Du 1er mai au 31 octobre se tiendra à Milan l’Exposition universelle, qui aura pour thème :« Nourrir la Planète, Energie pour la vie ». Mais des voix discordantes se font entendre sur son coût démesuré, ses infrastructures inutiles et la présence des entreprises les plus polluantes de la planète.
« Nourrir la Planète, Energie pour la vie ». C’est le slogan de l’Exposition universelle qui se déroulera sur la commune de Rho, près de Milan, en Italie, du 1er mai au 31 octobre. Un évènement qualifié de « planétaire » par les organisateurs et qui a mobilisé des ressources gigantesques.
Mais un mouvement de citoyens s’est organisé pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme« une immense hypocrisie » et un grand projet inutile et imposé. « Nous sommes un collectif d’écologistes, militants de la gauche radicale et d’associations, précaires, citoyens, qui avons analysé l’Expo et sommes convaincus qu’il s’agit d’un énorme gaspillage de ressources », explique à Reporterre Luca, 48 ans, responsable du collectif Utopic, qui fait partie du réseau NoExpo.
« L’Exposition universelle n’est que l’emblème d’un système de gestion du territoire qui utilise les grands événements pour accélérer la transformation des sociétés selon le paradigme néolibéral », ajoute-t-il. Dès octobre 2014 un cortège de contestation a défilé dans le centre de Milan.
Des milliards pour des infrastructures éphémères
Mais de quoi s’agit-il ? Selon les organisateurs, de la plus importante exposition au monde, qui va accueillir vingt millions de visiteurs (dont un million de Français), en provenance de 147 pays. Pour l’organiser, le gouvernement italien et les administrations locales ont édifié une ville dans la ville : centres d’exposition, auditorium de 1 500 places, théâtre en plein air de 3 450 places, restaurants pour tous les goûts : gastronomiques, « lounge », rapides, « innovation », « night spot » et pour les enfants. A quoi il faut ajouter un parc interactif de 3 420 m2, des aires événementielles, des salles de conférence, un pavillon central de 10 500 m2, des bâtiments fixes et temporaires, passerelles, rues, places, boulevards.
Tout cela traversé par plusieurs canaux artificiels, qui consommeront trois mètres cubes d’eau par seconde, prélevés dans la rivière Tessin. Provoquant l’inquiétude de la société qui gère le Parc naturel local : elle craint qu’en cas de sécheresse, « la biodiversité du fleuve soit détruite ».
L’ensemble de l’Exposition a coûté 3,2 milliards d’euros, dont 1 milliard payé par les pays étrangers. « Tout l’argent public finira dans les poches de quelques entreprises, dénonce le militant No Expo, sans apporter aucun bénéfice aux citoyens. C’est un gigantesque bétonnage, et si on prend en compte aussi les ouvrages connexes, c’est-à-dire des centaines de kilomètres d’asphalte, la destruction de plusieurs jardins autour de Milan, la construction d’une autoroute et l’achat des terrains, la facture totale pour l’Italie et les Etats participants monte jusqu’à près de 10 milliards d’euros ».
Et puis, que faire de toutes les infrastructures du centre d’exposition après sa fermeture ? Personne ne le sait : le gouvernement de Matteo Renzi commence juste à se demander comment utiliser les édifices, les équipements, les structures. Pour l’instant, aucune idée n’émerge : un ministre, le 4 avril dernier, expliquait qu’« il faut y réfléchir ».
« Au lieu d’organiser un évènement comme celui de Milan, nous dit Federica Ferrario, responsable de la campagne agriculture de Greenpeace Italia, on aurait pu utiliser cet argent public pour financer, par exemple, des projets de recherche en agriculture durable. Toutefois, on espère que ça sera au moins l’occasion pour discuter de questions d’importance planétaire, et nous essayerons de faire entendre notre point de vue ».
Travaux inachevés, sécurité négligée
Mais l’Expo va ouvrir dans un nuage de polémiques. Il y a un an, un scandale de corruption portant sur les marchés publics a explosé. Le directeur de la planification et des achats Angelo Paris a été arrêté, accusé d’avoir faussé des appels d’offres.
