Par Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي

Pour la deuxième fois, le Forum social mondial aura lieu à Tunis. Ce qui se voulait l’assemblée mondiale des mouvements populaires a été lancé en 2001 à Porto Alegre, capitale du Rio Grande do Sul. Son objectif était de rassembler et de coordonner tous les mouvements opposés au désordre néolibéral à travers le monde, sans exclure personne sauf les partis politiques en tant que tels.

Au fil des années, le FSM a connu une évolution que ses initiateurs jugent négative: les partis politiques ont fait leur entrée dans le FSM à tous les niveaux, notamment à travers les fondations des partis politiques allemands qui les financent partiellement. Un des obstacles principaux à la réalisation de l’objectif initial – rassembler des mouvements réellement populaires de toute la planète – a été, comme toujours l’argent, ou plutôt le manque d’argent, qui a rendu les pauvres dépendants des riches, lesquels décident qui est digne de recevoir leur aide pour pouvoir se déplacer d’un continent à l’autre et participer à de telles rencontres. C’est ainsi que le projet d’organiser une délégation de l’Autre Colombie, réellement représentative des mouvements de lutte de base et non des habituels « représentants » qui se rendent à toutes les rencontres, a échoué face au mur d(e non-)’argent. Aucun des riches organismes de « solidarité » auxquels une aide a été demandée n’a accepté de donner le moindre centime pour un projet qui n’aurait pas coûté plus cher que ce qu’une dame de l’oligarchie colombienne gaspille en un week-end d’aller-retour de Bogotá à Miami ou Londres.

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Ce FSM risque donc d’être le dernier de la série, puisque les pionniers brésiliens ont, depuis deux ans, adopté une nouvelle stratégie en s’alliant avec le Vatican et son nouveau pape pour reconstruire un « mouvement des mouvements »: ils ont ainsi tenu une première « assemblée des mouvements populaires » au Vatican en octobre dernier, dont le slogan était « Terra, Domus, Labor » (Terre, Toit, Travail).  Les 132 participants invités par le Saint-Siège sont tombés d’accord pour rester en contact et se coordonner. Les deux principaux artisans de la rencontre ont été le Brésilien João Pedro Stédile, leader du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) , et le pape Bergoglio, lesquels semblent en totale synergie, vu qu’ils ont la « même clientèle » (les pauvres) et les mêmes adversaires (les évangéliques qui, au Brésil, ont montré durant les dernières élections présidentielles, qu’ils sont désormais un facteur politique, en votant massivement pour Marina Silva.)

Stédile et Bergoglio

Il y a donc convergence entre d’une part la stratégie de Bergoglio de reconquête du continent Abya Yala par l’Église catholique, apostolique et romaine, qui, ces dernières années, a perdu des millions de fidèles au profit des églises évangéliques yankees « acculturées » localement et, d’autre part, du MST de son parrain, le PT au pouvoir à Brasília, d’étendre l’influence brésilienne au niveau continental et mondial en direction de « ceux d’en bas », autrement dit le volet « social-mouvementistes » d’Itamaraty (le palais de Brasilia qui est le siège du ministère fédéral des Relations extérieures). Concrètement, cela signifie qu’il n’y aura pas une grande présence brésilienne à Tunis ni de délégations d’autres pays, financées par les généreux donateurs brésiliens, en premier lieu PETROBRAS, la société pétrolière publique, ni de Via Campesina, le syndicat paysan qui compte 17 sections nationales et est largement dépendant du MST.

Désormais l’altermondialisme officiel parle latin… Pour les Colombiens de L’Autre Colombie, l’urgence sera de parvenir à organiser d’abord un mouvement des mouvements à l’échelle de leur pays, surmontant toutes les différences régionales et les sectarismes et en cherchant les voies pour rester autonomes par rapport à tous les centres de pouvoir, avant de se lancer dans des assemblées continentales et mondiales. Et cette urgence n’est pas seulement colombienne, elle est tunisienne, elle est africaine, elle est mondiale.

 

Merci à Basta ! Journal de marche zapatiste
Source: http://azls.blogspot.com/2015/03/tunis-24-28-mars-2015-13eme-et-peut.html
Date de parution de l’article original: 15/03/2015
URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=14459

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