Tous les samedis, depuis la mort du jeune manifestant pour la sauvegarde de la zone humide du Testet , des Toulousains manifestent contre les violences policières et en mémoire du jeune homme. La presse rend compte de manifestations très violentes. Sur place, la réalité semblerait légèrement différente : samedi 22 novembre, un petit groupe de jeunes a réussi à désamorcer le lourd climat de violence générée en chantant et dansant. Un Toulousain témoigne.
Propos recueillis par Pressenza
« Je ne suis pas dans les réseaux qui organisent ces manifestations contre les violences policières. Les médias traditionnels rendent compte d’événements très violents, de la part des uns et des autres, et moi, je suis profondément pour la non-violence, alors je n’y suis jamais allé. Ce soir-là, je rentrais chez moi et j’arrivais sur l’une de ces manifestations. Elle était terminée, les manifestants avaient été dispersés par la police.
Les hélicoptères tournaient au-dessus de la ville car, en ce moment, dés qu’il y a une manifestation à Toulouse, ils sont là pour surveiller les rues. J’ai entendu des détonations de bombes lacrymogènes, alors que j’arrivais sur la place St Cyprien. Elle était bouclée par des camions de CRS et des grilles anti-émeutes. L’ importance des moyens déployés me donnait le sentiment que le quartier était en état de siège. J’ai senti une forte tension alors que j’avançais vers le marché. La manifestation avait été dispersée de manière violente, selon les dires de certains. Les passants, comme moi, étaient mélangés avec les manifestants. En plus des CRS, il y avait aussi 10 ou 15 policiers en civil, casqués, cagoulés et équipés de matraques. Un automobiliste s’est alors plaint de ne pas pouvoir passer. En réponse, il a été violemment molesté par les policiers. Un cordon de CRS empêchait les gens présents d’agir et de voir ce qui se passait là. Choqués, beaucoup de témoins ont pris des photos. Après, ils ont chopé un jeune, de la même façon, on ne savait vraiment pas pourquoi. Je n’ai jamais assisté à des violences aussi bestiales de la part de la police en civil.
Là encore, la population prenait des photos pour témoigner, les gens hurlaient pour manifester leur indignation et tenter de faire cesser cette violence. Je ressentais une énorme tension en moi et chez les autres aussi. J’ai suivi un mouvement de personnes. Le métro était fermé bien qu’il n’y avait plus de groupes de manifestants. La disproportion était flagrante entre les mesures prises et les événements, car il n’y avait aucune émeute. Les passants étaient très choqués, eux aussi. Des poubelles étaient en feu, énormément de policiers étaient présents, beaucoup plus nombreux que les personnes attroupées. Des camions de pompiers sont venus pour éteindre les poubelles incendiées, les gens ont été violemment dispersés tandis que les hélicoptères tournaient toujours. J’ai senti de la part des forces de l’ordre, une forte intention d’intimider la population par la démesure des moyens déployés. Le message était clair « quiconque l’ouvre, va recevoir le bâton ».
Cependant, les gens qui étaient là avaient des attitudes très positives. Ils allaient parler aux policiers avec une grande sincérité : « c’est grave ce que vous faites, vous ne protégez pas le peuple ». J’étais dans une vive tension et une colère permanente, avec des sentiments d’injustice et d’impuissance. Je me tenais près des CRS quand une bande d’une dizaine de jeunes, âgés de moins de 20 ans, se sont mis à danser en chantant « Pourquoi vous êtes payés ? Regardez ce que vous faites » au nez de la police (voir la vidéo amateur).
Les émotions qu’ils dégageaient étaient complètement décalées avec l’énorme tension de la police prête à réagir à nouveau de manière très violente. Ces jeunes étaient venus avec beaucoup d’amour, ils dégageaient beaucoup de joie et d’allégresse. Alors, j’ai vu le regard de certains policiers changer et je sentais le climat général se transformer aussi immédiatement : ces jeunes avaient réussi à briser le climat de stress et de violence prête à se déclencher et je ressentais cette transformation en moi et chez les gens autour de moi : le désespoir s’envolait, laissant place à l’espoir, la tension générale s’apaisait autour de moi. Quand tous les feux ont été éteints, tout le monde est parti.
A présent, j’étais vraiment content d’être là, car je sentais l’importance d’être témoin et me positionner en tant que non-violent pour affirmer mon rejet de ce qui se passe. Pour ne pas laisser faire cette violence arbitraire. En fait, l’énorme majorité des personnes présentes n’est pas là pour la violence : la violence est d’abord étatique et policière. On sent bien que les gens n’en peuvent plus de ces violences, c’est trop fort. Avec ce petit groupe de jeunes gens chantant et dansant, j’ai senti comme une nouvelle forme de lutte, très spontanée et pleine d’amour, et de bienveillance et en tout cas très courageuse. Une forme de dénoncer, de lutter et d’agir dans le monde très créative et efficace. »