En outre, à moins de deux semaines de l’ouverture, la presse italienne a dévoilé que seulement 25 % des constructions seront achevées le jour de l’inauguration : 4 aires sur 20 seulement. Et certaines – dont le « Palais Italie » où sera exposée « l’excellence du Made in Italy » – ont accumulé des retards impossibles à rattraper, comme le confirme une vidéo exclusive publiée le 24 avril par le journal Il Fatto Quotidiano.
Ruelles encore à asphalter, bâtiments à terminer, salles à nettoyer : quoi faire ? Rien de plus simple : les organisateurs ont décidé d’ouvrir partiellement certains édifices, et de… se passer de contrôles ! Raccordements hydriques et électriques, gaz, égouts, cuisines : pour tout vérifier il faudrait plusieurs semaines. La solution ? Les constructeurs vont signer une déclaration sur l’honneur assurant qu’il n’y a aucun problème de sécurité ! Aux visiteurs, il ne restera donc qu’à croiser les doigts et faire confiance aux constructeurs, en espérant que rien ne tombe sur leurs têtes.
Greenwashing
Les retards ne bloqueront donc pas le grand show : six mois pour discuter alimentation, agriculture, environnement. Et d’écologie ? « Pas du tout, disent les No Expo sur leur site internet. C’est au contraire la mystification des idées d’écologie et de durabilité. L’expo fait du greenwashing, il suffit de jeter un coup d’œil sur les entreprises qui sponsorisent l’évènement ».
« On va parler de nourrir la planète, poursuivent-ils, mais les principales multinationales de l’industrie alimentaire, agricole et de la grande distribution vont financer l’Expo. Les mêmes qui contrôlent le marché des semences, qui fabriquent et utilisent des produits OGM, qui exploitent la terre de façon intensive en détruisant les petits agriculteurs partout dans le monde. Coca-Cola, McDonald’s, Nestlé, Eni, Enel, Pioneer-Dupont, Selex-Es sont des entreprises responsables de la pollution des terres et des océans, des déforestations, des exploitations de travailleurs, des méthodes d’élevage qui ressemblent à des camps de concentration, ainsi que de la production d’armements de guerre. L’Expo se dit “verte”, mais ce n’est pas vrai ».
Six mois d’actions contre les projets inutiles et les méga-événements
Les No Expo vont organiser cinq journées de mobilisation : « Un laboratoire social de résistances et d’alternatives », annoncent-ils. Le 30 avril un cortège d’étudiants traversera la ville, en fin de journée. Un camping animé par des assemblées, des débats et des ateliers hébergera les participants.
Le vendredi 1er mai, fête du travail, sera dédié aux discussions autour de la protection sociale et du chômage. Le 2 mai, des actions dans les quartiers de Milan se dérouleront pour sensibiliser les habitants. Enfin, la dernière journée verra une assemblée conclusive rassembler les idées, les initiatives, les propositions lancées, qui seront présentées ensuite à AlterExpo : « Celle-ci ne sera pas, expliquent-ils, une exposition alternative, mais six mois d’actions contre le modèle des grands ouvrages inutiles et des méga évènements ».
LA FRANCE Y SERA AUSSI
La France aussi sera présente dans un pavillon constitué d’un entrelacs de lames de bois du Jura sur deux étages, qui « mettra en avant l’agriculture, la pêche, l’aquaculture et l’agroalimentaire français », annonçait en septembre le site du ministère de l’Agriculture, après la pose de la première pierre en présence de Stéphane Le Foll, à Milan.
Le bâtiment de 3 600 mètres carrés, doté d’un café contemporain, de boutiques et d’une boulangerie typique, accueillera 5 000 délégations attendues durant les 184 jours de l’exposition. Le prix : 20 millions d’euros répartis entre les sept ministères français engagés dans l’événement.
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Source : Andrea Barolini pour Reporterre
Photos :
. Pavillon français
. No Expo