Dominique Hubert, enseignante, nous présente sa lecture du film Les Héritiers de Marie-Castille Mention-Schaar, sorti en décembre 2014. Petit rappel bienfaisant, en ces temps agités, des projets transformateurs que l’école peut porter.
Même si j’ai trouvé ce film extrêmement touchant et troublant de justesse, au point que certaines scènes me semblaient tout droit issues de la réalité et non d’une fiction, je ne m’aventurerai pas sur un terrain qui n’est pas le mien et ne me permettrai donc pas une critique cinématographique en bonne et due forme.
Mon propos visera plutôt à souligner les ingrédients qui ont fait de l’expérience relatée une magnifique victoire sur le décrochage scolaire et la violence, souvent plus exacerbés au sein des banlieues, là où de nombreux jeunes et moins jeunes n’arrivent pas à se faire reconnaître dans leurs potentialités originales ni à se rendre utiles à la société.
En les entraînant dans l’aventure du concours national, le professeur, incarné par Ariane Ascaride, a montré à ses élèves à quel point elle leur faisait confiance, à quel point elle savait qu’avec leurs forces singulières, ils étaient capables de relever un défi qui paraissait à leurs yeux insurmontable. Forces singulières s’il en est puisqu’après avoir constaté leur manque de compétences scolaires proprement-dites, elle les a amenés, non à se formater à la voie que l’école leur aurait tracée pour ce genre de démarche, mais à découvrir ce que leur vérité, leur authenticité leur suggérait.
Ce regard bienveillant et qualifiant leur a permis non seulement de développer la foi en eux-mêmes, mais aussi de s’ouvrir à leur créativité et d’inventer une approche toute nouvelle.
L’enseignante a compris également l’importance de ne pas accorder de notes aux élèves pour cette recherche. Lorsque l’on supprime la pression de l’évaluation, qui se base sur des critères extrêmement rigides et sclérosants, lorsqu’il peut sortir du cadre qui le limite à une infime partie de ses richesses personnelles, le jeune peut se laisser aller peu à peu à l’enthousiasme de la gageure, le plaisir inné de la découverte et le bonheur de la construction.
Ouverte à leurs propositions, le professeur accepte également de rester dans l’ombre, au service des jeunes. Elle devient alors une éveilleuse qui, non seulement aime se laisser surprendre par ses élèves mais bien plus les encourage dans leurs initiatives, sans hésiter toutefois à signaler leurs incohérences ni à les aider avec ses forces à elle.
Et bien sûr, le but de l’aventure est collectif et engage tous les élèves volontaires dans une collaboration inédite. Le cadre de vie acquiert alors de la souplesse : on bouge dans la classe, on rapproche les tables en petits groupes, puis en équipes plus importantes selon les nécessités. Peu à peu, les jeunes prennent conscience que leur force réside dans le respect mutuel et la synergie qui naît de leurs échanges. Amenés à œuvrer ensemble, ils finissent par se reconnaître mutuellement et à s’apprécier à leur juste valeur. Quel plaisir lorsque les cœurs vibrent enfin à l’unisson !
Pour que l’école devienne un rempart contre les intégrismes et les folies en tous genres, ne devrions-nous pas nous exercer, nous aussi, professeurs, éducateurs, animateurs et parents, à retenir les leçons de cette belle histoire ?