« Bamboo Avenue » est un tronçon de route d’environ 2,5 kilomètres de la paroisse Sainte Elizabeth en Jamaïque. Il est bordé de bambous géants qui surplombent la route et se croisent au milieu pour former un tunnel ombragé. Cette avenue a été créée au 17ème siècle par les propriétaires de « Holland Estate » pour fournir de l’ombre aux voyageurs et pour protéger la route de l’érosion.
Par Desmond Brown
Le bambou fait partie de la culture de la Jamaïque depuis des milliers d’années, mais il n’a jamais réellement fonctionné en tant qu’outil ou option pour résoudre certains des défis auxquels le pays est confronté.
C’est-à-dire jusqu’à récemment.
En septembre, le Bureau des normes de la Jamaïque (BSJ) a annoncé que le pays se lancerait dans la production à grande échelle de bambou pour la construction de logements à faible coût et de produits à valeur ajoutée tels que des meubles et du charbon pour le marché d’exportation.
Il est encore à ses premiers stades, mais la Jamaïque est saluée pour ce projet qui selon le directeur du Réseau international pour le bambou et le rotin (INBAR), Dr Hans Friederich, a un potentiel énorme dans la protection de l’environnement naturel et de la biodiversité et l’atténuation contre les changements climatiques.
« Le bambou, et il y en a environ 1.250 espèces différentes, a un rôle très important à jouer dans la protection de l’environnement et atténuation des changements climatiques. Les bambous ont des systèmes racinaires très forts et très étendus et sont donc des outils extraordinaires pour lutter contre l’érosion des sols et pour aider à la restauration de la dégradation des terres », a déclaré Friederich à IPS.
« Plus de bambous absorberont plus de CO2 et donc vous aident dans vos objectifs de REDD+ [Réduction des émissions dues à la déforestation et la dégradation des forêts], mais une fois que vous coupez le bambou et que vous l’utilisez, vous verrouillez le carbone, et le bambou en tant qu’herbe pousse si vite que vous pouvez en réalité le couper après quatre ou cinq ans, contrairement aux arbres que vous devez laisser pendant longtemps.
« Donc, en coupant le bambou vous avez un retour sur investissement beaucoup plus rapide, vous évitez de couper les arbres et vous fournissez la matière première pour toute gamme d’usages », a-t-il expliqué.
Le BSJ offre une formation jusqu’à la fin de novembre pour que les gens soient employées dans le secteur et est en train de créer trois usines de bambou à travers l’île.
L’agence veille également à ce que les populations locales puissent cultiver, préserver et récolter le bambou pour ses divers usages.
« Il peut être planté simplement comme on plante la canne à sucre. Le potentiel d’exportation est grand, et vous pouvez faire créer des emplois, et être assuré de la création des industries », a indiqué la directrice des projets spéciaux au BSJ, Gladstone Rose.
En marge de la 12ème Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (COP 12) à Pyeongchang, en Corée du Sud, Friederich a dit à IPS que les bambous peuvent contribuer directement aux Objectifs 14 et 15 d’Aichi sur la biodiversité.
L’Objectif 14 parle de la restauration, d’ici à 2020, des écosystèmes qui offrent des services essentiels, y compris des services liés à l’eau, et contribuent à la santé, aux moyens de subsistance et au bien-être, en prenant en compte les besoins des femmes, des communautés autochtones et locales, ainsi que des personnes pauvres et vulnérables.
L’Objectif 15 parle de la résilience des écosystèmes et de ce que la contribution de la biodiversité aux stocks de carbone soit améliorée, à travers la conservation et la restauration, y compris la restauration d’au moins 15 pour cent des écosystèmes dégradés, contribuant ainsi à l’atténuation et à l’adaptation aux changements climatiques ainsi qu’à la lutte contre la désertification.
« Nous sommes ici pour encourager les parties à la convention qui sont producteurs de bambou à considérer le bambou comme l’un des outils dans l’atteinte de certains des objectifs d’Aichi et à intégrer le bambou dans leur stratégie nationale de la biodiversité là où cela convient », a précisé Friederich.
Le président de la Société agricole de la Jamaïque (JAS), le sénateur Norman Grant, a dit que le bambou « est un secteur dont le moment est venu », tandis que le ministre par intérim de l’Agriculture et de la Pêche, Derrick Kellier, a dit aux habitants de l’île de s’abstenir de couper le bambou qu’ils utilisent comme tubercules d’igname.
« Nous collaborons afin de faire passer l’information: cessez de détruire les réserves de bambou existantes, afin que nous les ayons pour l’utilisation », a-t-il déclaré.
Kellier a indiqué que le bambou offre un potentiel énorme aux agriculteurs et autres.
« C’est une plante à croissance très rapide, et dès que le secteur commencera à marcher, lorsque les gens verront la valeur économique, ils commenceront à développer leurs propres surfaces. Il pousse sur les terres marginales comme nous l’avons vu à travers le pays, alors nous sommes bien sur le point de bénéficier pleinement du secteur », a dit Kellier.
Sur la question de la conservation de la biodiversité, le directeur exécutif adjoint du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Ibrahim Thiaw, a déclaré qu’il y a un manque de compréhension parmi les pays en développement que la biodiversité constitue la base du développement.
En conséquence, a-t-il dit, ils n’investissent pas assez dans la biodiversité à partir de leurs ressources nationales, car elle est considérée comme un luxe.
« Si les pays des Caraïbes doivent continuer de bénéficier du tourisme comme une activité, ils devront investir dans la protection de la biodiversité parce que les touristes ne viennent pas seulement pour voir le beau peuple des Caraïbes, ils viennent pour contempler la nature », a souligné Thiaw à IPS.
« Il est important que les pays en développement investissent dans leurs propres ressources d’abord et avant tout pour préserver la biodiversité. Ils ont les ressources. C’est juste une question de priorité. Si vous comprenez que la biodiversité est la base de votre développement, vous investissez dans votre capital, vous conservez votre capital. Les pays des Caraïbes ont beaucoup de ressources qui sont essentielles pour leur économie ».
Le BSJ a dit qu’il vise à puiser dans le marché mondial lucratif pour les produits en bambou, qui est estimé à 10 milliards de dollars, avec le potentiel d’atteindre 20 milliards d’ici l’année prochaine.
Friederich a indiqué que bien que certains pays n’aient pas encore réalisé le potentiel du bambou, d’autres l’ont développé.
« J’étais au Vietnam la semaine dernière [début octobre] et j’ai constaté qu’il y a un décret du Premier ministre visant à promouvoir l’utilisation du bambou. Au Rwanda, il existe une loi qui recommande en réalité l’utilisation du bambou sur les pentes des fleuves et sur les rives des lacs pour la protection contre l’érosion; aux Philippines il y a un décret présidentiel selon lequel 25 pour cent de tout le mobilier scolaire doit être fabriqué à partir du bambou », a-t-il expliqué.
« Donc, il existe des instruments réels de politique déjà en place pour promouvoir les bambous. Ce que nous essayons de faire, c’est d’encourager d’autres pays à faire de même et à examiner les diverses options qui sont disponibles ».
« Le bambou a un potentiel énorme pour la protection de l’environnement naturel et la biodiversité. Les preuves montrent que cela est en train d’être sérieusement sous-estimé comme étant une possibilité pour les pays à s’engager dans la protection de la biodiversité et de l’environnement naturel », a-t-il ajouté.
Traduit en français par Roland Kocouvi