Crédit photo : Eric Coquelin, Reporterre
par Pascale Solana pour Reporterre
Samedi 27 septembre à Paris, les Amis de Reporterre, collectif créé en juin dernier en soutien au quotidien de l’écologie, se sont retrouvés pour un débat animé par Antoine Lagneau. Thème : la place des médias dans la lutte contre le réchauffement climatique. On a surtout discuté des conditions d’existence des médias libres.
Dans l’ambiance festive et décontractée du Festival des Utopies concrètes conjugué à l’été indien, au bord du canal de l’Ourcq, assises en cercle à l’ombre des platanes, une cinquantaine de personnes, Amis ou en passe de l’être, militants de stands du FUC, mais pas seulement, visiteurs et habitants du quartier, étaient au rendez-vous.
Après avoir rappelé ligne et perspectives éditoriales du quotidien de l’écologie, Hervé Kempf rédacteur en chef et Barnabé Binctin journaliste, invités au débat, ont explicité comment ils couvraient les évènements en général et la problématique climat.
« Nous abordons celle-ci de trois façons, rappelait Barnabé Binctin. À travers des articles, interviews ou reportages d’une part, à travers une tribune, espace d’expression d’autre part et enfin à travers des alternatives de vie ». « Nous accompagnons les mouvements en faisant le B.A-BA du journalisme, c’est-à-dire relater, dire ce qui se passe » ajoutait Hervé Kempf.
– Hervé Kempf –
Reporterre, partie prenante de chaque cause abordée, de chaque tribune ? Pas forcément, comme en ont témoigné quelques échanges avec des militants de Alternatiba, contestant l’analyse faite dans le journal sur la manifestation de Gonesse près de Paris les 20 et 21 septembre derniers.
« Malgré la fréquentation que vous avez jugée faible, nous considérons que l’événement était un succès. Il faut arrêter de mesurer la réussite d’un événement en quantifiant tout » soulignait l’intervenant.
Parmi les questions posées lors de ce débat de deux heures, citons celles sur le traitement de l’écologie dans les « grands médias ». Insuffisant. « Ce qui est intéressant c’est de suivre les blogs des journalistes, dont la plume est alors souvent plus libre » faisait remarquer un habitué de l’info.
Question aussi sur l’issue de Notre-Dame-des-Landes et de fait, sur le poids réel d’un média tel que Reporterre. Pour le rédacteur en chef du quotidien de l’écologie, être parmi les premiers à couvrir des sujets comme Notre-Dame-Des-Landes, La Ferme des Mille vaches ou le Testet et les suivre permet de donner de la visibilité. « De donner le La ».
« C’est en ce sens que nous sommes leviers, même si les grands medias ne sont pas présents. Et comme ils ne peuvent pas taire indéfiniment l’information, elle finit par être relayée par de grands médias. Le but c’est de faire « masse critique » pour que l’info passe » selon Hervé Kempf.
Mais pour lui « la qualité d’un média repose moins sur le « talent » de journalistes, même si bien sûr il y en a, incontestablement, de très talentueux, que sur leur nombre. Plus il y a de journalistes dans une rédaction, plus il y a d’informations et de biodiversité. Quand leur nombre baisse, la qualité et la richesse de l’info aussi ». Le rêve de la petite équipe ? Une rédaction de vingt journalistes, pour porter vraiment la question écologique au coeur du débat public.
Effet papillon
Rebondissant sur cette notion de relais et de levier, un jeune homme, micro à la main représentant Radio Fréquence Paris Plurielle, intervient : « Justement, pour nous médias alternatifs, avoir des pro comme Reporterre nous permet de relayer de l’info avec une référence sûre ! »
Autres points et remarques abordés, l’information en tant que « bien commun ». Et aussi les modèles économiques de l’information, le principe du don des lecteurs, « risqué pour asseoir la pérennité d’un média » selon un participant, et encore la sensibilisation et la fidélisation du lectorat dont « on n’est jamais propriétaire » ou encore le « journalisme citoyen ».
– Barnabé Binctin au micro, Antoine Lagneau avec casquette. –
Il faudrait « plus de porosité entre les différents systèmes d’information » remarquait un participant et construire des « systèmes hybrides » avec de l’info citoyenne d’une part et de l’info vérifiée en pro, commentait un autre.
« De même qu’il existe des écrivains publics qui écrivent ‘je t’aime’ pour celui qui ne sait pas le faire, une forme du journalisme pourrait être du journalisme public, où l’on mettrait en forme les informations envoyées par les citoyens – parce que l’on ne peut pas aller faire des reportages partout » répondait le rédacteur en chef.
Mais Reporterre fonctionne déjà ainsi en publiant par exemple des études d’associations quand elles sont solides. Il pratique aussi l’échange fréquent de contenu avec des médias partenaires. Ne faut-il pas aller vers plus de mutualisation ?, a proposé un participant. « La mutualisation, évidemment avec les confrères d’autres medias, on y croit. Une plate-forme d’information commune serait très intéressante mais nous sommes actuellement tous freinés parce qu’on appelle ‘le coût de la transaction’ ». Comprenez le temps des multiples réunions nécessaires la mise en place de synergies. Un temps pris sur le travail d’information, et pour des petites équipes, le temps est la ressource la plus rare.
« Pour le moment nous avons créé des habitudes de travail avec des médias partenaires qui reposent sur l’échange » expliquait Hervé Kempf. C’est pourquoi à côté des signatures des auteurs d’articles figure entre parenthèse le nom de Reporterre, lorsqu’ils sont écrits pour le journal, ou de celui d’un autre titre, lorsqu’il s’agit d’une reprise.
Baptiste, du site Générations Futur, rêve quant à lui de créer un ministère du Soutien des médias libres. Son association a pour vocation de promouvoir une information alternative de qualité, va dans ce sens. Comme le vœu de Matthieu : « Je souhaite à Reporterre de pouvoir faire des révélations qui soient ensuite reprises ». « Pour cela il faut de la qualité, de l’investigation et des journalistes, a répondu Hervé Kempf. Avec ses moyens, et avec vous, Reporterre s’y emploie. »