« Les temps changent, et nous changeons avec eux » avaient coutume de dire les Romains. Jamais, depuis la signature de l’accord insoutenable intervenu entre l’Eurozone et la Grèce le 13 juillet 2015, la conscience – forgée ou diffuse – qu’il y a bien quelque chose de pourri au royaume de l’Europe n’a été aussi forte dans nos sociétés continentales et dans le reste du monde. Médias, partis politiques, intellectuels, mouvements sociaux et opinions publiques mesurent jour après jour combien le stade de développement atteint par la crise organique du système européen est inédit depuis la signature du traité de Rome (1957) et la fondation de la Communauté économique européenne (1958). Cette crise agite plusieurs éléments dans un tourbillon chaque jour plus puissant. La crise de l’euro, la mise à mort lente de la Grèce sur le plan économique et social au nom de sa soumission aux dogmes de l’euro sous hégémonie allemande – dogmes qui vont inéluctablement, tôt ou tard, la conduire au « Grexit » –, le drame des exodes migratoires, la montée des extrémismes et des intégrismes, le démantèlement appliqué des solidarités et des protections sociales, économiques et démocratiques crevassent incessamment l’édifice européen.
L’Union européenne (UE) n’est plus simplement perçue comme un modèle de technostructure froide et néolibérale. Elle est devenue le symbole du désarmement méthodique de la vie démocratique des peuples. Dans ce contexte, les enseignements de la « négociation » grecque sont nombreux et désormais bien établis. Parmi ceux-ci, le plus important : impossible de sortir de l’austérité à l’intérieur de l’euro.