Alors que l’État français vient d’accorder trois nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures et d’en prolonger deux autres, un projet de loi de réforme du code minier vise, selon l’auteur de cette tribune, à faciliter l’exploitation du sous-sol.
Claude Taton est membre du réseau Frack Free Europe, qui milite pour une interdiction des méthodes de fracturation hydraulique.
La ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, a annoncé, dans l’émission de France 5 C-Politique, qu’elle avait « un projet de loi sur la réforme du code minier » qui serait débattu à l’Assemblée nationale en janvier, permettant de donner au gouvernement des bases juridiques pour s’opposer à « des recherches d’hydrocarbures qui ne sont pas fondées ».
Avant de développer les dispositions que pourraient contenir cette réforme, il faut rappeler à Madame la ministre que le code minier actuellement en vigueur ne l’empêche pas juridiquement, contrairement à ce qu’elle prétend dans l’émission, de s’opposer aux nouveaux permis et de refuser de les signer. Elle vient récemment d’accorder trois nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux et d’en prolonger deux autres jusqu’à fin 2018.
Puissante mobilisation citoyenne
En effet, pour octroyer un permis, l’entreprise doit posséder les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches. Or Mme Royal a accordé le 21 septembre un permis de recherches à Herbsheim, dans le Bas-Rhin, au profit de la SARLBluebach Ressources, qui est une entreprise doté d’un capital de 8.378 € et qui n’a jamais entrepris aucun forage. Comment Bluebach peut-elle être à même de répondre aux conditions du permis alors que l’engagement financier minimal exigé (1,98 million d’euros) représente 236 fois le montant de son capital ? En janvier 2015, la ministre avait pourtant rejeté le permis de recherche d’hydrocarbures du Calavon, dans le Luberon, justifiant sa décision par l’absence« des capacités financières nécessaires » de la société Thétys Oil France AB. Ce qui est insuffisant pour le Vaucluse serait-il suffisant pour le Bas-Rhin ?
Madame la ministre déclare qu’un projet de loi sur la réforme du code minier serait déposé prochainement au Parlement. Pour rappel, cette réforme avait été engagée par le gouvernement Ayrault, en 2012, après la puissante mobilisation citoyenne soulevée en France à cause de la délivrance en catimini en 2010 de permis de recherches de gaz et pétrole de schiste. Le conseiller d’État Thierry Tuot, chargé de conduire cette réforme, avait remis en décembre 2013 au gouvernement son projet de nouveau code minier. Alors que cette réforme semblait enterrée, elle a refait surface en mars 2015 avec la publication en ligne sur les sites des ministères de l’Écologie et de l’Économie d’un avant-projet de loi soumis à consultation. Depuis cette publication peu relayée par les médias, les ministères ont continué à travailler sur ce texte. Nous avons pu en lire une version plus récente.
si nous ne voulons pas dépasser les 2 °C de réchauffement, il faut laisser 80 % des réserves d’hydrocarbures dans le sol
Madame la ministre affirme que cette réforme apportera « des bases juridiques permettant au gouvernement de s’opposer à des recherches d’hydrocarbures qui ne sont pas fondées ».
Quelles seront ces bases juridiques dans un nouveau code minier qui sanctifiera, dans un chapitre spécialement créé, la politique nationale des ressources minières avec l’objectif de valoriser les ressources pour l’intérêt économique des territoires et de la nation ?
Comment prétendre apporter des garanties juridiques alors que le texte ne prévoit qu’une seule possibilité de recours non suspensive pour s’opposer à l’irrégularité de la procédure d’attribution d’un titre minier, et que tout recours ultérieur ne sera plus possible ?
Pourquoi le texte ne prévoit-il pas d’imposer à l’opérateur de déclarer clairement le type de gisement recherché et de conditionner la délivrance du titre minier aux types de travaux envisagés et à la manière dont il compte procéder à son exploration ou son exploitation ? Comment madame la ministre s’opposera-t-elle à des recherches d’hydrocarbures si toutes les données ne sont pas mises sur la table à tout instant et dans une transparence absolue ?
Pourquoi le texte n’envisage-t-il pas l’élaboration d’un schéma semblable au schéma d’aménagement et de gestion des eaux, qui définirait les conditions limitant ou interdisant une exploration/exploitation minière au regard des exigences environnementales et sanitaires ainsi qu’aux considérations relatives à l’aménagement du territoire ? Schéma qui serait opposable aux autorisations prévues par le code minier.
Cette décision ne peut être issue initialement d’un acte juridique mais doit d’abord traduire une volonté politique déterminée et courageuse, à savoir : arrêter d’encourager et de faciliter les investissements dans la recherche de nouveaux gisements d’hydrocarbures, quels qu’ils soient, ou de minerais. Comme cela a été maintes fois répété, si nous ne voulons pas dépasser les 2 °C de réchauffement climatique d’ici à la fin du siècle, les scientifiques recommandent de laisser 80 % des réserves actuelles prouvées d’hydrocarbures dans le sous-sol.
Aucune obligation d’informer et de consulter le public
Mais cette réforme du code minier, sous prétexte d’encadrer davantage les activités minières afin de mieux prendre en compte les considérations environnementales et sociales, cherche à faciliter l’exploitation du sous-sol en simplifiant les procédures et les délais d’obtention des titres miniers.
Il est prévu que les travaux de recherches ou d’exploration sous commande publique et dans le but d’acquérir des connaissances puissent être entrepris sans délivrance de titre minier. En l’absence de tout régime juridique, il n’y aurait aucune obligation d’informer et de consulter le public. Cette disposition inscrirait définitivement, dans le nouveau code minier, ce qu’a prévul’article 4 de la loi du 13 juillet 2011 : la mise en œuvre d’expérimentations réalisées à seules fins de recherche scientifique. Elle ouvrirait la voie pour étudier la fracturation hydraulique ou les alternatives à la fracturation hydraulique.
Cette réforme, en nous faisant croire à la possibilité d’inscrire l’activité minière dans un cadre plus respectueux de l’homme et de l’environnement, cherche l’acceptabilité sociale du renouveau du secteur minier (minerais et hydrocarbures). Elle sert à refondre le cadre d’investissement minier pour accélérer et sécuriser juridiquement l’accès aux territoires, à adopter un régime fiscal incitateur, à faciliter l’accès aux données géologiques, à créer des processus de « participation » du public qui n’ont que l’apparence de ce qu’ils prétendent être alors que les populations sont manifestement et volontairement écartées du processus décisionnel.
Photos : Pixabay (CC0 Public Domain)