Correo de la diáspora par : Floriane Verrecchia-Ceruti
El Correo de la diáspora. Paris, le 24 janvier 2016.