Rassemblant plusieurs milliers de personnes, la Coopérative intégrale catalane (CIC) est sans conteste l’une des réalités espagnoles – qu’elles soient économiques, politiques ou sociales – les plus extraordinaires et intéressantes actuellement : de par sa nature, son expansion et son ampleur… Ce qui explique que, s’inspirant d’elle, d’autres coopératives intégrales aient vu le jour dans plusieurs autres régions d’Espagne (Andalousie, Madrid, Pays basque, Valence…) ou soient en voie de création, en France à Toulouse ou avec l’ÉcoRéseau du Pays Nantais.
Créée il y a plus de trois ans, la coopérative intégrale, en même temps qu’elle apporte une réponse collective à la crise (création d’emplois, développement des solidarités et des coopérations, de la vente directe et des circuits courts, achats groupés, utilisation de monnaies autres que l’euro –les monnaies sociales locales ou régionales…), est un outil au service de la construction d’une autre société : « une initiative de transition qui nous permet de construire un mode de vie ou ni les banques, ni l’État n’ont de prise » (1). Une structure régionale autogérée, initiée par le mouvement des EcoRéseaux (EcoXarxès en catalan), qui regroupe en fait plusieurs coopératives : de consommation, d’habitation, de production, et d’autofinancement en réseau.
« COOPÉRATIVE car c’est un projet qui pratique l’autogestion économique et politique, impliquant la participation égale de tous ses membres. INTÉGRALE car elle regroupe tous les éléments basiques d’une économie : la production, la consommation, le financement, sa propre monnaie, et parce qu’à la fois, elle comprend tous les secteurs d’activité nécessaires pour assurer le quotidien » (2).
La coopérative intégrale catalane fonctionne en réseau : elle est en réalité un parapluie, qui rassemble une multiplicité d’autres coopératives (dont certaines permettent l’exercice de nombre d’activités différentes), projets collectifs, entreprises et initiatives alternatives. Il y a les projets autonomes, à la base, puis les coopératives intégrales locales (à l’échelle d’un quartier, d’un village), puis, à « une échelle plus large, les réseaux d’autogestion bio-régionale (une commune, une vallée…). (…) Le niveau de la coopérative intégrale est avant tout un cadre de référence et de coordination où se créent des moyens collaboratifs et collectifs pour favoriser et connecter les processus locaux » (3).
Le mode d’organisation et de fonctionnement est donc décentralisé au maximum, et chaque acteur est autonome. A tous les échelons (donc également dans les groupes de travail thématiques de la coopérative intégrale), les prises de décision se font en assemblée, ouvertes à tous (coopérateurs ou non : l’ouverture étant le « principe fondamental de l’assemblée » est-il expliqué sur se site de la coopérative). Dans chacune des assemblées, la prise de décision se fait par consentement(une décision est adoptée si personne ne s’y oppose), et non à la majorité des voix. Une technique de prise de décision collective particulière, plus souple que le consensus. « Les décisions doivent se prendre de préférence au consensus, pour assurer le respect de la diversité des opinions, la cohésion du groupe et le développement optimal du processus » (4). En cas de blocage, la proposition est modifiée jusqu’à obtenir le consentement de chacun, éliminant ainsi le phénomène des minorités et des majorités.
Les décisions qui concernent la coopérative intégrale dans son ensemble se prennent lors des assemblées permanentes (tous les 15 jours) et lors des journées assembléaires. La journée assembléaire, itinérante (à chaque fois dans un nouveau lieu du territoire catalan pour permettre au maximum de personnes de participer), est souveraine. Tout membre de la coopérative peut proposer un point à l’ordre du jour. Les absents peuvent y participer et intervenir, via mumble (équivalent de skype).
Pour un complément d’informations, on lira l’excellent article « Coopérative intégrale, un autre système » de Edith Wustefeld et Johan Verhoeven de Construire l’utopie suite au reportage qu’ils avaient réalisé là-bas à l’automne dernier. On peut également savourer, des deux mêmes auteurs, ce petit film-reportage sur la coopérative intégrale catalane réalisé par les deux reporters à l’occasion : http://vimeo.com/53486884
Il est à noter que l’une des personnes à l’origine de la coopérative intégrale catalane est un militant très connu pour la décroissance, Enric Duran, qui n’est autre que le fameux Robin des Bois moderne qui avait, pour dénoncer le système bancaire, réussi en 2008 à emprunter, en allant taper à la porte de toutes les banques, près d’un demi-million d’euros, sans que ces dernières ne vérifient rien. Il a par la suite reversé la totalité de cet argent aux mouvements sociaux et à des projets anticapitalistes et financé des journaux alternatifs (pour plus de détails, voir l’article de Construire l’Utopie).
Pour une présentation complémentaire et très pédagogique en français de la Coopérative intégrale catalane, on lira également la plaquette d’une conférence qu’Enric Duran a faite en France, disponible ici:
http://www.ingalan.org/IMG/pdf/plaquette_confs.pdf
Et bien sûr, pour les hispanophones, le site de la Coopérative intégrale catalane :http://cooperativa.cat/
Notes :
(1) : Extrait de la plaquette de présentation d’une conférence faite par Enric Duran, disponible sur http://www.ingalan.org/IMG/pdf/plaquette_confs.pdf
(2) : Ibid.
(3) : « Coopérative intégrale, un autre système » de Edith Wustefeld et Johan Verhoeven –Construire l’utopie. Disponible ici :http://www.utopiasproject.lautre.net/IMG/pdf/coop._integrale-2.pdf
(4) : Extrait du site de la Coopérative intégrale catalane : http://cooperativa.cat/