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La Chine et la France viennent de signer une déclaration commune en vue de la COP 21, saluée déjà comme une avancée décisive vers un accord « contraignant ». Or il ne pourra y avoir à Paris d’accord contraignant puisque l’éventuel accord sera fondé sur des engagements « volontaires » des différents pays ! Cette déclaration a pour fonction essentielle d’éviter une débâcle à Paris, après les remous des dernières négociations à Bonn.
La déclaration indique l’accord entre les deux pays pour réaliser un inventaire quinquennal des engagements volontaires. Voilà la contrainte. Cela signifie mener une étude tous les cinq ans à partir de 2025, l’accord de Paris prenant effet après 2020. Cette procédure est nécessaire, mais elle ne rectifie en rien le fait que d’ici 2025, compte tenu du niveau insuffisant des efforts annoncés dans les engagements volontaires des États, les émissions de gaz à effet de serre nous auront placés sur la trajectoire d’un réchauffement d’au moins 3 °C. Soit bien plus que l’objectif des 2 °C maximum que les États de la planète s’étaient engagés à ne pas dépasser et qui n’apparait plus, y compris dans cette déclaration, comme la pierre angulaire du futur accord de Paris, validant le décalage entre le nécessaire (les 2 °C ou moins) et ce qu’il y a sur la table (les 3°C ou plus).
Le G77 (134 pays du Sud plus la Chine) s’est indigné des propositions mises sur la table à Bonn fin octobre. La déclaration sino-française tente de corriger le tir. Ainsi, elle souligne l’importance du financement de l’adaptation au changement climatique, réclamé par les pays du Sud. Ceux-ci subissent déjà de plein fouet les conséquences du réchauffement, alors que dans les textes en cours de négociation, les pays du Nord, les lobbies industriels et financiers privilégient l’investissement dans le capitalisme vert, supposé servir à l’atténuation du changement climatique . Pour le financement, la déclaration rappelle l’objectif fixé à Copenhague des 100 milliards de dollars d’ici 2020. Cependant, il doit venir de multiples sources, publiques ou privées, bilatérales ou multilatérales, dons ou prêts… Au lieu du transfert du Nord vers le Sud de 100 milliards additionnels, qui était prévu depuis Copenhague, se profile un grand recyclage d’aides déjà existantes ainsi que de nouveaux prêts octroyés par les institutions financières internationales.
Enfin le texte affirme « l’importance d’orienter l’économie mondiale sur la voie d’une réduction des émissions de carbone durant ce siècle, à un rythme compatible avec une croissance économique forte » : ce sont donc les réductions d’émission qui doivent s’adapter à la croissance économique ! Nous en connaissons d’avance les résultats : la croissance du PIB s’est toujours accompagnée d’une croissance des émissions. Ce n’est pas un hasard si les coopérations envisagées entre les deux pays sont les fausses solutions que nous condamnons, notamment les marchés du carbone et les technologies de capture et stockage du carbone.
Cette déclaration s’apparente davantage à une tentative de replâtrage qu’à de réels engagements nouveaux. Elle est totalement insuffisante dans la perspective d’un accord ambitieux (respectant les 2 °C ou moins), prévoyant notamment la sortie des énergies fossiles et le déblocage de financements à la hauteur des enjeux. Pire, elle prépare de nouveaux crimes climatiques en laissant croire qu’on peut ralentir le réchauffement du climat sans remettre en cause le modèle productiviste.