Retour sur un événement majeur de l’été qui s’est déroulé en Allemagne : sans doute le plus grand acte de désobéissance civile contre le charbon. À l’occasion d’un Camp action climat en Rhénanie, plusieurs centaines d’activistes ont réussi à bloquer la mine de lignite géante de Garzweiler. La campagne contre les fossiles ne s’arrêtera plus. Reportage.

– Garzweiler (Allemagne), reportage

Camping sous tente, douches collectives, toilettes sèches, panneaux-solaires et éolienne, espace enfants et cantine vegan… Les éléments de base d’un Camp action climat étaient bien réunis, entre le 7 et le 17 août dernier, en Allemagne. Y compris la localisation : à portée d’un site industriel. C’est un critère essentiel des Camps action climat. Les activistes allemands ont choisi la mine géante de lignite – du charbon fossile composé de 65 à 75 % de carbone – de Garzweiler, en Rhénanie, au nord-ouest de Cologne (complexe dont la mine de Hambach fait partie).

Le camp de Lützerath, organisé en autogestion, a fonctionné à prix libre et avec de nombreux bénévoles ; les prises de décisions se sont faites au consensus à plusieurs niveaux et sans hiérarchie : groupes de voisinage, assemblée représentative, assemblée plénière et groupes d’affinités… pour l’action. Car, si ce Camp climat de 10 jours était l’occasion de participer à de nombreux débats, ateliers, projections et concerts pour s’informer et agir contre le changement climatique, le moment fort a été la formation à la désobéissance civile non violente. Formation suivie d’une mise en pratique : une action de blocage réalisée par des centaines d’activistes contre l’industrie du charbon, incarnée par la mine de Garzweiler, l’une des trois mines de lignite de la Rhénanie. Garzweiler alimente les cinq centrales électriques à charbon qui font de cette région allemande la plus grande zone d’émission de CO2 d’Europe.

Ce matin du samedi 15 août, plus de mille activistes ont lancé l’opération « Ende Gelände », que l’on peut traduire par « Stop ! On n’ira pas plus loin ». Ils ont réussi à entrer et à bloquer, pendant plusieurs heures, la mine de lignite à ciel ouvert qui alimente plusieurs usines de RWE (l’une des quatre grandes entreprises productrices d’électricité en Allemagne) situées dans la vallée du Rhin, au nord de Cologne. Les militants ont appliqué la tactique dite « des cinq doigts » qui consiste à franchir les rangs de la police en forçant le passage en masse par cinq endroits différents. La police bloquait pourtant un tunnel, ayant disposé plusieurs rangs de policiers anti-émeute équipés de matraques et de bombes de gaz au poivre (voir la vidéo). Mais les manifestants ont réussi à franchir les cordons, même si les policiers en arrêtèrent certains violemment, obligeant notamment les manifestants faisant les poids morts à se relever en appliquant un point de pression sur la carotide.

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Les activistes sont parvenus à pénétrer dans la mine de Garzweiler.

Une fois le barrage policier franchi, les activistes ont atteint les immenses excavatrices, mises à l’arrêt à la demande des autorités, tout cela avec comme seule défense des masques anti-poussière, des combinaisons de chantier et des filets remplis de paille pour amortir les coups de matraques. Ils finirent par se faire encercler et près de 800 personnes ont été emmenées dans des commissariats de la région (Cologne, Düsseldorf, Aix-la-Chapelle…). Elles ont été libérées dans les heures qui suivirent.

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Les activistes encerclés par la police.

Dans le prolongement de cette action matinale, une manifestation pacifique et familiale de 800 personnes a défilé dans l’après-midi à proximité de la mine, partant du village d’Immerath, un des six villages fantômes qui vont être rasés comme l’ont été une douzaine d’autres depuis 1961 après avoir été accaparés par l’Etat puis revendus à RWE. Cette compagnie d’électricité a des projets d’agrandissement de la mine, le projet Garzweiler II, dont l’exploitation est prévue jusqu’en 2045. Quarante personnes habitent Immerath. Ils étaient 1900 il y a encore quelques années. Lors d’une prise de parole publique, une militante indienne a raconté qu’elle avait beaucoup appris pendant ce Camp climat, car en Inde, les projets de centrale nucléaire et de mines de charbon se multiplient. Elle a rappelé que les combats des militants allemands ont permis l’arrêt du nucléaire dans leur pays. À quand celui de la production d’électricité à partir de charbon en Allemagne, pays admiré à l’étranger pour son modèle économique et son avance technique dans les énergies renouvelables ?

Pour extraire la lignite, des terres fertiles sont ravagées, des écosystèmes importants sont détruits tels la forêt de Hambach, et des pompes sont installées tout autour de cette immense mine pour drainer l’eau. D’énormes excavatrices, qui avoisinent les 90 m de haut sur 200 de long, sont utilisées pour attaquer le sol. Pour agrandir cette mine, il est même prévu de détourner l’autoroute sur plusieurs kilomètres. Quand on sait qu’un kilomètre d’autoroute coûte 10 millions d’euros, cette mine doit être plus que rentable pour RWE. Au total, les mines à ciel ouvert occupent beaucoup d’espace en Allemagne : 170 000 hectares, selon le ministère fédéral de l’Economie

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Centrale électrique alimentée par la lignite, dans la vallée du Rhin.

Au loin, derrière la mine à ciel ouvert, on aperçoit les trois centrales de RWE qui produisent de l’électricité à partir du charbon. Sur les grilles des usines, des banderoles sont accrochées pour mettre en avant l’économie et les nombreux salariés de cette industrie, en ignorant la « bombe climatique » que représente la combustion de tout ce charbon.


Lire aussi : En Allemagne, le courageux combat de quelques zadistes contre une monstrueuse mine de charbon


Source : Pascal Hennequin (fokus21)

Photos :
. Chapô : Les activistes ont escaladé les installations de la mine de charbon. © Paul Wagner /350.orgCC BYNCSA 2.0 via Flickr

. Les activistes sont entrés sur le site. © Tim Wagner / 350.orgCC BYNCSA 2.0 via Flickr

. Les activistes encerclés par la police © Ruben Neugebauer / 350.orgCC BYNCSA 2.0 viaFlickr

. Les autres photos : © Pascal Hennequin (fokus21) – CC BYSA

L’article original est accessible ici